: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes: capitalisme de la séduction
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vendredi 13 septembre 2013

Musiques metal et temps du mythe (2)

Pour certains penseurs néo-marxistes (Clouscard), répétition machinale, linéarité sont les caractéristiques de la musique rock, considérant  celle-ci comme la musique du "grand capital". Une musique rock opposée au jazz et son rythme naturel. Le rythme du corps : le swing. "Le rock c'est le jazz sans le swing". Le rythme du rock serait le rythme du capitalisme. Mais aujourd'hui "la marque du rythme, répétitif, saccadé fébrile de la machine" (que Clouscard assignait au rock au début des années 80) sont les caractéristiques propres au rap. Le rythme du rap (mais aussi de la techno) c'est le rythme du capitalisme, n'en déplaise aux "gauches". Mais ce n'est pas uniquement le rythme qui en fait une musique du capital...

La musique rock des années 2000 semble n'avoir plus grand chose à voir, en apparence, avec les formes primitives du  rock 'n' roll des années 50 et 60. C'est faux pour "le rock ou la pop 3 accords" qui inondent les stations de radio FM,  ça l'est beaucoup moins pour ce que l'on peut considérer comme des formes évoluées de rock  tel le heavy metal instrumental (qui naît dans les années 1980 véritablement et ignoré ou inconnu plutôt par ces marxistes) qui nous intéresse particulièrement ici.  Le rythme originel du rock' n roll et ce "retour du même" sont balayés par ces néo-virtuoses de cette forme particulière de rock...ou plutôt de "jazz". Le rock, inspiré par la musique dite "classique", joué comme du jazz : création du hard rock instrumental. De fait, cette forme descendante lointaine du rock n'est plus "récupération" du jazz, temporalité abrutissante mais émancipation. 
Fin de la répétition.

Pourquoi ? Parce que nous allons autrement et autre part en affirmant, que le rock n'est pas uniquement une question d'absence de swing, de "jazz sans son âme" que le rock ou metal instrumental présente ces particularités : rupture avec la linéarité du temps profane ou "déchirure" dans le temps linéaire par définition irréversible et passage dans un temps que faute de mieux on  nommera "parallèle" pour la durée que dure l'écoute d'une composition.  Remonter à l'origine du temps ou d' un événement qui s'est déroulé in illo tempore, chose permise à certains élus pour retrouver un état d'avant la "chute".

Le rythme pathologique de la modernité, l’irréversibilité du temps (le fameux temps linéaire du "progrès") qui est autant celui du  stalinisme, sinon du marxisme, que du capitalisme est défié, combattu sinon vaincu.

 Sur le plan musicologique l'utilisation de certains modes (improvisation modale) permet cette différenciation, et cette émancipation de certaines formes de musiques metal par rapport à un "rock basique". Décloisonnement. Dissonant par moment certes, donc "moderne" et pathologique par endroit mais cependant contestataire  vis-à-vis de cette (post-)modernité. Ce genre metal instrumental est devenu autonome et n'est plus sous la dépendance du "rock primitif" binaire, forme  la plus répandue de musique rock encore aujourd'hui. Il  accomplit, abolit et dépasse les structures primitives du rock n' roll et combat, de fait, la "cadence folle du néo-capitalisme". Basculement.

L’œuvre musicale arrache donc l'auditeur à la "quotidienneté" du temps commun, du temps de l'histoire, de son histoire. Nous pourrions tout aussi bien évoquer la lecture de certaines œuvres, ou le visionnage d'un film ou d'une pièce de théâtre qui  offrent au lecteur ou au spectateur l'occasion de réintégrer le "grand temps". Ce comportement s'apparente à une volonté de revivre d'une manière quasi-mystique un événement qui eut lieu à un moment donné dans le passé. Il ne s'agit de "voyager" dans le passé mais d’attirer ce passé vers le présent ; deux temps qui finissent alors par se confondre. 
Le metal est-il de gauche, "marxiste" (2) ? C'est ce qui préoccupe ces pourfendeurs du rock, du hard rock et des musiques metal (mais ils ont la réponse depuis bien  longtemps). Mais c'est hors-sujet pour nous. Ce que l'on peut dire c'est qu'il n'est pas "capitaliste". 
Ce que les marxistes (certains) ont voulu voir dans le jazz, c'est une (au contraire du rock) adhésion à leur courant de pensée. Le jazz c'est la révolte (histoire de l'esclavage, de la ségrégation raciale) au contraire du rock qui ne serait, au mieux, que contestation. Ils ont désiré en faire leur musique. Une bande sonore pour  accompagner l'émergence de "l'homme nouveau". Démonstration limitée.

