: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes: christianisme cosmique
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samedi 11 janvier 2014

Dieu de Voltaire, Dieu de st Thomas et d'Aristote : dieu bourgeois, dieu mesquin. Mort de Dieu, mort de l'homme


A partir du moment où le dieu des philosophes se retire de la Création, il laisse aux hommes le soin de diriger leurs affaires eux-mêmes. Dieu de commerçants, de bourgeois médiocres et pragmatiques, de l'ordre établi. Il ne s'agit pas, pour autant, de défendre le dieu "comptable" tout aussi terne de st Thomas d'Aquin ("et d'Aristote") tout aussi détestable que celui de Voltaire. Ce dernier quand il déclare que Dieu est supérieur à la petitesse des hommes, justifie, à vrai dire l'existence d'un dieu de "marchands". L'homme est fait de bas instincts (mais peut-être sommes nous aussi trompés par le discours libéral) comme Voltaire... Il fallait à celui-ci un dieu mesquin et lâche, un dieu à son image. Construire l'image d'un dieu étranger aux affaires terrestres pour mieux le liquider ensuite...

Ce sera le rôle d'un Nietzsche, par exemple, de proclamer, plus tard, la "mort de Dieu", d'annoncer le déicide, (son inexistence en réalité). Un Nietzsche qui attribuera pourtant une volonté de puissance à un univers supposé inerte. Assez peu conséquent comme aboutissement d'un raisonnement pour un athée, cela-dit...Pour Marx, la religion telle qu'il la conçoit : une pathologie, une consolation, un besoin face à la misère sociale. 
En somme, ces deux philosophes ont présenté des propos de peu d'intérêt, relatifs à cet objet mal indentifié qu'est Dieu, mais parfaitement conformes au "zeigeist" du XIXe s. Les thèses de Marx ne sont  pourtant pas étrangères à des formes de religiosité : promesse millénariste d'un monde meilleur, messianisme, fin de l'histoire ("eschatologie marxiste") ou encore la fonction sotériologique du prolétariat... Le marxisme (ou plutôt l'interprétation erronée des thèses de Marx) a bien été un opium des peuples au XXe siècle...  On n'évoquera pas très longuement Sade, dans la mesure, où son discours "immoral", prônant un retournement de toutes valeurs (chrétiennes) est flagrant dans la pensée libérale, capitaliste, contemporaine.

Tardivement, une des manifestations de cette volonté de créer des succédanés modernes de Dieu ou des dieux (qui témoigne aussi de l'incapacité de l'homme à se débarasser de l'existence d'un phénomène qui échappe à sa vie consciente, qu'il ne contrôle pas) sera l'invention d'un "inconscient structural", commun à tous, "modernes" comme "archaïques", mais  également invention du surmoi (autorité morale). Vaguement révolutionnaire, assez génial et... tellement pratique...

En outre, on ne dira jamais assez l'influence déterminante que les "théologiens de la mort de Dieu" (de Voltaire à Nietzsche, certes, malgré eux) ont pu avoir sur la naissance des fanatismes qui ont mené aux massacres de masses de 1793 à aujourd'hui. Accepter de vivre dans un monde sans dieu pour que naisse l'homme, nous dirent-ils. Pour quels résultats ? Des génocides, des guerres d'une violence inouïe inconnue jusqu'alors...Que l'on regarde l'histoire du XXe s. sans aveuglement, et l'on verra que ce sont bien des élites soi-disant "positives" et "rationnelles" qui ont plongé le monde dans les guerres les plus atroces qu'ait connue l'histoire de l'humanité, mais aussi créé les conditions du mal-être de l'homme moderne et post-moderne (destruction de l'environnement, pathologies physiques et mentales...), malgré quelques innovations dont on reconnaîtra le grand intérêt (médecine...). Mais, constatons objectivement que la "grille d'analyse" qui constiste à lire l'histoire comme une marche continuelle vers le progrès ne fait plus l'unanimité chez les "modernes". Ces désillusions face à la "religion du progrès" entraînent ce formidable pessimisme actuel face à l'histoire, malgré les appels incantatoires réguliers au rassemblement -sur le plan politique- du "camp des progressistes" contre celui de la "réaction". Eructations sur le mode de l'opposition binaire qui apparaissent de plus en plus pathétiques et ridicules pour l'homme moderne qui possède encore une vague conscience/connaissance historique...

Or donc, face au dieu vengeur, bourreau, aigri et calculateur n'aimant pas les hommes et qui consigne sur un cahier comme un vulgaire épicier  les "péchés" de ses créatures, comme face au dieu de l'hypothèse déiste tel qu'imaginé par un Voltaire, "nous" devons avoir la même attitude : rejet et mépris.

Seule, cette extraordinaire puissance miséricordieuse manifestée à l'échelle du cosmos tout entier qui gênait mais  aussi effrayait ces philosophes-bourgeois du XVIIIe s. est digne d'être appelée Dieu. Ces misérables dieux "thomiste" et "voltairien" doivent mourir "en nous" et à l'extérieur de "nous" et laisser leur place à cette incommensurable force cosmique faite d'un amour indicible, puissance à la fois terrifiante et fascinante...

(1989)
Dead - your god is dead
Fools - your god is dead
[...]
God hear my death call


Pour que l'homme se fasse dieu à son tour !
(1989)




dimanche 15 décembre 2013

Abolition du temps historique : fin d'année et fin du temps...


