: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes: géographie
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lundi 8 octobre 2012

Serbie, 1999 : de la dislocation de la Yougoslavie au projet de « Grand Moyen-Orient » (deuxième partie)


Dans un premier temps, nous revenons sur les événements de la période 1999-2008, puis nous mettons ensuite en exergue les points communs qui existent à la fois entre la logique des « guerres humanitaires » des années 1990, celle des « guerres contre la terreur » menées depuis 2001 par les différentes administrations américaines et le « printemps arabe ».

Avons-nous besoin de faire ce détour (ou retour c’est au choix) historique sur la légitimité (au regard de l’histoire) des Serbes sur l’espace kosovar ? Nécessairement. L'idée d'un Kosovo, cœur historique, spirituel de la Serbie est loin de se justifier à des seules fins de propagande anti-Albanaise.
Nous dirons, simplement, que l’immense majorité des toponymes du territoire kosovar (98%) sont d’origine serbe. De cette géographie (une toponymie qui a du mal à mentir), aux faits historiques vérifiables par les écrits d’historiens byzantins qui remontent au IXe siècle affirmant l’autochtonie du peuple serbe dans cette région… de la bataille du Champ des Merles en 1389 qui marque le début de la domination ottomane (et son illégitimité de fait) dans les Balkans à la création ex-nihilo d’un État kosovar fantoche en l’an 2008, dont le territoire est recouvert d’églises, de monastères chrétiens orthodoxes, la légitimité du peuple serbe sur ces terres de Kosovo-et-métochie n’est même plus à prouver. « Aucun des peuples chrétiens n’a eu dans son histoire ce que les Serbes ont au Kosovo » déclarait l’évêque de Prizren au début des années 1990. Pec située au Kosovo pouvant être considérée comme « la Jérusalem serbe » est depuis 1346 le siège du Patriarcat de l’Eglise orthodoxe de Serbie.
La déclaration de Barack Obama, au début de son mandat, qui promettait, le soutien des Etats-Unis à un Kosovo « multiethnique, indépendant et démocratique » apparaît à la lumière des faits comme réellement grotesque, toute emprunte de cette arrogance étasunienne...
 
Les Albanais sont majoritaires au Kosovo ; ils l’étaient déjà depuis des décennies, contrairement ce que certains media ont pu déclarer au moment de l’agression anti-Serbes. L'histoire de ce territoire, depuis son occupation par les Turcomans, à partir du XVème siècle, est intimement liée à une volonté des différents régimes d'occupation, avec l'appui des populations albanaises locales, sinon d'éradiquer toute présence Serbe, au moins de la « contenir ». Les « ratonnades » anti-Serbes se perpétuent, par ailleurs, sous le régime Titiste. Tito le leader yougoslave a ,en effet, favorisé les migrations de populations venues de l’Albanie voisine du Kosovo. Par ailleurs, cette mise en minorité progressive des Serbes au Kossovo a été aussi largement favorisée par les crimes de masses des milices SS albano-kosovares de sinistre mémoire, formées par les Nazis en 1944 à Pristina (21e Waffen-Gebirgs-Division der SS Skanderbeg). Ces SS albanais tuèrent 10 000 Serbes, en expulsèrent 100 000 autres et les « remplacèrent » par 75 000 Albanais. Les dynamiques de peuplement du Kosovo ont donc fortement évolué en faveur des Albanais au XXe siècle. Il faut ajouter à ces faits, le taux de natalité élevé chez ces populations albanaises et enfin la fuite des Serbes après 1999, puis suite aux pogroms de 2004 qui ont fait des Serbes une minorité ethnique (menacée de disparition totale) dans une large partie du Kosovo. En mars 2004 sous l’œil impassible de la KFOR et de la MINUK, des nationalistes albanais assassinent plusieurs dizaines de Serbes, font environ 600 blessés. 30 églises et monastères sont brûlées, des villages incendiés ; des événements qui ont forcé, une nouvelle fois, depuis 1999, des milliers de serbes à fuir le Kosovo-et-Metochie.
Au vrai, depuis 1999, les Kosovars albanophones (dialecte guègue), musulmans « modérés » (sunnites) pour la plupart mènent une politique sur la « question ethnique » qui fait figure de réponse analogue à celle de la Serbie des années Milosevic, déclenchée suite aux bombardements de l'OTAN. Une grande part des 200000 Serbes (mais aussi des populations Rroms) qui résidaient au Kosovo ont été contraints à se réfugier en Serbie. Incendies, destructions de monastères chrétiens orthodoxes, intimidations et exécutions sommaires sont à mettre sur le compte des membres des milices albanaises.Les Etatsuniens, de par leur « ingérence » en Serbie/Kosovo, ont donc, dans le même temps, favorisé les persécutions envers les Serbes et d’autres minorités ethniques présentes sur le territoire Kosovar, et les revendications pan-albanaises soutenues par la Turquie « néo-ottomane ».
 
