: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes: Michel Foucault
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mercredi 29 janvier 2014

Point de vue des marxistes orthodoxes sur un ensemble de questions sociétales

Etincelles, revue théorique du PRCF (Pôle de Renaissance Communiste en France), numéro 25- Mai 2013
Le point de vue du PRCF (pas du Parti Communiste Français) sur les évolutions/réformes sociétales souhaitées ou/et imposées par le gouvernement social-démocrate actuel (p. 19 à 34). 

Signalons d'abord que le PRCF, marxiste-orthodoxe dit oui au mariage civil (s'il est souhaité bien sûr/ critique implicite de l'intitulé maladroit "mariage pour tous") entre époux ou épouses avec les mêmes droits que les couples hétérosexuels. Oui à l'adoption par TOUS  les couples et...  Non à l'homophobie, évidemment. 
Et tout cela sur la base de "Marx, sans s'intéresser à 'la question homosexuelle' semble dire que" ou "Lénine écrit... concernant l'amour libre"...et en mentionnant le "Deuxième sexe" jugé "globalement émancipateur" (on se demande, cependant, émancipateur pour qui...Pour la bourgeoise bisexuelle rentière oisive certainement, beaucoup moins pour la femme ouvrière ou employée à bas salaire et hétérosexuelle par exemple).
On pourrait prendre cela pour un discours de "gauche normale" pour laquelle les références théoriques/idéologiques ne sont, cependant, pas à chercher du côté de chez Marx, ni chez Lénine, ou alors de manière tout à fait résiduelle. 

Mais, le PRCF refuse le confusionnisme sur un ensemble de problématiques sociétales ce qui le différencie assez nettement des autres partis de gauche ou considérés comme tels. Etre sceptique vis-à-vis de certaines innovations sociétales ne signifie pas faire le jeu de ce ce que ces marxistes appellent la "réaction". Autrement dit, on peut soupçonner (à défaut d'être certains) que certaines mesures présentées comme "progressistes" ne sont que les chevaux de Troie du capitalisme ou qu'elles n'ont pas à être acceptées comme telles parce que simplement présentées (sans "preuves" à et en l'absence d'un débat de fond) comme un "incontestable progrès". Le PRCF refuse donc le "chantage à la réaction" des sociaux-démocrates et autres libéraux-libertaires envers ceux qui "doutent" du bien fondé de certaines lois, "directives" ou projets de lois. 


Ainsi donc, faut-il refuser une "tenaille idéologique" et de choisir entre un  de ces deux camps :
-Celui des beaufs (qui dans leur imaginaire barbare se font gloire de casser du pédé)", de la "réaction" et du bloc "UM'Pen"en gestation (UMP'en est une formulation des théoriciens du PRCF convaincus d'un rapprochement partiel ou total (fusion) en cours des deux partis UMP-FN)

-Celui des Bobos, clientèle du PMU (Parti Maastrichien Unique-UMP et PS et partis satellites) voire des petits partis gauchistes (parti de Gauche, NPA), qui dans le cadre de l'idéologie capitaliste actuelle de la transgression, de la déréglementation, de la dénationalisation, de la "nomadisation", se fantasment sans classe sociale, sans patrie, sans sexe, sans couple, sans identité, "sans qualités" comme eût dit Robert Musil, en portant aux nues le mythe d'une pseudo-'liberté transcendante' qui n'est que la couverture mythifiée de la totale fluidité du capital et de sa devise managériale bien connue : "ne pas s'attacher aux pays, ne pas s'attacher aux produits, ne pas s'attacher aux hommes" (et dans la foulée, ne pas s'attacher aux couples, aux enfants, à son propre sexe, etc. et avoir pour seule identité stable la monstrueuse déclaration de Parisot : 'l'amour est précaire, la vie est précaire, pourquoi le travail ne serait-il pas précaire?')

On ajoutera qu'il faut être profondément stupide pour croire que critiquer la gauche c'est être forcément de droite. A considérer que ce clivage a encore un sens en France...