Pour l'homme traditionnel, archaïque (1), les derniers jours de la fin de l'année sont identifiés au chaos d'avant la création. Cette période du passage de l'ancienne à la nouvelle année doit être considérée comme une abolition du temps et une répétition de la création. C'est à la fois le monde et l'homme qui sont est anéantis pour renaître à nouveau. Par la régression ab origine, l'homme devient alors contemporain des dieux. Le nouvel an a donc une fonction eschato-cosmologique. Traditionnellement, c'est dans cette période que se manifeste le monde suprahumain., comme par exemple, lors de la fête de Samonios ou Samain qui marque l'entrée dans la nouvelle année chez les Celtes antiques (Novembre). La dernière nuit de l'année est marquée par l'apparition des animaux funéraires comme le cheval (Nubie, septentrion européen...), animal psychopompe accompagnant les âmes des défunts et assurant le lien entre les différents "niveaux cosmiques". Durant ce temps de transition et d'abolition du temps ordinaire, les âmes des morts et surtout les dieux et des déesses tellurico ou chtonico-funéraires qui viennent des entrailles de la terre, de l'Enfer, selon une conception traditionnelle (grecque par exemple) se manifestent aux vivants. L' invasion du monde des vivants par les morts et les dieux annule la "loi du temps", la confusion sociale est grande, les orgies se multiplient, etc. A Babylone, la récitation rituelle du "poème de la création" (Enuma Elish) se faisait à cette époque de fin d'année donc de fin du monde. Ce récit cosmogonique, narrait le combat mythique entre dieu Marduk et le monstre marin Tiamat dont le corps déchiqueté servit à créer le monde, soit la victoire de l'ordre cosmique sur le chaos. Pour l'homme babylonien d'existence traditionnelle chaque fin d'année considérée comme une période chaotique, était le moment de la renaissance de Tiamat. La nouvelle année -qui correspond donc à un événement mythique qui eut lieu ab origine : la création- marquait la victoire de Marduk sur Tiamat. Au risque de nous répéter, nous signalerons qu'on trouvera trace de ces idées dans les toutes dernières sociétés agro-pastorales d'Europe centrale et orientale pourtant chrétiennes mais marquées par des formes religieuses archaïques.
Cet intérêt pour le  renouvellement périodique du monde et sa réalité qui s'inscrivent dans une conception cosmogonico-eschatologique souvent indéchiffrables pour le moderne  sont communs à de nombreuses sociétés et courants philosophiques : Mésopotamiens, peuples amazoniens, Grecs (stoïciens, platoniciens...) néo-pythagoriciens ("Grande année" et cyclicité du temps), Indiens hindouistes...L'idée d'une régénération du monde (palingénésie) succédant à sa destruction est assez commune à travers le temps et l'espace. Cette compréhension du passage de l'année révolue au  nouvel an comme événement purificateur et régénérateur  n'est qu'un aspect de la conception cyclique du temps pour de nombreuses sociétés. Mais les juifs et les chrétiens sont loin d'être étrangers à cette approche cyclique du temps (cyclicité de l'année liturgique). (2)

En outre, il est peut-être possible d'observer dans les "beuveries" et excès inhérents à ces fêtes de fins d'années chez les "modernes" (3), la permanence de cette volonté de s'affranchir pendant la durée des festivités, du temps continu, profane. On pourrait affirmer que la prise de substances (alcool, drogues...) à des doses permettant de modifier son état de conscience, dans ce "monde moderne" n'est que la persistance d'une volonté recréatrice d'une expérience religieuse -renouer avec un monde originaire, chaotique appelé à être transformé en cosmos- sans cesse renouvelée mais parfaitement vaine ; l'homme d'attitude moderne, c'est-à-dire l'homme de l'avoir et du paraître, ayant totalement rompu avec le religieux sacré et n'en n'ayant plus aucune clé de compréhension...Là où l'homme archaïque fêtait les dieux ou le Dieu (son corps appartenait aux dieux ou au Dieu) et se solidarisait avec le monde suprahumain à travers une pratique rituelle, le "moderne" (son corps lui appartient) ne va que vers sa néantisation. D'une manière certaine, écrivons que ce dernier cherche à s'abrutir, pour effectivement échapper à une histoire (individuelle ou collective) tout comme l'homme archaïque mais au contraire de ce dernier ses "abus" ne s’inscrivent en rien dans une perspective religieuse, cosmique et/ou "transcendante". En effet, tous les excès du "moderne areligieux" (états d'ébriétés répétés, orgies et intoxications sexuelles chnotiques, gavages divers : sons, images, nourriture...) relèvent du "pathologique". (Post-)Modernité et fabrique d' "abrutis"...

Il faut donc aussi comprendre que par rapport à l'homme archaïque, l'homme moderne areligieux n'est en aucun cas "libre". Le premier contrairement au second est le seul à pouvoir réellement "abolir l'histoire" pour un temps donné. Les techniques orientales menant au dépassement de sa simple condition d'être humain, du yogi ou du méditant à titre d'exemples, tiennent de cette volonté de s'affranchir de l'histoire momentanément puis définitivement (la "répétition", le temps cyclique, le cercle des existences étant un "piège" dont il faut se sortir pour les "Orientaux" traditionalistes). C'est parce que dans ce cas, le temps cyclique (des hindouistes ou des bouddhistes) est désacralisé, donc parfaitement terrifiant, effroyable. 

La "terreur de l'histoire" dans une "existence traditionnelle" conduit ou oblige l'être humain à abolir périodiquement le temps. Le caractère insupportable de certains événements historiques mais aussi des catastrophes cosmiques le mène à adopter ce comportement mythique.

 Que reste-t-il au moderne areligieux pour définitivement s'affranchir, quant à lui, de cette "terreur de l'histoire" ? Le marxisme et sa promesse d'un hypothétique âge d'or qui viendra à la fin de l'histoire une fois les "conditions réunies" ? Le délire techno-scientiste et transhumaniste et autres philosophies prométhéennes qui verraient émerger  un homme nouveau ? La recherche de l'immortalité du corps biologique ? d'une "terre sans mal" ?
Enfin, il est inutile d'évoquer une autre réponse radicale possible -et  individuelle cette fois- face à cette angoisse du moderne et son désir de mettre fin à son histoire personnelle, tellement elle est "évidente"... 