La rébellion authentique n'est donc peut-être (et même certainement) pas, d'une part, dans le "rythme avec le swing" et, d'autre part, plus uniquement dans une rage anti-système exprimée à renforts d'anathèmes, de blasphèmes (aujourd'hui relativement communs) (1) mais dans cette volonté de (ré-)intégrer un temps fabuleux possiblement lié à une nostalgie des origines. Nous avons ici une manière confuse, non-exprimée, de dépasser sa condition humaine et de recouvrer la condition divine ou d'adopter un comportement,t mythologique. Et c'est cette condition perdue que le "moderne" chercherait à  retrouver sans en avoir conscience à travers l'écoute de certaines musiques. 

Mais cela n'intéresse pas le marxiste, le bourgeois (au sens de Flaubert) matérialiste ou le gauchiste. Même si l'individu appartenant à une des catégories ne rejette pas le metal, il ne le perçoit pas de cette manière. Pour lui, ce n'est, au mieux, que "ludicité-beuverie", s'il "accepte" cette musique.

(1) Il faudra revenir sur ce sujet. Les thématiques encore "subversives" des chansons au XXIe siècle, sont uniquement présentes dans certaines formes de hard rock ou de metal. La subversion ne vient absolument pas de la promotion d'un "individualisme" qui ne serait pas accepté ou acceptable dans une société occidentale comme l'affirment certains "spécialistes" du metal (ce dernier est entré à l'université comme objet d'étude, assurément signe de déclin d'un genre ou de genres désormais de plus en plus acceptés normalisés et donc récupérés, mais la réalité est peut-être un peu plus complexe, il faudra discuter de ce constat). Cet individualisme qui n'est pas strictement égal à l'égoïsme, n'a pas un caractère rare et est tout  à fait accepté.

(2) Pour en revenir aux analystes "marxistes" faisant du rock, la musique de la "petite bourgeoisie", fermée sur elle-même, on pourrait discuter de ce qu'est le "fan de jazz" : un petit ou moyen-bourgeois élitiste et méprisant, un sinistre personnage  nietzscheo-debordien qui s'approprie la musique noire-américaine...Il est vrai que la révolte ou la simple contestation à travers la musique ont, en effet, toujours fasciné les bourgeois. Le succès du rock, de la pop-music, du rap chez les classes moyennes ou les milieux de la bourgeoisie blanche occidentale est réel. On sait que le rap a été imposé "par le haut". Le rock, en partie.

Mais il nous faut aller au-delà de ces formules et catégorisations  lapidaires (à suivre)  

Pour aller plus loin : Musique metal et satanisme


 Lien vers :

Tony MacAlpine - Rusalka Album Premonition 

jeudi 15 novembre 2012

Fausses subversions pour vrais bourgeois

"J'appelle bourgeois quiconque pense bassement..." Gustave Flaubert

Les opérations porno-punk du genre de celles des « pussy riot » financées par des officines « occidentales » spécialisées dans des tentatives de déstabilisation de certains régimes « par le spectacle ». (voir notre article notamment, http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/de-l-ideologie-dominante-de-la-121969 ne sont pas là pour « choquer le bourgeois ». Nous sommes dans ce contexte en Russie, dans un pays où le christianisme orthodoxe est encore très populaire comme dans de nombreux pays nommés autrefois « démocraties populaires » : Roumanie, Bulgarie, Serbie…
En effet, le bourgeois russe occidentalisé soutient généralement ce genre de manipulations grossières, justement parce qu’il a intégré tous les codes de ce nouvel ordre « vulgaire » : pornographie, chaînes cablées/satellitaires, sport-spectacle, chansons de variétés anglo-saxonnes (Lady Gaga, nouvelles ringardes à la Madonna, etc.), art contemporain (ce nouvel académisme), soumission pleine et entière au « profane » et détestation du « sacré ».
Considérer que les « performances » de ces « Pussy riot » sont là pour « indigner le bourgeois », c’est donc ne rien entendre à la situation de l’Eglise orthodoxe russe et n’avoir, de fait, aucune connaissance de l’origine sociale des chrétiens pratiquants, pour la plupart issus du « petit peuple » russe. Non, elles sont favorisées pour imposer un « nouvel ordre moral ». Or donc, contrairement à ce que certains ânonnent, le bourgeois dominant « mondialisé » fait systématiquement l’apologie de toutes les transgressions ou du si peu qu’il reste à transgresser dans nos « sociétés occidentales ».