En outre, on  sait à quel point, pour certain(e)s, le fait d'afficher des "convictions de gauche" à leur boutonnière suffit à les convaincre d'être dans le "camp du Bien", voire d'incarner personnellement ce "Bien"...même dans le cas où on serait une ordure finie, moralement parlant...Mais c'est vrai qu'à gauche, on n'aime trop pas la morale...On ignore même jusqu'au sens du mot parfois...

Or donc, on va faire appel ici à l'anthropologie marxiste, qui s'intéresse donc à l'histoire sur des temporalités longues, pour prendre de la hauteur et comprendre les "conditions de l'autoformation du genre humain". S'en suivent les considérations habituelles sur le mépris des femmes par les institutions religieuses (de ce côté là rien de nouveau, c'est du marxisme pur et dur dans le texte...On continue à vouloir bouffer du curé), mais surtout entre autres (on ne fera pas un résumé complet des analyses présentées dans le numéro de cette revue), une critique de la "théorie du genre" (1) 

Une critique suivant deux axes complémentaires donc :

Une théorie (d'autres diront qu'il n'en existe pas/cf. : études sur le genre) jugée "dangereuse" par des marxistes (donc des progressistes) que seraient bien avisés d'écouter  les "gauchistes" et autres petits-bourgeois radicaux de gauche toujours prompts à choper tous les courants...d'air du temps.  Les mêmes petits et moyens bourgeois, totalement étrangers au monde ouvrier, toujours prêts à donner des leçons d'ouvriérisme à... des enfants d'ouvriers, d'ailleurs...

En somme, l'attitude réellement "progressiste" consiste à faire preuve de la plus grande prudence à l'égard d'un ensemble de mesures et de postures idéologisées et à mettre en avant le principe de précaution. Car, il existe indéniablement des constantes anthropologiques (la position des marxistes n'est pas d'affirmer que rien ne doit "évoluer"/ l'homme est un produit de la nature ET de la culture) et la théorie du genre pourrait être dévastatrice dans la construction de la personnalité de sujets déjà aliénés par le mode de production capitaliste. 


En outre, il n'existe pas de "droit à l'enfant". Les mères porteuses (pauvres forcément?) ne seraient finalement que des "machines à pondre" des enfants contre de l'argent pour de riches parents homosexuels (voir GPA). L'enfant-marchandise est une abjection totale ! Le sous-entendu idéologique relatif à ce "droit à l'enfant" c'est, qu'au final, un morceau de sucre, un gamin ou une bagnole c'est pareil. Soit le cynisme libéral le plus complet, le plus "achevé".  

A travers ses propositions (qu'elles aboutissent ou non à des lois), la "gauche" se révèle être, donc une nouvelle fois, le meilleur V.R.P. ou la meilleure caution morale (-> le "Progrès") -si l'on veut- des "avancées" du capitalisme total. 


(1) Voir Judith ButlerJohn Money. Mais les chantres des "gender studies" qui récusent l'appelation "théorie du genre" diront que ces deux là n'ont rien à voir ensemble et préféreront vous parler hypocritement de l'anthropologue Margaret Mead...Cet article démontre pourtant la continuité idéologique entre Money et Butler : http://www.nerve.com/content/mythbuster : "Judith Butler and others were all very supportive of John Money because he was saying what they wanted to hear. He was saying that, if you start early enough, a boy can be socialized as a girl."
Il faut reconnaître, aussi, une évolution de l'utilisation du terme "genre". Les "penseurs du genre" vont s'appuyer sur une distinction originelle  faite par des médecins étasuniens dans les années 50.  On passe alors en quelques décennies au "combat" de Butler sous l'influence des travaux charniers de Foucault et de Bourdieu et bien évidemment du "Deuxième sexe" du Castor bourgeois. Nous ne sommes alors plus dans la lutte traditionnelle féministe contre le sexisme (le déterminisme social lié au sexe biologique), mais dans la dénonciation d'une soi-disant "norme sociale hétérosexuelle". Ces "penseurs" affirmeront la non-universalité de la division masculin/féminin en se référant, d'ailleurs, à des cas marginaux existant dans certaines sociétés non-européennes.