(1) le terme n'étant pas utilisé dans un but  dépréciatif, entendre "archaïque" au sens de "début", de "commencement" ou d'antique voire encore de "principe" (arkhế). C'est une catégorie générique qui renvoie autant à l'individu d'une époque pré-capitaliste (domination formelle), une société de type féodal le plus souvent sinon exclusivement, qu'aux individus qui peuplent ces espaces ruraux qui dominent l'espace eurasiatique durant des millénaires. Il n'est pas question d'essentialiser l'homme des sociétés dites traditionnelles mais de considérer (hypothèse) qu'un mode de production associé à une organisation particulière de la société (on pense au tripartisme identifié par G. Dumézil) produit un type d'homme particulier.

(2) savoir également que les "penseurs de la modernité" ont mis en évidence des conceptions cycliques  du temps  :
-  Kondratiev "rectifié" par  Shumpeter :
cycles économiques : deux phases expansion-(innovation) puis récession(baisse de la consommation)-dépression
- Clouscard :
 répétition de trois "moments", trois modalités du capitalisme : libéralisme, fascisme, "société de consommation" qui interviennent à des moments opportuns, soit une autorégulation du système capitalisme. Chaque nouvelle modalité sauve la précédente
 
(3)  à différencier du "moderne" croyant strictement monothéiste qui lutte contre l’histoire par la croyance, la méditation/contemplation/prière même si le moderne areligieux s’inscrit comme le premier dans l'histoire, le linéaire judéo-chrétien


 

dimanche 27 octobre 2013

Croix de saint Michel-de Belenos en Bretagne

La présence du dieu solaire Belenos -et de celle de son équivalent chrétien l'archange saint Michel-  est très forte en Bretagne. En effet, on trouve dans cette région et province historique un grand nombre de chapelles consacrées à l'archange Michel. Au fil des siècles après l'arrivée des premiers chrétiens, ces dernières se substituèrent à des lieux de culte dédiés au dieu gaulois Belenos, dieu médecin, dieu de la Lumière, fils de Taranis.

Selon un axe nord-est sud-ouest, du Mont-Saint-Michel-Tombelaine (A) en passant par le Mont-Dol, les Monts d'Arrée (Menez Are) et Saint-Michel de Brasparts (Menez Mikael) jusqu'à la baie d'Audierne on observe un alignement des lieux consacrés à Belenos et Michel.  Il en est de même selon une direction nord-sud : de la baie de Lannion à Carnac traçant un axe sur lequel se situent des chapelles consacrées au chef des archanges et... à Belenos. On obtient donc une croix de saint Michel ou croix de Belenos.



Carte (très) schématique réalisée par nos soins (2002) d'après les indications relevées dans "Bretagne, terre sacrée. Un ésotérisme celtique", 1977, G. Le Scouëzec, Ed. Albatros, Paris

Ceux -i.e. les matérialistes grossiers- qui ne pourront que relever que le Mt-St-Michel n'est pas administrativement en Bretagne (1) n'ont même pas à lire ce billet. Les moins atteints par cette modernité catagogique qui rend ridicule toute évocation du sacré entendront que, d'une part, nous sommes ici face à une "géographie du sacré" et que, d'autre part, il faut accepter de considérer l’irrationalité comme une composante à part entière de l'être humain et des sociétés. On peut alors comprendre la "logique" de ces êtres humains et des sociétés auxquelles ils appartiennent, violentées récemment (depuis l'avènement d'une bourgeoisie marchande et urbaine durant le bas Moyen Âge jusqu'à notre époque post-moderne en passant par la révolution française bourgeoise) par les forces "anti-traditionalistes". Il faut bien sûr se soumettre à un long et pénible travail de définition des termes et expressions employés (que nous éluderons) pour éviter tout contresens. Nous dirons simplement que concernant le mot "Tradition", par exemple, il ne fait, ni référence à la frange dissidente de l’Église catholique romaine, ni aux détestables et méprisables mouvements néo-païens racialistes européens. Le christianisme breton (ou ce qu'il en reste) est fondamentalement un christianisme cosmique et populaire. Ici ni repli sur soi, ni fascination pour la "race".  Ce christianisme là n'est pas un christianisme moral, mais allez faire comprendre cela à la fois à des chrétiens traditionalistes et à des gauchistes athées (2). Outre le fait qu'il soit imprégné d'éléments pré-chrétiens, il présente un bon nombre d’éléments relevant de la pensée mythique.  Sans nier l'historicité du Christ, la dimension trans-historique du personnage de Jésus-Christ imprègne le caractère populaire et cosmique de ce christianisme rural. Une forme de christianisme que nous retrouvons partout à travers le monde et, par exemple, dans cette Roumanie encore rurale (n'en déplaise aux géographes propagandistes post-marxistes "fascinés par la ville", il existe encore en Europe un "rural isolé", un "berceau civilisationnel" en partie préservé, matrice des peuples ou "vagina gentium"), en Transylvanie, en Moldavie ou dans les Maramures.

