N.B. : Ma condamnation de l'"opération spéciale", sans novlangue la guerre menée par la Russie contre l'Ukraine est définitive et absolue. Bien malin celui qui allait prévoir que la Russie frapperait en premier. Mais (ce n'est rien excuser pour les grincheux qui liraient), il est nécessaire de remettre les choses en perspective. Les quelques articles présents sur ce blogue aident à comprendre cette situation.
Même si j'ai écrit dans une poignée d'articles mon intérêt pour le "soft power" russe, LA GUERRE EST PURE DEMONIE. UNE ABOMINATION. POINT FINAL. Pour que les choses soient claires. Je n'ai jamais été un admirateur de Poutine contrairement à d'autres. Le personnage ne m'inspire aucune fascination. Il est toujours utile de le préciser quand certains confondent cyniquement volonté de construction d'un "Grand continent" politique (Eurasie politique) avec un culte de la personnalité..."Pas de blanc-seing à Poutine" écrivais-je il y a quelques années...
Par contre, la Russie redevenue une grande puissance a été une bonne nouvelle pour ceux qui souhaitent un monde multipolaire. C'était sans compter sur l'Hubris de ses dirigeants.
Il faut continuer d'espérer que dirigeants du monde euro-américain, ukrainiens et russes trouveront une solution diplomatique à ce conflit. La France et l'Allemagne doivent construire l'axe Paris-Berlin-Moscou et proposer une voie différente de celle des Anglo-Américains peu aptes à la diplomatie. La voie du BLOC CONTINENTAL construite par/sur des alliances économiques, militaires (dissuasion), liens culturels bien différente de celle l'Europe Atlantique qui ne soucie guère des peuples européens est une solution de paix durable. J'en ai parlé à de nombreuses reprises.
Introduction d'un manuscrit de 2015/2016. Un livre non publié envoyé à 1 dizaine d'éditeurs (j'ai réussi à en faire publier 2 auparavant, j'ai écrit 6 articles scientifiques, 1 flopée d'articles "grands public" et soutenu avec succès une thèse de doctorat en géographie humaine récemment).
La tragique actualité donne malheureusement raison aux thèses qui sont développées dans ce livre non publié, envoyé début 2016 et refusé par plusieurs éditeurs (sans commentaires). Les lecteurs de ce blogue peuvent profiter de larges passages de ce qui devait devenir un bouquin en librairie... L'introduction qui suit est à lire avec la série d'articles (extraits de mon livre) qui se trouve sur ce blogue, vous les trouverez ici :
http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.com/search/label/g%C3%A9opolitique
https://jeanmichel-lemonnier.blogspot.com/search/label/Eurasie
Les différents textes sont livrés sans corrections, tels qu'ils ont été écrits il y a environ 7 ans.
Guerres du Rimland, guerre pour l'Eurasie :
Géopolitique du Grand Continent au XXIe siècle
Introduction
Des Balkans à l'Ukraine, de la Russie au
Moyen-Orient en passant par le Caucase, nous observons des conflits armés, des
conflits larvés qui tous impliquent, d'une manière ou d'une autre, le Bloc
Américano-Occidental (BAO) et la Russie. Pour tenter d'appréhender cet état des
choses général, nous faisons le choix d'une grille d'analyse ou de lecture
particulière. Le fait que de poser un cadre théorique nous permet d'observer
finement des situations très concrètes, de comprendre le jeu complexe des
acteurs et de prendre du recul vis-à-vis d'événements géopolitiques récents
afin d'éviter les pseudo-analyses empiriques. En ce qui nous concerne donc, à
la suite de certains géopolitologues nous adhérons à l'idée de l'opposition
entre deux blocs ou deux puissances qui incarnent deux types de civilisations :
la civilisation de la Terre représentée par un bloc eurasiatique, continental,
au sein duquel la Russie est le pôle géopolitique de référence et la
civilisation de la Mer représentée par les Etats-Unis d'Amérique et ce que nous
pouvons nommer ses "vassaux". Nous pourrions dire que se déroule à
nouveau le combat qui toucha tout le monde antique et dura plus de cent ans, entre
la Carthage phénico-punique et son armée de mercenaires et sa rivale la
république romaine, entre une civilisation maritime basée sur le commerce, la
marchandise-argent et une civilisation de type héroïque, entre marchands et
paysans-guerriers, entre thalassocratie
et tellurocratie. Une guerre qui s'achèvera par la destruction de la cité
carthaginoise par les Romains... Plus encore sommes-nous devant la
réactualisation, sinon la permanence, de la rivalité entre Rome et Byzance,
entre Rome et la deuxième Rome qui a produit deux types de civilisations
différenciées qui s'est incarnée à l'époque moderne dans la lutte entre Rome
c'est-à-dire Londres puis Washington et la "troisième Rome" à savoir Moscou. Entre
ces deux grands ensembles, il y a une Europe qui ne s'identifie pas à
l'Occident atlantique mais sommée de faire un choix. Disons plus précisément
qu'il existe une élite politique, économique, intellectuelle européenne à qui
les Etats-Unis d'Amérique imposent une conduite, une alliance forcée depuis
1945. Ce qui se passe aujourd'hui de l'Irak à l'Ukraine de la Syrie à la
Russie, ce sont bien des guerres locales qui s'inscrivent dans une perspective
de guerre globale. Car c'est bien de cette lutte pour la domination de
l'Eurasie
dont il est question aujourd'hui. Le contexte géopolitique est extrêmement
grave. Les principaux acteurs - les Etats-Unis d'Amérique et la Russie - étant
des puissances nucléaires, la guerre peut s'étendre à la planète toute entière.