On arrive alors aux travaux (parmi d'autres) des Rachele Borghi, géographe (sic) (l"anus comme espace indifférencié, car "non-discriminant") et des Beatriz Preciado "philosophe", toutes deux activistes post-porn queer. A leur lecture, on comprend alors "l'état d'esprit" de cette "gauche pathogène" genriste. Preciado, universitaire, écrit dans un article pour un journal français : "Depuis cette modeste tribune, j’invite tous les corps à faire la grève de l’utérus. Affirmons-nous en tant que citoyens entiers et non plus comme utérus reproductifs. Par l’abstinence et par l’homosexualité, mais aussi par la masturbation, la sodomie, le fétichisme, la coprophagie, la zoophilie… et l’avortement." (Libération, 17 janvier 2014).

A la suite des Judith Butler et autres fanatiques féministes lesbiennes post-porn queer..."chercheurs" en sciences humaines et sociales, B. Preciado propose de libérer l'individu par la négation de toute identité sexuelle et par la mise en place d'une société alternative "contra-sexuelle", de remplacer" le pénis et le vagin par l'anus ("centre universel contra-sexuel") et le godemichet (!). Refuser de faire des enfants pour déconstruire l'Etat-nation (espagnol dans ce cas) etc. Les foutaises derrido-deleuzo-foucaldo-althusseriennes habituelles adaptées aux luttes LGBT...Par ailleurs, en tant qu'homosexuelle, on ne voit pas en quoi ces questions de procré-n-ation la concernent...

Soit le crétinisme de l'idéologie de la transgression systématique propre à cette "gauche" qui ne se soucie guère de savoir à qui servent réellement ces postures outrancières... Haine de soi, refus de l'altérité. Bref. De la merde, des animaux objets sexuels pour ces dames et du plastique comme projet de civilisation...

Annihiler toutes les forces de vie au nom d'une lutte contre la "réaction". Ces "penseurs" veulent nous vendre une idéologie de mort sous couvert d'émancipation des "minorités sexuelles", de soi-disant tolérance plus généralement... Et, tout cela en dit long, également, sur l'état des sciences sociales dans le monde euro-étasunien (l'Europe centrale et orientale semble relativement épargnée jusqu'à présent par cette dérive narcissique et  autoritaire des SHS). Des laboratoires en SHS devenus pour certains les bas-fonds de la pensée humaine...remplis d'"intellectuels" coprophages (c'est Preciado qui l'écrit finalement...) et autres névrosé(e)s profonds, produisant des travaux à prétention scienfitique subordonnés à diverses idéologies mortifères.


lundi 18 novembre 2013

Plus-de-jouir et néo-capitalisme. Dressage à la consommation ludique, libidinale, marginale. Narcissisme et capitalisme. Marché du désir.

La partie de l'œuvre de Clouscard, consacrée au Mai 68 libertaire -révolte petite-bourgeoise- expliquée à partir de l'évolution du mode de production (répression du producteur/permissivité pour le consommateur) est incompréhensible, irrecevable  pour le "gauchiste", dispensé de l'impératif de production, qui hurle au fascisme, à la "Réaction", à un  retour à un prétendu ordre moral ante-1968 (1) à chaque évocation du surmoi et à chaque critique des injonctions au plus-de-jouir dictées par un "marché du désir" qu'il prend comme étant une somme de "libertés authentiques". Libertés qui ne sont, la plupart du temps (cf. infra) pas autres choses, qu'aliénations, qu'un impitoyable conditionnement et une soumission aux codes de ce système  néo-capitaliste qui émerge dans les années 1960. 