Or donc, pourquoi l'ange psychostase qui pèsera l'âme des morts lors du jugement dernier est-il si présent sur cette partie de l'écorce terrestre ?  Des prophéties (Marie-Julie Jahenny) et la tradition populaire indiquent que la Bretagne sera épargnée des "derniers événements" à la fin des temps. On comprend le pourquoi de cette protection par Belenos et saint Michel si l'on sait que c'est cette terre qui a vu naître la grand-mère de Jésus (origine bretonne de Jésus-Christ). Enceinte de Marie avant son départ de Plonévez-Porzay en Finistère elle débarque en Galilée (proximité étymologique avec le mot Gaule ?) pour mettre au monde la mère du sauveur de l'humanité. La Bretagne est, ainsi, véritablement à la fois centre du monde et centre de l'univers (pas d'ethnocentrisme ici, il faut comprendre qu'il existe une multiplicité de "centres"). On peut dire que la Bretagne est marquée par la croix de l'archange et du dieu gaulois et se trouve être sous  le signe d'un dieu de lumière. Par cette croix c'est l'intégralité du territoire breton qui est sacré. Et les habitants passés, présents et futurs, plus généralement ceux qui trouvent "refuge" en Bretagne, sont sanctifiés par la présence éternelle de sainte Anne (qui finira ses jours en Bretagne (3)) et de son petit-fils -dieu incarné dans la chair- venu lui rendre visite. 
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(1) Le Mont fut breton par le Traité de Compiègne de 867 sous le règne de Salomon (Salaün en breton), roi de Bretagne, assassin d'Erispoé fils de Nominoë. Avec ce traité, le royaume de Bretagne atteint son expansion territoriale maximale. Outre le précieux Mont-Saint-Michel, c'est tout l'Avranchin, le Cotentin et les îles anglo-normandes qui passent sous domination bretonne. Quelques années auparavant Salaün obtient un territoire compris entre les rivières de la Sarthe et de la Mayenne.


Ajoutons. Il y a beaucoup trop  à dire sur la manipulation actuelle des identités régionales fortes par les forces mondialistes dont l'Europe communautaire est un des vecteurs. Cette manipulation s'exprime aussi à travers la promotion de la création des "métropoles" et la réforme des collectivités territoriales en France. Cette volonté de court-circuiter, in fine, l'échelon étatique français ne rappelle que trop le jeu des Anglais en Bretagne il y a des siècles, voire des Allemands durant la seconde guerre mondiale. Rien qui puisse annoncer une "renaissance" bretonne ou celtique car il s'agit bien d'un asservissement complet et définitif de ces régions à des forces qui leur sont, en réalité parfaitement hostiles. Autrement dit euro-régions, pièges à cons !
Deux cartes à comparer : celle de l'Europe des SS avec celle du "projet européen post-1945"...Vers une Europe des ethnies sous contrôle germano-étasunien...

(2) Nous prenons simplement l'exemple de deux types de populations aux antipodes l'une de l'autre. Nous ne sommes ni de ces "dominicains" chrétiens bourgeois dénaturant le message du Christ par leur sectarisme ni de ces "staliniens" rejetant le religieux par "principes" tout aussi sectaires (en termes d'intolérance, ils se valent autant) décrétant le vrai et le faux, l'acceptable et le méprisable ou encore ce qui est doit être politiquement classé à "droite" ou à "gauche" en termes de valeurs....à la manière des curetons d'autrefois ou de certains évangéliques de nos jours, faisant la part entre les œuvres de Dieu et celles du diable...Souvent, des obsessionnels laïcards, dans le second cas, manipulant et adaptant la laïcité pour (mal) dissimuler leur haine du religieux, du spirituel et par incidence de l'histoire des peuples européens. Très et trop Français.

(3) La Bretagne est la seule terre  sur laquelle est apparue la grand-mère du Christ. Anne apparut au paysan-cultivateur Nicolazic en 1625. Depuis lors la commune de Sainte-Anne-d'Auray est un lieu de pèlerinage pour les chrétiens, catholiques romains essentiellement. 

(A) NB : l'hypothèse attribuant une filiation étymologique entre le nom du l’ilot Tombelaine situé à proximité du Mont et le dieu Belenos semble avoir été abandonnée (tombe de Belenos...)...Qu'on nous explique alors cette croix de Belenos qui signe le territoire breton en tenant compte des éléments présentés ci-avant...

vendredi 11 octobre 2013

(Post-) Modernité et déchéance

L'homme moderne, c'est l'homme déchu. C'est l'homme qui prend conscience de sa nullité face au règne de la quantité et qui est, en même temps, parfaitement narcissique. C'est l'homme qui n'existe que parce qu'il porte une marchandise dans ses bras. Si on lui enlève cette marchandise il n'existe plus en tant que "moderne". Il ne redevient alors pas pour autant un homme des sociétés traditionnelles, il est simplement perdu. Il n'a, alors, plus d'existence au sein de la "modernité". L'homme moderne c'est l'homme repu, autosatisfait, c'est celui qui ne s'interroge que peu sur lui-même. C'est l'homme esclave de ses passions mauvaises, orgueilleux, ennemi des gens de bien, coupable d'hybris. Il vit dans le chaos. C'est un "individu". Mais ce qui le caractérise le mieux, et si on s'exprime clairement c'est la haine du sacré qu'il porte en lui. Il ne peut guère penser l'existence en dehors de l'économie. A l'inverse le monde traditionnel ne conditionne plus l'existence humaine à travers des impératifs économiques qui deviennent, dans ce cas, subordonnés à des principes extra-économiques susceptibles de donner un sens profond à l'existence humaine et de permettre le développement des capacités les plus hautes. L'homme (post-)moderne est prisonnier de l'histoire. Son esprit obscurci par la matière, focalisé sur le monde sensible est alors dans l'incapacité de soupçonner l'existence d'un monde suprahumain. Le moderne est agonisant, il se retourne sur son lit, incapable de se tenir debout, sensible aux convulsions de l'histoire. Sa chute dans le règne du matériel lui ôte, de fait, toute nostalgie du divin. Il n'a alors que deux possibilités : s'effondrer totalement, définitivement et aller vers son anéantissement complet, sa néantisation, c'est-à-dire vers une"seconde mort" ou bien s’élever, s"augmenter" au prix d'un effort  qui demande des "forces" difficilement mobilisables pour un homme d'attitude moderne.

