: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes: films d'horreur
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mercredi 17 février 2016

The Gate - La fissure (1987) - Analyse : le film comme un conte

The Gate (1987)
Un film comme on n'en fait malheureusement plus. Heavy metal, incantations sataniques, un puits de l'Enfer ou une porte vers l'Enfer c'est au choix, une météorite sous un arbre dans un jardin duquel surgissent des démons,  certainement des "Grands Anciens" de H. P. Lovecraft venus du fond des âges, un ouvrier emmuré (la haine, le mépris envers le producteur dirait un "bon" marxiste ?! ou bien l'ouvrier emmuré est-il l'ouvrier embourgeoisé ?), trois amis, un jeune garçon Glen, son ami Terry et la soeur du premier Al dans une quête contre le Mal pour empêcher que le Grand Ancien et ses légions de démons ne prennent possession de la Terre. Unité de lieu ou presque. L'action se déroule essentiellement dans la maison du jeune garçon, un de ces pavillons pour classes moyennes étasuniennes, quelques rares images cependant nous emmènent dans la maison de Terry l'ami du héros principal où on le voit écouter ses disqes de hard rock et réciter des prières adressées aux démons. Celui-ci découvre en lisant les textes à l'intérieur du livre-pochette de son disque de Hard (un 33 tours) que ce que lui et son ami sont en train de vivre se déroule selon un scénario décrit dans le livret qui accompagne le disque. Terry est aidé dans sa compréhension de la situation par un livre ramené d'Europe par son père. Le fait que Terry ait perdu sa mère fait de lui un être différent de son ami Glen. Il aime le heavy metal et s'intéresse au satanisme. La mort de sa mère (il croit la rencontrer à un moment du film, mais ce n'est qu'une farce du démon) le connecte en quelque sorte avec l'au-delà. Il a déjà établi la connection avec l'Autre monde, le monde invisible, grâce à sa mère et par l'intermédiaire de ses disques de groupes de heavy metal d'orientation satanique. Un chemin trouble vers l'Au-delà mais en adéquation avec l'état psychique du jeune garçon.

Le schéma narratif est proche de celui du conte. Un héros, Glen est accompagné dans sa quête par une bande d'amis. Seulement il doit finir par affronter seule l'entité démoniaque surgie des entraillles de la terre ; ses deux amis étant retenus prisonniers sous terre dans l'abyme des ténébres. On retrouve typiquement ici le thème du héros qui accède à l'au-delà, fait la connaissance du monde suprahumain...Mais aussi, alors que la relation entre Glen et sa soeur paraît assez mauvaiase au début du film celle-ci sera totalement transformée à la fin. Après avoir vaincu ces (ou ses) démons, le jeune garçon accède en quelque sorte à un nouveau mode existentiel, il naît de nouveau pourrait-on dire. Cette épreuve face aux entités venues des profondeurs de l'Enfer, homologable aux confins de l'univers ici, est un rite de passage. A partir de cela, nous pouvons dire que le Glen le héros entre dans sa quête en tant qu'enfant en ressort en tant qu'adulte (traditionnellement l'adolescence n'existe pas). Il a franchi une étape. Les destructions dans la maison et le jardin causées par le combat entre Glen et les créatures de ténébres symboliseraient les ruines de l'ancienne vie, autrement dans ce cas l'enfance. Dans ce conte on peut aussi reconnaître l'attitude mythique dégradée de recréation périodique et de retour au chaos originel qui doit laisser place à un nouveau cosmos au sein duquel l'homme est régénéré.