 "Pour une consommation ultra-rapide, immédiate, brutale. Il faut en prendre pour la semaine. Une bonne et grosse soupe pour les rustauds du mondain. Dressage sommaire : boum-boum et pam-pam. Le rythme et la "violence" et allez vous coucher. Les deux animations essentielles de la mondanité capitaliste, la bande et le rythme, sont réduites à leur plus simple expression. (...) C'est qu'on n'a plus besoin de raffiner [on s'adresse] au tout venant, aux incultes du mondain. (...) Il faut enrégimenter la populace, les troupiers du mondain, ses bidasses. On doit les amener (...) à un gestuel si élémentaire qu'à côté le salut militaire peut paraître un raffinement. [Ce ne sont] que les restes du festin de la consommation mondaine, du néo-capitalisme. (...)
Cette consommation mondaine, la part du vulgaire, doit permettre trois opérations idéologiques. D'abord fixer les sensibilités aux symboles de la consommation mondaine du capitalisme. Et selon les figures les plus pauvres. Pour empêcher ces jeunes d'accéder à une conscience politique. Pour fabriquer des abrutis. Verrouiller les âmes et les cœurs. La sono et les coups. Ensuite créer le besoin, du ludique, du marginal. Sans le satisfaire réellement. Exaspérer l'envie et ne pas laisser accéder au festin. (...) Exciter la concupiscence et ne laisser que les miettes. Ainsi conditionner une immense clientèle au marché du désir. Et préparer une certaine intégration des masses à la social-démocratie libertaire du loisir et du plaisir."

Michel Clouscard, 1981/Ed. sociales, rééd. 2012, Le capitalisme de la séduction : critique de la social-démocratie libertaire, Delga, pages 291-293 (Chapitre "Le prosaïsme du mondain : les nouvelles coutumes de masse et la cascade des snobismes")






Passage intéressant sur le paganisme. Où on lit (mais Clouscard n'est pas le seul à écrire cela, nous l'écrivons à peine différemment) que le paganisme, contrairement à ce qu'avancent les benêts béats chantres de la (post-)modernité "festive", n'a rien à voir avec cette désinhibition libertaire mais bien avec une "civilisation du sacré", interdisant le "permissif" libéral. C'est donc uniquement la dégénérescence du monde païen antique (gréco-romain a priori) qui entraîne le déchainement du libidinal et du permissif que l'on retrouve dans notre société désacralisée du "capitalisme total". La levée de tous les interdits est la condition du triomphe de ce dernier.

A noter que Clouscard -même s'il est évidemment rationaliste et matérialiste- fait partie de ces rares penseurs marxistes de haut niveau qui ne tient pas de propos caricaturaux de crétin gauchisant quand il évoque les religions (sans les idéaliser, essentiellement le christianisme/les références sont du début des années 1980 concernant ce livre). Il ne défend pas un système métaphysique, ni bien sûr un "clergé", ni un "c'était mieux avant" réactionnaire, mais une conception du temps, de l'espace (sur ce plan, un penseur comme Eliade aux antipodes de la pensée clouscardienne  ne dit pas autre chose au final) et des valeurs particulières incompatibles avec le capitalisme. Les sociétés pré-capitalistes (ou celles qui en étaient les héritières, jusqu'aux années 50 et 60 en France) païennes et/ou chrétiennes étaient construites sur des temporalités, des "rythmes" particuliers, cycliques, des réseaux de solidarités, des "valeurs", des "garde-fous"  qui protégeaient les personnes, les communautés de l’émergence d'un capitalisme total et du rythme pathologique de la modernité. Dans ces sociétés pré-industrielles ou celles qui en présentaient encore certaines caractéristiques, pas de superpositions ou juxtapositions des temporalités/des rythmes, pas d'arythmie sociale. 

La modernité d'après-guerre puis la contre-révolution capitaliste que constitue "Mai 68" entraînent la disparition définitive de ces conceptions du temps et de l'espace en France. Ces bouleversements spatio-temporels d'une brutalité incroyable génèrent alors des pathologies mentales à une échelle encore inédite dans l'histoire de l'humanité. Ce constat rejoint celui de Pier Paolo Pasolini, par exemple, quand il affirme que cette modernité ou plutôt post-modernité (il ne dit pas autre chose quand il  pointe  du doigt le néo-fascisme démocrate-chrétien) transforme l'individu (contre la personne) jusqu'au plus profond de son âme.