 La modernité (ou post-modernité depuis une quarantaine d'années) est fondamentalement catagogique, elle n'élève pas mais tire vers le bas, elle massifie, elle rend ridicule. Elle s'illustre dans l'homme cannabinoïdé (au propre ou au figuré) à prothèses technologiques qui pousse un caddie dans les allées des non-lieux de le (post-)modernité, après une semaine de travail dans un "open-space"...Elle ne répond à rien, détruit, ne construit pas dans la mesure où elle ne suit (ou n'est guidée par) aucun plan supérieur, transcendant lié à une méta-histoire. L'homme moderne ou post-moderne s'illustre aussi à merveille à travers trois figures parmi d'autres : celle du "fan,", du militant politique, ou du "supporter" d'équipe sportive, trois comportements, trois façons qui s'offrent à lui d'être un parfait imbécile qui se noie dans la matière, dans ce que l'on appelle, in fine le "quotidien". Mais on pourra toujours voir, avec un peu d'effort, dans ces trois cas de figures des comportements mythiques dans une existence moderne...une volonté de sortir du temps profane de la modernité pour entrer dans un temps mythique...

 Il faut, bien sûr, ne pas confondre cette critique de la modernité -puisqu'elle est antipolitique et n'est pas uniquement "nostalgique" d'un temps historique révolu- avec les pathétiques "petites réactions" bourgeoises qu'on retrouve ici et là de nos jours en France par exemple : celles des faiseurs d'opinions à la  Finkielkraut, Zemmour ou encore celles des vulgaires "revanchards" lepenistes,et autres épiciers du "mécontentement plébéien" qui appartiennent toutes à la modernité. C'est peu de le dire... Cette critique n'est pas, systématiquement, non plus une critique du "progrès". Elle existe aussi (ou surtout) pour pointer du doigt les scories du "progrès". Disons qu'elle est bien plus une critique du "développement" que du "progrès".

En outre, cette critique peut fort bien être autant chrétienne, musulmane, bouddhiste, hindouiste (l'hindouisme est numériquement le plus grand paganisme) que "païenne"(1)  (mais faut-il accorder crédit aux montages païens post-modernes?) ou a-religieuse si on en reste strictement aux quelques remarques du présent billet. La véritable pensée traditionnelle qui s'oppose donc à la pensée moderne est une et multiple. Elle prend de nombreuses formes mais est fondamentalement unique. Elle s'adapte ou s'est adaptée à des contextes historiques ou des structures mentales particulières à un moment donné. Nulle question ici de retour du même, d'indifférenciation donc. Au contraire, c'est bien la différence entre moi et l'autre qui permet l'existence de pensées traditionnelles. Autrement dit, nous sommes très éloignés ici des grands projets unificateurs de la post-modernité, telle l'idéologie mondialiste.

(1) au-delà de l'hindouisme, les formes de paganismes vivants présents à la surface de la terre sont trop nombreux pour être citées ici.















lundi 23 septembre 2013

Le paysan roumain, homme religieux




"Tu viens et tu nous dis: vous êtes les derniers paysans en Europe/au monde, vous devez disparaître. Moi, je te dis: pourquoi ne serait-ce pas toi le dernier con au monde et que ce serait à toi et non à moi de disparaître ?" (traduction libre, vidéo)


Le paysan (pas l'agriculteur moderne areligieux (1) et "destructeur") roumain (2), homme religieux, en solidarité mystique avec les rythmes cosmiques, croit au Christ Pantocrator qui descend sur terre (3) pour rendre visite aux paysans. Une croyance qui renvoie à un christianisme cosmique (christianisme populaire) et dominée par la nostalgie d'une nature sanctifiée par la présence de Jésus-Christ. Le paysan est "homme véritable" car il se conforme à l'enseignement des mythes (mythos, c'est la parole vraie), à des modèles exemplaires venant de ses ou de son dieu. Il est, à la fois, allié et auxiliaire de Dieu car c'est un créateur. En effet, en prenant possession d'un lieu, il transforme le chaos en cosmos. Il participe à l'instauration d'un ordre cosmique. Il faut donc bannir l'idée selon laquelle l'homo religiosus fuirait l'histoire en cherchant un refuge dans le sacré, le "religieux mythique". Au contraire, il s'y implique pleinement en combattant, sans cesse, par la ritualisation, notamment, des "forces" du chaos qui peuvent condamner son monde. Tout cela suppose que pour le paysan-religieux, le temps et l'espace sont forcément hétérogènes. Pour lui, il existe donc un Temps sacré, mythique et réversible d'une part et un temps profane, ordinaire, historique et irréversible d'autre part. L'homme religieux fait aussi l'expérience et a conscience de l'existence  d'espaces de "qualités" différentes, autrement dit d'un espace fait de ruptures : l'espace sacré et réel et l'espace profane, irréel, "amorphe" et chaotique, quotidien, où l'homme subit des "obligations". Le paysan cherche à retrouver ou réintégrer l'aurore cosmogonique, c'est-à-dire qu'il réactualise un événement s'étant déroulé in illo tempore en construisant sa maison par exemple. Celle-ci est conforme à un prototype céleste ou cosmique. L'espace profane qui n'était que chaos devient, par incidence, un espace sacré et centre du monde. L'homme religieux crée ainsi son propre monde et en veillant à la survie de celui-ci, il assure la sienne. 