En France, ce sont Charlie Hebdo, Canal + (qui se voulait à l’origine un « Hara Kiri » version télévisée…), les « animateurs radios jeunes » et leurs 70 mots de vocabulaire, les jeux télévisés, les rappeurs takfiro-capitalistes (dont un Besancenot et un des des fils Sarkozy sont visiblement « fans ») ou les « écrivains » à la Virginie Despentes par exemple, qui sont en charge de maintenir « l’ordre transgressif » et la bonne humeur, de « verrouiller le système » pour que n’émergent plus de réels subversifs qui donneraient un peu à penser...
D’ailleurs, toute personne invitée sur un de ces plateaux télévisés infâmes -où se côtoient dans le même temps le politique, l’écrivain, le comique, la star du porno- et qu’on soupçonne de faire preuve d’un peu d’intelligence (même de loin) sera systématiquement raillée par l’imbécile de service.
Or donc, un fait avéré est que les dénonciations des prises de positions de l’Eglise catholique romaine sur le mariage homosexuel http://www.charliehebdo.fr/images/couv2012/CH1064-01.jpg ou bien les blagues scato-porno-bobo canalplusiennes ou encore les pièces de Castellucci (« Sur le concept du visage du fils de Dieu» http://www.revuejeu.org/sites/default/files/imagecache/grande/images/4_sur_le_concept_du_visage_du_fils_de_dieu_cr_klaus_lefebvre_4441.jpg ) ne choquent plus personne ou presque (à part peut-être un Philippe Laguérie ou l’abbé Pagès ; laissant de marbre les curés de gauche… ). Ces « farces » sont aujourd’hui totalement consensuelles. Elles reflètent, désormais, simplement leur époque et sa vulgarité si répandue. Elles sont partie de la « doxa ».
La gaudriole, le « blasphème » semblent, d’ailleurs, de plus en plus lasser un certain public, toutes classes confondues… la « subversion » étant partout, celle-ci n’émeut plus une bonne part d’Occidentaux, parce que justement parfaitement conditionnés, accoutumés. De la lutte anti-cléricale de retard des gauchistes de Charlie Hebdo aux pièces scatophiles « blasphématoires » de Castellucci, rien de bien neuf. La même rengaine depuis plus de 100 ans en France, a fortiori depuis 40 ans. Servilité totale, sans retenue de ces « amuseurs » face au Système.
Sans doute, faudrait-il peut-être expliquer à ces personnes, s’ils leur arrivent de réfléchir et d’être en mesure de se remettre en cause (mais nous croyons faire preuve de trop d’optimisme) que les églises aujourd’hui en France sont vides, qu’une bonne part des citoyens français de moins de 40 ans n’ont jamais croisé un prêtre de leur vie et n’ont même pas idée de ce qu’est une religion organisée...
Il est un fait : les « libéraux-libertaires » ont gagné le combat culturel depuis environ 40 années. Si à l’origine, cet élan libertaire a pu apporter un peu de fraîcheur, d’insolence, d’irrévérence dans une société encore très marquée par un certain ordre conservateur, politiquement aussi bien défendu par un De Gaulle que par le Parti Communiste Français (i.e. le bipartisme issu du Conseil National de la Résistance), force est de constater, quatre décennies plus tard, que cette « libération des mœurs » n’était en réalité que le cache-sexe, le cheval de Troie d’un néo-capitalisme basé sur le désir, la séduction : un néo-fascisme, soit la collusion du libéral et du libertaire… Michel Clouscard l’avait compris dès 1968.

Il ne suffit plus de vouloir « bouffer du curé » pour prétendre bousculer l’ordre établi. Le travail est fait depuis des décennies. Les caricaturistes ou « humoristes » à la Charlie ou Canal Plus ne sont, plus aujourd’hui, que des relais d’une idéologie dominante, des valets aux ordres d’un pouvoir global qui demande une soumission, par la « séduction » (la publicité en est un des moyens) à ce néo-totalitarisme dont le « spectacle » (sens restreint) en est une des composantes. Un totalitarisme d’un genre nouveau qui impose la consommation transgressive (i-phone, écrans plats, pornographie, sport-télévisé, jeux vidéo, etc.), l’obligation d’hilarité devant des « comiques » à l’humour convenu, voire la fréquentation des « boîtes à partouzes » ou des « apéros Facebook »…