 Seuls des abrutis finis (prétendument anti-capitalistes, d'ailleurs, c'est l'histoire du mai 68 sociétal, des naïfs conduits par des agents parfaitement conscients de la perversité de la "manipulation") peuvent se féliciter de la disparition de ces structures et modes de vie. Ajoutons que la planification gaullienne, l'urbanisme de grands ensembles -habitat concentrationnaire- la désertification/modernisation des campagnes qui l'accompagne considérés comme des progrès (contexte de reconstruction, migrations vers  la ville des années 50 à 70, ruraux partant travailler à l'usine, etc.) jouent un rôle fondamental dans cette disparition de ces façons d'être au monde en France (2) A décharge pour les gaullo-communistes, les choix concernant les questions d’aménagement du territoire dans l'immédiat après-guerre ont été guidés par un impératif d'urgence.

De plus, contrairement à Baudrillard ou Pasolini,  Clouscard ne produit pas une critique de la "société de consommation" en général, mais fustige uniquement la part cette société de consommation (ou soi-disant telle) qui relève du "ludique", du "libidinal", i.e. le "marché du désir". Il établit une distinction entre accession à des "biens d'équipements" et "consommation mondaine", "culture de l'incivisme", "rebellitude" qui ne sont que respects et adhésions aux principes du néo-capitalisme. Les classes moyennes récupèrent les surplus, les signes de la consommation mondaine et bourgeoise (cf. premier extrait).
Enfin, ajoutons que cette critique clouscardienne du "marché du désir" et... du "gauchisme", est -culture politique/économique déficiente généralisée aidant- souvent perçue comme étant de droite ou d'extrême-droite. Rien de plus faux et pourtant terrible récupération actuelle de Clouscard dans certains milieux droitiers ! Les premiers à parler du "gauchisme" comme maladie infantile du communisme sont les... communistes eux-mêmes (Lénine) et la pensée clouscardienne (non ou anti-stalinienne d'ailleurs) c'est le remède radical aux prurits populistes. Seulement, Mai 68 et son "tas de chair libertaire qui sert de présentoir au marché du désir, Cohn-Bendit" sont passés par là, brouillant les cartes idéologiques... 
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(1)  un ordre moral qui n'a jamais réellement existé autre part  que dans l'imaginaire d'une certaine gauche mais aussi dans celui de certains dextristes, d'ailleurs...Le Mai sociétal n'a "libéré" que ceux qui étaient déjà "libérés" et le laxisme post-68 n'est en rien une émancipation vis-à-vis de mœurs rigoristes, mais une hystérie individualiste à l'échelle de la société française, "occidentale" plus généralement, accompagnant la mutation du capitalisme. Régression anale et coprolalie...

(2) lire dans ce même ouvrage, le passage sur la "maison de campagne" et les modalités de son acquisition par les parvenus de la nouvelle bourgeoisie -hippies inclus- s'installant dans la misère rurale et profitant de la désertification des campagnes post-1945...Trois étapes : le départ vers la ville des néo-prolétaires, l'acquisition pour trois fois rien du bâti et des terrains "abandonnés", puis spéculation, entre-soi choisi et mise à distance d'autres (trop tard) parvenus, pour les empêcher d'accéder au "festin" ("ségrégation" par le prix du foncier)...

jeudi 17 octobre 2013

Voici venu le temps des frustrés revanchards (1) : surtout la faute aux « gauches »