Que l'on compare simplement le rôle assigné à une habitation moderne selon le furieux techniciste Le Corbusier et son '"habitat fonctionnel" et concentrationnaire (4) ou selon n''importe quel architecte-urbaniste qui doit obligatoirement satisfaire à la "nécessité capitaliste" moderne, avec celui dédié à une demeure selon l'homo religiosus et on comprendra ce qui différencie une existence moderne d'une existence traditionnelle

Or donc, à travers ces croyances et surtout cette Weltanschauung ou vision du monde, on peut identifier une révolte passive du paysan donc de l'homme religieux  contre les agressions de l'histoire, les guerres, les invasions (5) les dominations imposées par différents "maîtres". L'histoire -le temps irréversible- est la plus grande menace pour l'homme religieux dont les derniers paysans roumains authentiques présentent, encore de nos jours, quelques unes de ses qualités. En s'inscrivant dans une perspective cosmique, les sociétés paysannes ou agricoles traditionnelles d'Europe centrale et orientale (pacifiques la plupart du temps) se révoltent (ou se révoltaient...) alors contre une histoire tragique et injuste... Elles luttent contre le temps historique destructeur et cherchent à contrer son irreversibilité.

______________________

(1) Même si l'homme fondamentalement a-religieux, donc moderne ou post-moderne est rare, peut-être introuvable, il se différencie de "l'homme religieux authentique conscient" de part son absence de solidarité avec la nature et le cosmos. 

Plus l'homme est religieux, plus il a de modèles exemplaires inspirés des dieux, moins il l'est, moins il possède de ces modèles, plus la place du "profane" est grande et plus ses activités deviennent "aberrantes" puisque ces dernières ne correspondent à aucun modèle transhumain. Le passage d'une vision traditionnelle ou archaïque du monde à une vision  moderne désacralisée est donc une effroyable dégradation du sens de l'existence humaine...

En outre, qu'on ne confonde surtout pas le moderne (agriculteur ou non) installé à la "campagne" (on ne discutera pas du terme employé) qui vit dans un monde désacralisé avec le paysan des dernières communautés agro-pastorales traditionnelles est-européennes...

(2) Ce n'est évidemment plus le type dominant, même en Roumanie et en Europe centrale et orientale plus généralement.

(3) Il s'agit là de la hiérophanie suprême, le dieu qui se fait homme et s’incarne de fait dans l'histoire. Se référer à (toute) l’œuvre d'Eliade : "Aspects du mythe", "Le sacré et le profane", "La nostalgie des origines", "Le mythe de l'éternel retour", "Mythes, rêves et mystères", etc.

(4) les "utopies" actuelles, certes moins ambitieuses mais tout aussi "involuées",  telles la "ville durable"/normes HQE, etc. appartiennent au même "inconscient moderniste" anti-traditionnaliste.

(5)  à ce propos les pays roumains, de par leur position au sein de l'espace eurasiatique, ont constamment eu à subir les agressions des différents empires voisins (ottoman, russe, austro-hongrois puis soviétique) mais aussi celles des mouvements migratoires de différents peuples  (Mongols, Slaves, Tatars...) et aujourd'hui celles de l'impérialisme occidentiste (capitalisme-démocratie-communisme) ou occidentaliste/atlantiste (euro-étasunien).

samedi 14 septembre 2013

Pier Paolo Pasolini


Pasolini, marxiste critique à l'égard du "développement", "chrétien primitif" (et pagano-chrétien), contre l'hédonisme, le permissif, le consumérisme qui relèvent du conformisme petit-bourgeois (encore aujourd'hui, le succès de Michel Onfray en France dans certains milieux illustre bien ce constat), contre cette extrême-gauche des années 60 et la stupidité de ses thèses ("politique de la table rase"), mais aussi rejet de l’Église instituée et de ses clercs qui préférèrent s'assoir à la table des "dominants", de la droite capitaliste-fascisante italienne. Une Église progressivement éjectée du jeu politique puisque devenue "inutile". Pasolini met en avant l'idée que l’Église catholique romaine ne joue plus aucun rôle dans l’oppression des peuples occidentaux (et dans celle de la femme, de fait) et que la plus terrible des aliénations est celle de la soumission au "spectaculaire marchand". En outre, l’Église doit donc en finir avec ses trahisons à l'égard du message du Christ et de son peuple et devenir  le fer de lance des révoltes populaires à venir.

Pasolini écrira dans une série d'articles que l'on retrouve dans "Écrits corsaires" (cf. infra) que la société de consommation, "l’hédonisme de masse" (c'est son expression) et ce néo-capitalisme qui émergent dans les années 60 et 70 ont réussi à créer un type anthropologique d'un genre totalement nouveau et la "réduction [des Italiens et de tous les 'occidentaux'] à un modèle unique", "Frustration ou carrément désir névrotique sont désormais des états d'âme collectifs". 

Cependant, derrière l'expression "société de consommation", Pasolini ne semble guère vouloir distinguer la consommation qui permit aux plus modestes d’accéder à des produits d'équipements qui ont pu améliorer leur vie, de cette "consommation ludique, marginale  et libidinale". Là, il faut lire Michel Clouscard qui conteste cette appellation générique car selon lui, il n'a jamais existé une telle société dans le monde occidental. Si tel était le cas nous serions dans une société d'abondance (société communiste aboutie donc). 

 Des imbéciles ont voulu voir en Pasolini un "rouge-brun". Incompréhension face à la complexité du personnage et de son discours de la part du "vulgaire" et des idéologues qu'ils soient de droite ou de gauche (extrêmes inclus) à cause de la binarité de leur mode de raisonner, de leur "hémiplégie morale".


Pasolini  est assassiné à proximité de la plage d'Ostie (Rome), dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975.

Un an avant sa mort, dans un éditorial du "Corriere della sera"  du 14 novembre 1974, Pasolini menaçait, de fait, en affirmant  : "Je sais les noms des responsables de ce que l'on appelle golpe (qui est en réalité une série de golpes (...)). Je sais les noms qui composent le 'sommet' qui a manœuvré aussi bien les vieux fascistes créateurs de golpes que les néofascistes, auteurs matériels des premiers massacres et que, enfin, les inconnus responsables des massacres les plus récents..." Dans son roman "petrole", il souhaitait dénoncer la violence et les crimes d’État, des industriels et du pouvoir économique italiens.