Ces « individus atomisés » –il n’est plus question de communauté nationale en France- que les médias dominants nous présentent comme « anticonformistes » sont pourtant doués d’un instinct grégaire fort dévéloppé. Apologistes de tout ce qu’ils prennent pour de la transgression. Qu’ils soient amateurs de pornographie gonzo ou qu’ils se passionnent pour la chanson française néo-réaliste des rebelles des beaux quartiers (Saez, Cali…), ils ne sont en réalité que de purs conformistes, des névrosés, soumis à ce « capitalisme de la séduction », autoritaire, totalitaire avec son obligation de jouissance (voir, par exemple, les récurrents articles sur les « clitoridiennes » dans la « presse » féminine-féministe).
Revenons sur un événement s’étant déroulé lors de l’une des représentations de la pièce de Castellucci « Sur le concept du visage de Dieu », très symptomatique de l’expression souvent autoritaire de ce « régime libéral-libertaire »… Nous avons alors vu des chrétiens catholiques romains être évacués par des policiers… « L’ordre libertaire » s’est révèlé « sécuritaire », botté et casqué.
C’est sous les applaudissements d’un public bourgeois (politiquement indifférencié/indifférenciable) que les quelques perturbateurs ont été sortis du théâtre pour que cette nouvelle aristocratie d’argent post-soixanthuitarde puisse continuer à déféquer sans être dérangée par ces « furieux réactionnaires », empêchant le spectacle libéral-libertaire de tourner en rond.
Le corollaire à cette mise en scène globale, c’est évidemment la « mauvaise éducation » qui devient une norme ; c’est le « citoyen » (terme aujourd’hui cuisiné à toutes les sauces) qui se sent obligé de se comporter « comme un con » (disparition des « civilités » élémentaires, langage relâché, cynisme, vulgarité et inculture revendiquées) pour coller à un air du temps et ne pas passer pour un « faible », un « soumis », c’est à dire simplement un être possédant des « qualités morales » (attention fascisme !!!), aux yeux du troupeau bêlant : « il est interdit d’interdire »…
Du fameux slogan affirmant que « le prof est une salope » https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjFqemiJGSI337dBgKlNh4SBf114X2pGkmWqfs9LtFLlzS6XJEepHAU-OMU8xXhJm-E10-EhaaeG9i5YpAV60K2dCxcYjGTs-O8kzuXH2sADXJptKvKHQRTkBu2QpSJ7n3i5NStr5vK1Ns/s1600/graffiti68_05.jpg
des gosses sorbonnards de la bourgeoisie de gauche en 1968 au « casse toi pauv’ con » d’un Président français « de droite » ce sont, en quelques décennies, toutes les valeurs de ce peuple de France qui ont été piétinées par ce rouleau compresseur de la bêtise libérale-gaucharde, du spontanéisme « facebookien », du « c’est mon choix », du « calcul » souvent, mais surtout de l’arrogance et de la suffisance d’une poignée d’inquisiteurs ayant imposé un nouvel ordre (a-)moral, dénué d’un minimum de finesse, mais incroyablement efficace dans sa capacité à coloniser les esprits…

Du mépris des enfants mal-élevés de la bourgeoisie dominante à l’égard des petites gens n’appartenant pas à leur caste, à la violence (considérée comme « légitime » par les trotsko-libéraux) des sous-prolétaires (aspirants-bourgeois) des « cités », c’est l’injonction de manquement au minimum de règles qui régissent le fonctionnement « normal » (attention contestation du relativisme !!!) d’une société qui est valorisée, donnée en exemple à des individus aujourd’hui isolés, obligés de s’adapter à ces codes de conduite sous peine d’être marginalisés socialement, voire professionnellement… « Tu seras un con, mon fils ! »
…Une absence de valeurs (permettant de « faire société ») ou plutôt la promotion de « non-valeurs » cautionnée et favorisée par les « libéraux-libertaires » (et leurs émules), pseudo-révolutionnaires alliés objectifs de la droite économique/patronale, dont l'unique but en 68 (le « mai ouvrier » n’avait rien à voir avec cela) était de « normaliser la baise », de « jouir sans entraves »…
…la bite à gauche, le portefeuille bien à droite... une norme absolue, indépassable (?) désormais…
Au passage rappelons, que ce sont, d’ailleurs, ces ex-anarcho-trotsko-maoistes devenus néo-cons' qui soutiennent aujourd’hui, les chrétiens évangéliques américains dans leurs « guerres contre la Terreur »…tout comme ils furent des acteurs décisifs dans la décision du gouvernement français d’intervenir militairement en Serbie en 1999 …

De nos jours, une simple critique de ces états de fait tels qu’exposés dans cet article vaudra à son auteur une généreuse volée de bois vert… Lecteurs, que l’insulte soit généreuse !
Le Roumain Constantin Toiu, décédé récemment, écrivait dans son excellent roman « l’exclu » que l’Homme est doté d’une colonne vertébrale qui lui permet de rester droit, debout mais aussi…fier…et seul s’il le faut, quand tous les autres se sont soumis à la dictature du « on », à la « pensée dominante » (ou pensée unique), forcément molle et paresseuse… Mais à quel prix l’ « être-là », i.e. chacun de nous (pour reprendre Heidegger) peut-il conserver son authenticité par rapport au groupe, s’extraire de cette tyrannie sans tyran, de ce « on », c’est à dire cette collectivité indistincte ?

  par Jean-Michel Lemonnier