Le disque de heavy metal qui contient l'invocation aux démons, Grands Anciens (capture)
D'un point de vue technique. Dans l'ensemble ça joue mal, très mal, les effets spéciaux sont réalisés avec trois bouts de ficelles mais nous sommes typiquement dans l'ambiance des films d'horreur pour jeunes adolescents des années 80. L'atmopshère et cette plongée dans un temps fabuleux sinon mythique sauvent le jeu pitoyable des acteurs. Le film nous replonge dans l'âge d'or du film d'horreur de série B dont les bandes originales étaient saturées de guitare...saturées, de riffs et de mélodies hard et heavy metal. Et surtout,cela nous change de ces films de gothiques à filles neurasthéniques  à cheveux sales (The Ring, The Grudge) et autres navets à la Constantine (ces scénarios et  dialogues nullissimes, avec le très mauvais acteur, espèce de bellâtre ahuri Keanu Reeves), REC 2 et son prêtre avec dans une main de l'eau bénite, dans l'autre un flingue (il faut de plus en plus s'adapter à un public passé par l'école de Phillippe Meirieu (terme générique désignant le pédagogue-type du "monde occidental")), ces films de zombies version années 2000 avec ses populations contaminées par on ne sait quel virus (celui de la connerie?)... J'en passe et des pas meilleurs... Après la relative insouciance des années 80, l' "Occident"  en dépression nerveuse.
Dans le genre film d'horreur incantations démoniaques et heavy metal, il y a cela aussi, directement sorti de ces brillantes années 80 :   Trick or Treat (1986). Sur ce film, il y aurait également assez à dire, sans faire pour autant dans ce cas de la psychanalyse de bas étage, sur cette histoire d'un ado. qui a grandi sans son père et fan d'une star de hard rock qui décéde subitement et qu'il arrive à ressusciter avant de le tuer...


VOIR AUSSI sur ce BLOGUE : http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.fr/2015/02/lantichambre-de-lenfer-1987-la-lumiere.html


lundi 23 février 2015

L'antichambre de l'Enfer (1987) à la lumière des traditions populaires (la Légende de la Mort-Anatole Le Braz) et de quelques élements mythologiques européens

Film L'antichambre de l'Enfer - L. Bava - 1987
L'histoire est résumée ici

"L'antichambre de l'Enfer" au regard du fond mythologique européen

Selon la tradition populaire bretonne, la route de l'Enfer est "jalonnée de quatre-vingt-dix-neuf auberges" et "dans chacune d'elle, on doit faire une étape de 100 ans" (La légende la Mort, Le Braz, Chapitre XXI, L'Enfer). Le thème de l'auberge tenu par un être qui appartient aux puissances chthoniennes (par opposition à ouraniennes, célestes ou disons solaires), à la catégorie des êtres souterrains au sens d'infernaux est repris dans ce film. A l'évidence, derrière le patron de l'auberge on devine la Mort en personne, c'est l'Ankou des Bretons ou le Thanatos grec. L'Ankou (voir Ogmios), indifféremment  personnification de la mort, oberour ar maro, l'ouvier de la mort, le dernier des morts de l'année de la paroisse devient l'Ankou pour cette paroisse pour l'année suivante, serviteur de la mort mais aussi considéré aussi comme le plus grand des dieux (de Bretagne) : Jésus-Christ s'y est soumis comme n'importe qui d'autre...L'Ankou est une entité psychopompe guidant les âmes. C'est ce que fait l'aubergiste qui ouvre le chemin vers l'antichambre (vague rappel du vestibule de l'Enfer, ou de l'ante-Enfer chez Dante) mais laisse ensuite le héros, bien vivant cependant, (suivi par ses amis peu après) poursuivre son chemin en solitaire jusqu'à la crypte profanée. A noter qu'une des héroïnes qui participent à la quête interroge le groupe : peut-être, sommes-nous morts...Dans le film, l'Ankou (la mort) prend donc les traits d'un aubergiste, physiquement repoussant, cheveux blancs filasseux et visages émacié, bien humain en apparence, et se dévoile aux héros à la fin de leur périple. L'aubergiste jette le masque (au sens propre : il arrache son masque d'humanité) et se présente face aux héros avec une faux, un des attributs possibles de la Mort.

Du temps banal ordinaire au temps fabuleux, catabase et anabase, espaces de qualités différentes et esquisse d'une géographie d'un monde suprahumain