"On l'a exécuté a affirmé il y a quelques années Pino son assassin présumé. Ils étaient cinq. Ils lui criaient : "Sale pédé, sale communiste ! " et ils le tabassaient dur. Moi, ils m'avaient immobilisé. Je ne l'ai même pas touché, Pasolini, j'ai même essayé de le défendre..." Pour Pino, il y a cinq agresseurs : " les frères Borsellino, deux Siciliens fascistes et dealers""ils exécutaient une commande. Ils voulaient lui donner une leçon et ils se sont laissés aller. C'est que Pasolini cassait les pieds à quelqu'un" La Loge P2 ?

(voir ici pour les révélations de Pino)
                                                         

Je suis une force du Passé.
À la tradition seule va mon amour
Je viens des ruines, des églises,
des rétables, des bourgs
abandonnés sur les Appennins ou les Préalpes,
là où ont vécu mes frères.
J'erre sur la Tuscolane comme un fou,
sur l'Appienne comme un chien sans maître.
Ou je regarde les crépuscules, les matins
sur Rome, la Ciociaria, l'univers,
tels les premiers actes de l'Après-Histoire
auxquels j'assiste, par privilège d'état-civil,
du bord extrême d'un âge
enseveli. Monstrueux est l'homme né
des entrailles d'une femme morte.
Et moi, foetus adulte, plus moderne
que tous les modernes, je rôde
en quête de frères qui ne sont plus 

Poesia in forma di rosa, Garzanti, Milano 1964 
                                                                                  (1922-1975)


   
"L'Italie est un pays qui devient de plus en plus stupide et ignorant. On y cultive des rhétoriques toujours de plus en plus insupportables. Il n'y a pas de pire conformisme que celui de gauche, surtout, naturellement, quand c'est adopté par la droite."

Sur 68, "révolte" de sinistres enfants de bourgeois, de narcisses nietzcheo-debordiens et autres vaniteux jouisseurs marcusiens dont l'unique but a été de prendre le pouvoir culturel puis politique. Une bourgeoisie en a chassé une autre :
"J'ai passé ma vie à haïr les vieux bourgeois moralistes, il est donc normal que je doive haïr leurs enfants, aussi… La bourgeoisie met les barricades contre elle-même, les enfants à papa se révoltent contre leurs papas. La moitié des étudiants ne fait plus la Révolution mais la guerre civile. Ils sont des bourgeois tout comme leurs parents, ils ont un sens légalitaire de la vie, ils sont profondément conformistes. Pour nous, nés avec l'idée de la Révolution, il serait digne de rester fidèles à cet idéal."

Sur le fascisme, l’antifascisme et la "société de consommation"
(article Acculturation et acculturation, 9 décembre 1973)  :
"Une bonne partie de l'antifascisme d'aujourd'hui, ou du moins ce qu'on appelle antifascisme, est soit naïf et stupide soit prétextuel et de mauvaise foi. En effet elle combat, ou fait semblant de combattre, un phénomène mort et enterré, archéologique qui ne peut plus faire peur à personne. C'est en sorte un antifascisme de tout confort et de tout repos. Je suis profondément convaincu que le vrai fascisme est ce que les sociologues ont trop gentiment nommé la société de consommation.

"Le fascisme, je tiens à le répéter, n'a pas même au fond été capable d’égratigner l'âme du peuple italien, tandis que le nouveau fascisme, grâce aux nouveaux moyens de communication et d'information (surtout justement la télévision), l'a non seulement égratignée, mais encore lacérée, violée, souillée à jamais."

"Le centralisme fasciste n’a jamais réussi à faire ce qu’a fait le centralisme de la société de consommation [...] Le fascisme proposait un modèle, réactionnaire et monumental, qui est toutefois resté lettre morte. Les différentes cultures particulières (paysanne, prolétaire, ouvrière) ont continué à se conformer à leurs propres modèles antiques : la répression se limitait à obtenir des paysans, des prolétaires ou des ouvriers leur adhésion verbale. Aujourd’hui, en revanche, l’adhésion aux modèles imposés par le Centre est totale et sans conditions. Les modèles culturels réels sont reniés. L’abjuration est accomplie."

"On peut donc affirmer que la « tolérance » de l’idéologie hédoniste, défendue par le nouveau pouvoir, est la plus terrible des répressions de l’histoire humaine. Comment a-t-on pu exercer pareille répression ? A partir de deux révolutions, à l’intérieur de l’organisation bourgeoise : la révolution des infrastructures et la révolution du système des informations. Les routes, la motorisation, etc. ont désormais uni étroitement la périphérie au Centre en abolissant toute distance matérielle. Mais la révolution du système des informations a été plus radicale encore et décisive. Via la télévision, le Centre a assimilé, sur son modèle, le pays entier, ce pays qui était si contrasté et riche de cultures originales. Une œuvre d’homologation, destructrice de toute authenticité, a commencé. Le Centre a imposé - comme je disais - ses modèles : ces modèles sont ceux voulus par la nouvelle industrialisation, qui ne se contente plus de « l’homme-consommateur », mais qui prétend que les idéologies différentes de l’idéologie hédoniste de la consommation ne sont plus concevables. Un hédonisme néo-laïc, aveugle et oublieux de toutes les valeurs humanistes, aveugle et étranger aux sciences humaines."

 ...
 
"Un personnage comme Mussolini serait inconcevable aujourd'hui, du fait de l’irrationalité et de la nullité de ce qu'il dit et parce qu'il n'y aurait aucune place ni crédibilité pour lui dans le monde moderne. La télévision suffirait à le rendre vain, à le détruire politiquement. (...) Ses techniques convenaient pour un chef sur une estrade devant une foule, mais elles ne marcheraient absolument pas devant un écran." Changement total dans notre façon d'être et de communiquer.