 Publié  par Jean-Michel Lemonnier jeudi 17 octobre 2013 - sur AGORAVOX

On ne dira jamais assez à quel point la responsabilité (certes indirecte) des mandarins de l'université française et plus généralement des intellectuels des "gauches" social-démocrate et crypto-trotskiste (sévissant essentiellement dans le domaine des sciences sociales), est grande dans la montée des idées "réactionnaires" ou entendues comme telles par ces mêmes caciques, "têtes pensantes" de la nation. En s'appuyant largement sur l'œuvre de Gilles Deleuze et surtout celle de Michel Foucault et sa critique de l'Etat (et en la prolongeant) ceux-ci n'ont fait qu'accompagner ou valider les thèses des ultra-libéraux depuis les années 70. Ces "intellectuels" en faisant des travaux de Foucault (déconstruction...) la pierre d'angle de leur système de pensée, ont défendu, de fait, la thèse de l'Etat minimal (la tentation minarchiste, Foucault, Hayek même combat !). Or, si cette analyse pouvait (vraiment à l'extrême limite) être considérée sérieusement, il y a 45 ans, on sait aujourd'hui que le pouvoir réel n'est plus vraiment dans les mains de l'Etat, et pas exclusivement non plus dans celles des firmes transnationales mais bien dans les mains d'un vaste réseaux d'acteurs privés (économie offshore par exemple) et d'instances supra-nationales (il y a plus de lobbies que de députés à Bruxelles !). Disons, pour faire court, que ce pouvoir économique s'observe à travers des dynamiques conjointes, dans un compromis sans cesse renouvelé entre des États certes affaiblis et des acteurs financiers et des superinstitutions internationales.


 En laissant le soin aux caricaturaux représentants des "droites" dites nationales (de De Villiers à Le Pen) de discréditer tout discours sur la souveraineté nationale depuis 30 ans (ce fut le rôle de la bande à Mitterrand de faire taire le discours souverainiste à gauche en inhumant le patriotique P.C.F.), ces "sensibles de gauches" ont volontairement permis la relégation des discours défendant l’État fort et souverain au rang d'outrances fascisantes. Tout cela, évidemment, pour "vendre" un projet européen (en réalité euro-étasunien) qui servirait les lobbies, les puissances d'argent et sûrement pas la qualité de vie des peuples du vieux continent...(comment l'Union européenne détruit les services publics français) De même, en abandonnant l'idée de prolétariat (il faut inclure, aujourd'hui une grande partie des classes moyennes productives -l'ingénieur par exemple- dans celle-ci) et en ayant renoncé à défendre les classes populaires en s'appuyant sur des catégories d'analyses sociologiques nulles et non avenues (les "jeunes" par exemple) et développant à l'infini des sujets d'études (mobilité-flexibilité, genre, domination patriarcale...) empruntés à la gauche libérale étasunienne, en somme, en abandonnant les raisonnements en termes de classes sociales et en "construisant" des "communautés", des "tribus postmodernes" -le tout s'accompagnant d'une inflation verbale et de langages hermétiques- et en se désintéressant des préoccupations des plus démunis (socialement, culturellement), ils se sont mis à dos le peuple souffrant.


On sait quel a été le rôle fondamental des "gauchistes de mai" dans la liquidation du marxisme (à droite, l'avènement de la droite économique/des affaires initiée par Pompidou, achevée par Sarkozy devait enterrer le gaullisme). Ce travail effectué, ces faux-ennemis que sont les gauchistes libertaires et les libéraux économiques ont tracé une autoroute au néo-capitalisme et... à des travaux à prétention scientifique qui ne pouvaient que s'inscrire dans les limites de ce postulat : le caractère indépassable du capitalisme auquel on pourrait bien faire quelques reproches, dénoncer les abus, sa violence (appels incantatoires à plus de justice sociale) sans bien évidemment le remettre en cause. De surcroît, en traitant systématiquement sur le mode du sarcasme, du mépris tout ce qui a rapport avec les "traditions", les "coutumes", l'idée de transmission, et d'éducation (2), la famille (qui serait une valeur de DROITE !), et plus encore la religion (en somme tout ce qui est contenu dans le catéchisme de la veulerie gauchiste) auxquelles encore une bonne part des classes populaires semble (cf. infra) attachée, ces "analystes" et leurs analyses qui ont guidé les différentes politiques sociales et sociétales depuis 40 ans se sont, définitivement, mis à dos toute une frange de la population française.


Aujourd'hui, crises sociale, économique, sociétale et identitaire gravissimes aidants, cette sphère des élites politico-intellectuelles de "gauche" apparaît en tout cas totalement discréditée aux yeux du Français moyen (il est bien sûr presque totalement exclu que ces êtres intellectuellement supérieurs fassent un travail d'introspection, un examen de conscience). Qui peut savoir quelles seront les conséquences définitives de l'incurie d'une partie de cette génération issue de 68 (et de ses non moins fidèles  héritiers politiques (ou ici) et intellectuels (ou ici)) ; le mai 68 sociétal sorbonnard, autrement dit ce qui n'aura été qu'une régression infantile et "anale" d'histrions fangeux  ?