Le passage d'un milieu ou d'un espace à un autre est consubstantiel à la modfication de la qualité du temps. Les héros évoluent au sein d'un espace ordinaire, moderne ou postmoderne, profane sans éléments de sacralité, en l'ocurrence une petite ville "occidentale" de la fin du XXe s. et pénétrent peu à peu dans des espaces de qualités différentes. Basculement progressif et irruption de l'irrationnel : passage par la forêt, territoire d'innombrables mythes européens (et extra-européens) qui représente une première plongée dans l'inconscient puis découverte d'un édifice en ruine (château), d'une auberge, de catacombes, crypte et sépulcre, peuplés d'êtres surnaturels. On va du monde des hommes, des vivants à celui des morts des êtres de l'univers suprahumain, des esprits tout comme on passe du temps familier, banal de l'homme postmoderne à un temps fabuleux, merveilleux, sinon sacré et désormais, le plus souvent, difficilement accessible à l'homme de condition moderne.
On ne s'attardera pas ici sur l'évolution de la nature des Enfers dans la tradition mythologique/religieuse indo-européenne : de lieux destinés à tous les morts, on passe à une différenciation des différents espaces infernaux sous l'influence de certains auteurs greco-latins. On dira seulement que le thème de la descente aux enfers, archi-classique, dans la mythologie indo-européenne est bien présent dans le long-métrage. Et c'est peut-être là l'essentiel. Le héros (ou les héros) doit descendre dans l'antichambre de l'Enfer, espace intermédiaire entre le monde des vivants et l'Enfer (dans le sens des religions monothéistes) sans y accéder car une fois entré en ce lieu de damnation éternelle, il est impossible d'en revenir. 
Le héros par la descente dans les mondes souterrains imite un acte exemplaire effectué par un ancêtre mythique, la régression ad infernum (qui est une régression ad uterum, dans le ventre de la Terre ? Par christianisation le monde tellurique serait devenu infernal, ce qu'il n'était pas auparavant) mais également une plongée dans l'inconscient, mythico-religieux. Le premier du groupe  à relever le défi de la descente suivi de ses amis accepte, de facto, de renouer avec la dimension religieuse de son être.

On pense à Orphée, Enée, Pythagore (évidemment Jésus-Christ) mais plus encore à Ulysse qui s'approche des enfers sans y pénétrer. Ici est l'archétype de la répétition. Par l'imitation et par la régression, le héros devient ainsi contemporain du héros mythique qui a effectué ce trajet in illo tempore, à ce moment là, alors...
Mais, avant cette immersion dans les entrailles de la terre, territoire traditionnel des esprits, des démons, des âmes en peine le héros doit s'acquitter d'une somme d'argent. La référence à l'obole due au passeur d'âmes est assez explicite. Sauf que, le thème est très dégradé. Le héros qui souhaite relever le défi de la catabase ne paie pas pour l'âme du mort mais pour pouvoir participer à une quête : descendre sous terre et affronter des entités maléfiques ou simplement damnées ou âmes errantes (les anaon) qui attendent d'entrer définifivement en Enfer ou condamnés à rester à cet endroit (cf. l'ante-Enfer de Dante), dans l'espoir d'obtenir une récompense : un trésor. Une quête que personne n'est encore parvenu à réussir. 
Le héros puis les héros rencontrent dans cette "antichambre" les différentes créatures mythologiques classiquement présentes dans les récits mythico-légendaires : spectres, morts-vivants, vampires d'origines indo-européennes (cf. : strigoi, moroi mais aussi vârcolac en Europe orientale etc.), etc. La résurrection périodique des morts est également un élément participant de ce tableau macabre. Syndrôme des Temps derniers ?
En outre, cet espace subterrestre n'est pas uniforme : catacombes-sepulcre, ancien lieu de culte profané, "maison de morts" dans laquelle sont présents les membres d'une famille qui sortent de leurs cercueils pour prendre un repas composé d'abats humains. L'espace des profondeurs propre à ce monde des damnés est donc hétérogène. 
Un des protagonistes fait référence à M. C. Escher au moment où le groupe d'amis est déconcerté par une organisation de l'espace de profondeurs qui échappe à sa propre logique. Ce même personnage propose à ses compères d'abandonner toute référence à la géométrie euclidienne et de penser avec des notions différentes, d'abandonner leurs référentiels habituels : l'espace et le temps ne sont plus soumis aux mêmes règles. Les aventuriers doivent donc échapper à la montée et la descente perpétuelle (par une échelle) pour remonter à la surface et pour cela mettre en veilleuse l'élément rationnel de leur mode de penser et d'agir...Abandonner la logique formelle en quelque sorte mais surtout faire face à des paradoxes. Les lois physiques qui régissent l'univers sensible n'ont plus cours. Dans la lithographie de Escher, trois "univers" se croisent dans un seul espace, il y a six escaliers (deux échelles a priori dans le film) sur lesquelles des personnes venant de mondes différents peuvent se croiser, ce qui fait qu'un même escalier peut porter une personne qui monte et une autre qui descend mais en empruntant des marches différentes du même escalier ; cet état de fait se manifestant par des situations comme figurées sur le dessin : 