Autre passage sur le néo-fascisme, tel que Pasolini le conçoit : la société de consommation. 

"Le fascisme avait fait de ces foules, des guignols, des serviteurs, peut-être partiellement convaincus mais il ne les avait pas atteint dans le fond de l'âme. En revanche, le nouveau fascisme, la société de consommation a profondément transformé les jeunes, elle les a touchés dans ce qu'ils ont de plus intime, elle leur a donné d'autres sentiments, d'autres façons de penser, de vivre, d'autres modèles culturels. Il ne s'agit plus comme à l'époque Mussolinienne, d'un enrégimentement superficiel mais réel qui a volé et changé leur âme Ce qui signifie en définitive que cette civilisation de consommation est une civilisation dictatoriale. En somme, si le mot fascisme signifie violence du pouvoir, la société de consommation a bien réalisé le fascisme. Les démocrates chrétiens sont devenus les véritables fascistes.Colères focalisées sur les fascistes archéologiques alors que les véritables fascistes sont au pouvoir."

Source : Extraits, "Écrits corsaires", 1973-1974, recueil publié en 1975 (1ère édition)





 


Pasolini - Évangile selon saint Matthieu



                                                 
                                                        31 octobre 1975, dernier entretien


                                            
                                                            Pasolini, prophétique...

mercredi 11 septembre 2013

Musiques metal et temps du mythe



Durant la décennie 80 du siècle dernier, un phénomène particulier émerge dans le monde du hard rock et du heavy metal. Des virtuoses -ou "shredders" même si le terme n'est pas tout à fait synonyme, il est parfois employé indifféremment pour désigner ces musiciens- c'est-à-dire des instrumentistes possédant un bagage technique bien supérieur à tous ceux qui les ont précédés  (Malmsteen, Satriani, Macalpine, V. Moore et quelques d'autres...) retiennent les leçons de musiciens de hard rock et heavy metal comme Ritchie Blackmore, Randy Rhoads, Eddie Van Halen précurseurs voire prophètes dont ils accomplissent, abolissent et dépassent les œuvres en s'imprégnant de musique ancienne (mal nommée "classique")  sortent du carcan pentatonique-accords de puissance en allant fouiller dans la discographie de musiciens de jazz-rock ou fusion (Allan Holdsworth, Al di Meola...). La plupart sont étasuniens (ou naturalisés) mais les influences viennent, très souvent, des musiques savantes européennes. Pas vraiment des "rebelles" au sens ou le vulgaire peut l'entendre.  La musique avant tout. Mais en (ré-)introduisant de la "beauté" dans le metal, ils se distinguent fortement de ces cliques de groupes de suiveurs qui pataugent (déjà au milieu des années 80) dans la provocation porno-sataniste de buveurs de mauvaise bière. Là se situe véritablement la dimension subversive de ces musiciens et de leurs compositions dans la mesure où ils remettent en cause la "doxa" en matière de jeu de guitare et de compositions. Pour prétendre devenir musicien de heavy metal, il ne suffira plus désormais de ressortir des plans pentatoniques interchangeables. Concernant ce dernier point, il est évident que nombre de musiciens ne dépoussiéreront pas leur jeu pour autant, mais c'est pourtant une véritable révolution dans l'histoire du monde du rock en général (et bien au-delà) qui se produit à cette époque.

 On peut dire que la musique de ces virtuoses permet à l'auditeur de sortir du temps linéaire induit par l'homme-dieu qui s'incarne dans l'histoire (c'est bien le Christ qui a imposé une conception du temps en Occident et ailleurs) et d'entrer dans le temps sacré, mythique, fabuleux trans-historique, c'est-à-dire où présent et passé se confondent. A chaque écoute d'une pièce purement instrumentale -c'est à l'évidence la même chose qui se produit avec l'écoute d'une pièce de musique ancienne ou savante- l'auditeur réintègre non pas à proprement parler le temps que l'on réintègre à l'écoute un récit mythique dans une société traditionnelle, mais un temps fabuleux... 


Écouter une pièce de musique, qu'elle soit "classique" ou "métallique" (a fortiori instrumentale) c'est se révolter contre le temps de l'individu, se révolter contre le temps historique, transcender son propre temps et adopter un comportement mythologique.  Ce temps mythique, cyclique, n'est, d'ailleurs, pas nécessairement le temps du paganisme. Les chrétiens utilisent, en effet, des catégories de la pensée mythique. Nombre d’éléments qui apparaissent propres au christianisme relèvent de la cyclicité : l'année liturgique par exemple. Le comportement du fidèle qui réitère rituellement la naissance, la vie et la mort du Christ appartient bien à cette catégorie.

 On pourrait évoquer les différents sous-genres ou courants dérivés du heavy metal : le thrash, le death subissant tous les deux, l'influence des guitaristes virtuoses, mais surtout le black metal autre manière d'intégrer un temps fabuleux, mais aussi forme de régression musicale (il ne s'agit pas d'un jugement de valeur), de rejet de la "technique" qui se développe parallèlement au courant du metal instrumental, mais qui est pourtant aussi une forme artistique de rejet du temps de l'homme d'attitude moderne. 


Le black metal (on n'évoquera pas ici les thèmes propres à ce genre) qu'on n'opposera pas forcément à la démarche des "virtuoses"est sûrement, à sa manière, une forme de destruction d'un langage artistique, une force d'épuration, une manière de créer un chaos qui doit aboutir à un renouvellement, une nouvelle création, s'apparentant à la création d'une nouvelle cosmogonie. Un nouvel ordre cosmique succédant au chaos...
Évidemment, nous pourrions considérer qu'il en est, également, ainsi concernant l'écoute de toute pièce musicale "moderne" (metal ou pas), pour la lecture d'un roman, etc.

suite :  musique-metal-et-temps-du-mythe-2