Au fil des ans, face à l'imposture 68arde, aux trahisons successives des "gauches" et d'une droite de gouvernement piétinant les acquis du gaullisme et l''impuissance de l'ensemble de la classe politique à résoudre les problèmes de fond du pays, se développent alors des pseudo-oppositions totalement étrangères aux préoccupations de la majorité de la population qui s'illustreront à merveille à travers un fameux débat avec d'un côté, des libéraux-lepenistes fustigeant les "marxistes", les "socialo-communistes" la "menace rouge" (entendu que la gauche a enterré le marxisme il y a plusieurs décennies de cela) de l'autre des gauchistes-libéraux répondant aux premiers sur l'air de la "menace fasciste" à laquelle un Lionel Jospin (le socialo-trotskard par excellence) voire un Julien Dray avouent, finalement, ne jamais avoir cru. Mais il fallait bien une figure du diable, un repoussoir absolu pour permettre la pérennité de "l'alternance unique"...


Face à la nullité du débat politique, les classes moyennes (la fameuse "classe unique", constituée par l'arrachement des individus aux valeurs traditionnelles, qui a voulu participer au pouvoir) veautants quinquennaux, abruties à coups de ligue des champions, de tambours et de grosses caisses d'orchestres de variétés, de séries et de jeux débilisants d'importation US, de consommation transgressive, de beauferies TF1-Canaplusiennes, de "soirées entre potes" devant "pop-academy" (pour rigoler bien sûr !...) ont été mis devant des faux-choix politiques (Sarkozy/Royal-Hollande ou encore fascisme/antisfascisme) ou sociétaux (hystérie féministe contre machisme de gros beaufs) permettant le maintien du système en l'état. Il est donc, sans doute, permis de relativiser l'attachement des classes populaires aux valeurs précitées... L'homo festivus, "fils naturel de Guy Debord et du web" (Ph. Murray) est-il devenu le type anthropologique dominant en France ? Si tel est le cas, la partie est finie...(3)

 
Clouscard avait-il donc raison en affirmant l'enfantement de Le Pen par Cohn-Bendit ou disons leur engendrement réciproque (4) ? Le lépenisme alimente le gauchisme et réciproquement, certainement. Mais pour déboucher sur quoi à terme ?


"Le néo-fascisme sera l’ultime expression du libéralisme social libertaire, de l’ensemble qui commence en Mai 68. Sa spécificité tient dans cette formule : 'Tout est permis, mais rien n’est possible.' [ Puis ], à la permissivité de l’abondance, de la croissance, des nouveaux modèles de consommation, succède l’interdit de la crise, de la pénurie, de la paupérisation absolue. Ces deux composantes historiques fusionnent dans les têtes, dans les esprits, créant ainsi les conditions subjectives du néo-fascisme. De Cohn-Bendit à Le Pen, la boucle est bouclée : voici venu le temps des frustrés revanchards.", Michel Clouscard, 2002


Qui proposera un projet politique ni "permissif", ni "répressif", qui pemettra de renvoyer dos à dos gauchistes-droitards-libéraux/libertaires et leurs nécessaires complices lepenistes ? Qui ou quoi s'élèvera contre l'hyper-vulgarité et l'indigence de cette classe politique et de son double extrêmisme épouvantail, essentiel à sa survie, pour envoyer l'ensemble (intelligentsia incluse) dans les poubelles de l'histoire, refermera le couvercle et mettra un terme à cette pathétique période de l'histoire de France ?...


_________________________________________________________________________

 

(1) Ce n'est pas nécessairement une insulte...mais ça peut l'être...