Maurits Cornelis Escher, 1953, Relativity
Par ailleurs, cette catabase n'est pas systématiquement suivie d'une anabase, d'une remontée à la surface. Mais dans ce cas présent, le héros (celui qui relève le défi de la catabase) et ses amis finissent par vaincre le temps (une nuit dans les entrailles de la Terre avec une perte de repères spatio-temporels) et les entités mais doivent encore combattre  la Mort (l'aubergiste-l'Ankou) qui trahit sa promesse. La Mort défaite, les héros sortent du ventre de la terre. Sont-ils morts à la vie profane, accèdent-ils à la vie nouvelle, passent-ils de l'adolescence à la vie adulte ? La fin du film ne laisse malheureusement rien penser de cela, c'est pourquoi elle est décevante... Elle ne laisse paraître aucun changement chez les personnages sortant victorieux de leur quête. En effet, le film s'achève sur une scène durant laquelle le  groupe d'amis qui a récupéré le trésor promis à celui qui serait en mesure de passer une nuit dans l'antichambre, est "cueilli" par la police pour avoir contrevenu à la loi humaine (vol, infractions au code de la route...)...En dehors de la satisfaction narcissique, bête et méchante, d'avoir "vaincu", les héros ne laissent rien montrer d'un quelconque changement de mode d'être, de conscience...

Le film reprend de manière très simplifiée, donc dégradée, le schéma narratif et la structure  du récit mythologique, initiatique

Enfin, un élement important permet de distinguer ce film avec un scénario calqué sur le déroulement du rite initiatique, du mythe authentique narré. Le héros est accompagné d'une bande d'amis (le héros n'est plus un et devient le groupe entier), il n'effectue pas sa quête sous la protection d'un dieu ou de puisances surnaturelles protectrices mais donc bien en étant simplement accompagné de quelques proches connaissances. Nous sommes donc plus proches du conte que du mythe en définitive.

Or donc, on pourrait simplement considérer le visionnage de ces films de genre (fantastique, horreur ou épouvante) de série B -il est vrai souvent de sombres navets- comme une activité vulgairement divertissante. C'est souvent le cas et c'est tout ce que demande le spectateur. Pourtant, parmi la masse des productions cinématographiques, outre le fait qu'un tel visionnage permet au spectateur de sortir du temps quotidien et banal à l'instar des héros de l'aventure qui effectuent une sortie "hors de l'histoire, on peut relever dans certaines oeuvres, des éléments et comportements appartenant à toute une mythologie, un légendaire, un merveilleux pagano-chrétien, conservant des structures mythico-religieuses parfois héritées des sociétés traditionnelles de la protohistoire qui permettent de donner une dimension supérieure à une telle distraction. Les motifs empruntés sont souvent superficiels, dégradés, réadaptés, "reconstruits" et appauvris mais ils sont bien là.  Ils sont dissimulés dans ceux-ci. Il suffit d'ôter la gangue spectaculaire qui les recouvre et faire peu de cas de toutes les indigences qui les obscucissent et les ridiculisent (comme ce matérialisme encore plus grossier que dans certains récits et représentations des traditions populaires) pour voir apparaître plus encore qu'un imaginaire, des schémas mythico-religieux (initiatiques) qui nous renvoient à notre propre histoire...une histoire non mise en scène...


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mardi 8 octobre 2013

Krzysztof Penderecki récupéré par le cinéma fantastique

                              
Canon pour orchestre à cordes et bande magnétique, 1962

 Pièce utilisée pour le film "L'exorciste " avec Polymorphia ci-dessous


De natura sonoris n° 2 


Polymorphia 


Le rêve de Jacob

Trois compositions utilisées pour le film "Shining"

Krzysztof Penderecki (1933- )
Il composera de la musique atonale, sérielle, puis effectuera un retour à la tonalité classique ensuite