La Deuxième (et non pas la Seconde) Guerre mondiale s'est achevée au Japon par
un massacre de masse "éclairé" à la lumière d'un immense éclair chtonien.
La troisième guerre mondiale commencera ou finira-t-elle par une autre extermination
technicienne totalement démesurée permise par un nouveau déchaînement de la
matière ? Evidemment, même si cette issue fatale pour l'humanité entière ne
présente aucun caractère certain, nous ne pouvons pour autant exclure l'éventualité
d'une nouvelle utilisation militaire du feu atomique. La doctrine dissuasive de
la "destruction mutuelle assurée" née de la guerre froide a-t-elle
vécu ?
Or donc, cette grille de lecture qui, de prime
abord, peut paraître binaire, est en fait très subtile, car si elle propose
d'identifier le jeu de deux ensembles ou acteurs principaux différenciés, elle
laisse pour autant une large place à un examen poussé du rôle d'acteurs et
pouvoirs étatiques ou intra-étatiques (rebelles sécessionnistes, nationalistes
ethniques...), transétatiques (terroristes, firmes transnationales, réseaux
criminels...) tour à tour hésitant, refusant l'un ou l'autre bloc, agissant
parfois par pur pragmatisme. A titre d'exemples, on retrouve ce
comportement chez certains nationalistes
ukrainiens, roumains ou au sein des organisations terroristes islamistes. Nous
considérons, en outre, que les Etats n'ont jamais cessé d'être les principaux
acteurs du jeu géopolitique. L'influence de la géographie sur la politique est
fondamentale et les intérêts et postures des Etats peuvent être expliqués par le
milieu physique. Même si le progrès technique a largement permis de
s'affranchir des contraintes physiques des territoires, le comportement des
acteurs reste pour une grande part et, apparemment, en priorité déterminé par
leur situation géographique (position sur la carte) mais aussi les contraintes
biogéographiques, géologiques et géomorphologiques. A ce déterminisme
géographique, il faut ajouter le rôle de l'idéologie qui s'articule au premier.
Les réalités identitaires sont également à prendre en compte. Les hommes
s'inscrivent sur un territoire, l'investissent et développent une culture, une
identité. Seulement, au fil des siècles, une même communauté humaine peut se
retrouver dispersée dans plusieurs Etats ou isolés au sein d'un seul. La carte
d'un Etat ne correspond pas ou plus à la carte d'une seule ethnie, ou d'un seul
groupe religieux. C'est là que peuvent apparaitre, à la faveur de certaines
conditions, les conflits de type identitaire accompagnés de manipulations
idéologiques qui leur sont souvent inhérentes (le protochronisme dans les
anciennes démocraties populaires d'Europe centrale et orientale niant le
pluriethnisme et la multiculturalité). Ces conflits ouverts ou gelés, armés ou
non, résultent donc du fait de la non-correspondance de la carte des Etats avec celle des
communautés partageant une identité commune qu'elle soit ethnique et/ou
religieuse, finalement un destin commun. Il est, bien sûr, nécessaire de
prendre en compte les dynamiques démographiques ou de peuplement sur le temps
long de l'histoire pour obtenir une vision globale des choses. La géographie
des ressources naturelles exploitables et commercialisables qui recoupent en
partie celle du milieu physique, ajoute à la compréhension des rapports de
forces entre les différents acteurs. Enfin, les facteurs de puissance
(possession ou non de l'arme atomique) doivent intégrer l'analyse géopolitique.
Ainsi, nous voyons bien que l'analyse d'une situation dans le cadre des
relations internationales doit éviter les explications monocausales et de plus s'écarter
par instants de l'approche purement géopolitique, et prendre nécessairement en
compte de multiples facteurs pour éviter de sombrer dans la propagande, la pure
idéologie. En cela, les idéologues marxistes ou libéraux - pour ne citer qu'eux
- ne sont en mesure que de fournir des clés de compréhension partielle du
monde. Pour autant toute tentative d'analyse objective géopolitique ou non
reste purement illusoire.
Par conséquent, nous ne pouvons saisir
l'intégralité du sens du conflit entre le Bloc Américano-Occidental et
l'Eurasie qu'à travers l'étude des conflits armés. Il est multidimensionnel. Il
est tout à la fois géopolitique,
économique, culturel, anthropologique mais également métaphysique. Car
en effet, cet affrontement prend encore la dimension d'une guerre occulte
mettant face à face deux conceptions du monde qui résistent aux agitations
historiques de surface. Au vrai, ce conflit est opposition de visions du monde
antithétiques et irréconciliables mais pourtant complémentaires. Cet
antagonisme n'est pas nouveau et il nous faut aller au-delà de l'écume des
événements pour en comprendre les raisons plus ou moins dissimulées ou qui
n'apparaissent pas tout de suite évidentes pour un observateur ne possédant pas
les outils conceptuels nécessaires pour en déchiffrer le sens. Ce sujet nous
invite donc a explorer les eaux profondes de l'histoire, ses constantes, ses
continuités, ses permanences et parfois ses ruptures. Conflit ouvert et latent,
armé et non armé, symbolique, symétrique, dissymétrique ou asymétrique avec ses
divers représentations ("guerre sainte", "guerre juste")
tout un travail de décryptage est à faire. Ce petit livre intervient pour
tenter d'éclairer une situation complexe et d'ouvrir des pistes de réflexions
en partie dans une dimension prospective.
Une définition très simple de l'Eurasie en fait l'addition
de l'Europe et de l'Asie. C'est une définition géographique convenable mais qui
ne dit absolument rien d'un point de vue géopolitique ou géostratégique.