 
(2) L'enfant n'est plus un être à civiliser, mais un narcisse, un monstre d'égoïsme face auquel aucune barrière ne doit être érigée pour permettre son avènement, le développement de sa toute-puissance. L'affirmation d'une différence entre adultes et enfants, de même celle d'une différence homme/femme étant aux yeux de ces marcusiens, une horrible discrimination qui devra être corrigée par des mesures particulières, par une rééducation (on en revient toujours à ces fameuses déconstructions) pour faire taire à jamais ces abominables archaïsmes. Ce travail de déconstruction est évidemment, encore une fois, assigné à ces universitaires "freudo-marxistes" (mais bien sûr ni freudiens, ni marxistes) ou "marxistes culturels" (autrement dit non marxistes) qui affirment le primat presque absolu du culturel sur le biologique. Et, on comprend en lisant ici et là certaines publications, le niveau de démence atteint par certains de ces chercheurs accrédités...

 
(3) Il est peut-être déjà trop tard... "L'immense majorité de la population française" est-elle déjà "enfermée et abrutie" dans le "ghetto du nouvel apartheid spectaculaire (a) " ? (Debord (G), 1985, Œuvres complètes in Michéa (J-C), 2011, p. 344 Le complexe d'Orphée, Climats). On ne peut proposer une réponse définitive.


        (a) Notes/digression sur Debord et son "spectacle" : alors qu'il refuse de considérer le spectacle comme de simples images, en décrivant le spectacle comme partie de la société ou la société porteuse du spectacle, réduit bien ce dernier à des images. A savoir, la pub/les marques, la télé et le sport professionnel par exemple et deux trois autres choses dans les démocraties libérales et la propagande dans les Etats totalitaires...Debord aurait dû en rester à "le spectacle est la société même" ou à "le spectacle est rapport social d'individus médiatisé par des images". Ses adorateurs qui citent avec un air pénétré des passages de "la société du spectacle" n'auront pas relevé les contradictions de l'auteur préféré des bourgeois du 16e arrondissement parisien et/ou des publicitaires. Debord n'a rien inventé (Jacques Ellul le confirme) et l'œuvre de Debord n'est donc qu'un affadissement d'une partie de l'œuvre de Karl Marx mêlée à des références sado-reichiennes (incompatibles avec celle du marxisme) qui ne pouvaient guère parler aux classes laborieuses.


Pour finir, le concept de spectacle a été défini confusément au fil de la plume de Debord (donc mal compris) et l'I.S. des Debord -le fils de bonne famille- et cie comme d'autres organisations gauchistes de mai n'auront été que des organisations d'alcooliques névrosés affectivement bloqués, monomaniaques anti-chrétiens (éduqués sur les genoux des jésuites, ceci expliquant cela...) qui auront indirectement produit des personnages caricaturaux de beaufs anar-bourgeois à la Siné...et autres subjectivistes radicaux à la Michel Onfray, incapables de créer de nouveaux mythes en mesure de remplacer ceux du "vieux monde", comme les membres de l'I.S. le prétendaient. Le festivisme des indignés des "gauches actuelles" est certainement un des plus "beaux" héritages des fumisteries situationnistes des années 60.


En outre, face à la conceptualisation clouscardienne de haute volée, l'œuvre de Debord apparaît bien faible...Le concept de "société du spectacle" ne serait qu'un habillage idéologique forgé avec "l'aide" des classes moyennes, un système d'enfermement conceptuel au sein duquel les exploiteurs dictent leurs règles et taisent la réalité de la lutte des classes, donc un faux système de représentation verrouillé par des intellectuels de gauche. Affirmons la supériorité de la socio-philosophie de Clouscard sur les vulgaires slogans situationnistes qui ont tant inspiré la rédaction des directives ministérielles depuis 40 ans...mais aussi face à la verbeuse philo-sociologie foulcado-bourdieusienne pour comprendre le jeu politique actuel et les rapports de dominations.


(4) Cohn-Bendit/ Le Pen soit le couple "permissif-répressif ".
Sur le "mai Cohn-Bendit" : on n'insistera pas sur le fait que ces supposées émancipations des jeunes, des femmes, n'ont été que des conditionnements à l'imaginaire capitaliste. Sujet méritant amples développements...

Publié  par Jean-Michel Lemonnier jeudi 17 octobre 2013 - sur AGORAVOX