Il reste que le nord de cette ancienne province serbe échappe, cependant, encore aujourd’hui au contrôle du gouvernement kosovar. Les Serbes majoritaires sur cet espace-nord demandent leur rattachement à la Serbie, Belgrade refusant toujours de reconnaître ce nouvel Etat « protectorat américain ».
In fine, depuis, les bombardements de 1999, à Pec, siège du Patriarcat de l’Eglise orthodoxe serbe il n’y a plus de Serbes… En 13 ans, 150 lieux de culte chrétiens orthodoxes ont été profanés, saccagés ou ou totalement détruits selon l’agence de presse russe Ria Novosti. En outre, 350 000 chrétiens orthodoxes étaient présents au Kosovo jusuq’à la fin des années 1990. Seuls 100 000 chrétiens orthodoxes sont toujours présents au Kosovo « la Jérusalem serbe ». A Pristina, capitale du nouvel État Kosovar il reste quelques dizaines de Serbes… Une ville qui en comptait 40000 en 1999…
Il faut, évidemment, insister sur le fait que des Serbes ont été enlevés durant la période 1998-1999 dans le cadre d’un trafic d’organes organisé par les mafieux albano-kosovars. 2000 Serbes du Kosovo sont toujours portés disparus. Des disparitions avec lesquelles nous pouvons, raisonnablement, faire le lien avec l’économie mafieuse de cette ancienne province serbe. Nous pouvons nous poser effectivement la question de la viabilité, mais surtout de la nature, de l’ économie ce nouvel Etat, dont le revenu par habitant est proche de celui d'un pays comme l'Ethiopie, dont les infrastructures ont été détruites lors de la « guerre de libération » de 1999 et dont 45% de la population active est au chômage et...qui fait transiter de l'héroïne selon un axe Afghanistan-Turquie-Albanie-Kososo ; une économie de la drogue alimentant à hauteur de 70% les trafiquants d'Europe de l'Ouest...
L’Etat dont l’existence légale a été reconnue, à ce jour, par uniquement 91 pays membres de l’ONU sur les 193 que compte l’organisation. Le premier pays à avoir reconnu cet Etat est...l'Afghanistan. Au sein de l’Union européenne, 5 Etats refusent toujours d’établir des relations diplomatiques avec ce pays. La Roumanie, par exemple, s’oppose à sa reconnaissance, assurément du fait de la présence d’une minorité hongroise transylvaine (Sicules, Magyars), et de ses vélléités autonomistes-séparatistes, galvanisée d’ailleurs depuis des mois par les appels incantatoires ethno-nationalistes pantouraniens de Victor Orban (prêt à délivrer des passeports hongrois comme des prospectus aux minorités magyares de Roumanie et Slovaquie) (1)
Du fait de l’absence d’une majorité suffisante reconnaissant cet État comme légitime, le Kosovo n’est reconnu ni par l’ONU ni par l’Union européenne.
De la dislocation de Yougoslavie à la reconfiguration territoriale d’un « Grand Moyen Orient » sur des des bases ethno-religieuses : la même logique au final...
La République fédérale de Yougoslavie n’a à aucun moment menacé un Etat membre de l’OTAN. Pourquoi alors l’OTAN décide-t-elle d’intervenir contre la République Fédérale de Yougoslavie de Slobodan Milosevic ?
L’objectif géopolitique des Etats-Unis dans ce conflit est de profiter de l’affaiblissement évidente de la Russie de Boris Eltsine, dans ces années 90, en l’empêchant de conserver (ou renouer) avec sa zone d’influence traditionnelle. La question de la domination du « Heartland », i.e. le centre du monde (l’Eurasie), et du « Rimland » sont centrales dans les motivations américaines à intervenir militairement dans de nombreuses régions du monde (Spykman, Mackinder). La politique étrangère étatsunienne se réfère, effectivement, à cette phrase de Mackinder « Celui qui domine l’Europe de l’Est commande le Heartland. Celui qui domine le Heartland commande l’Ile-Monde. Celui qui domine l’Ile-Monde commande le Monde ». Nous savons désormais, tout à fait clairement, que la stratégie d’encerclement de la Russie, dont l’OTAN est un des moyens, mais pas le seul (nombre d’officines spécialisées sont des moyens de déstabilisation de régimes est-européens, sans avoir recours à la force armée) passe entre autres par la destruction de la Fédération yougoslave, dans ces années 1990.
La conquête et la soumission du Kossovo fut donc un moyen pour les Etats-Unis de s’étendre vers l’Est. L’indépendance (disons la mise sous tutelle par les Américains) du Kosovo avait essentiellement pour but de s’installer dans les Balkans et donc d’étendre une zone influence sur un espace laissé vacant par des Russes.
Le soutien aux séparatistes kosovars et la construction camp américain de Bondsteel (7000 hommes) au Kossovo, qui s’étend sur plus de 55O hectares, a permis le déplacement de troupes américaines sur l’espace balkanique pour se rapprocher du Moyen-Orient. Bondsteel est une des deux plus grandes bases militaires américaines situées en dehors du territoire des Etats-Unis d’Amérique. En Bosnie-Herzégovine une autre base similaire (Tuzla) a été créée en 1995. Nous retrouvons, par ailleurs, dans les anciennes « démocraties populaires » cette même implantation de bases militaires. Leur installation démontre bien, s’il était encore nécessaire, la désastreuse soumission des gouvernements des Etats post-communistes d’Europe de l’Est à la politique étrangère étatsunienne. Cette vassalisation de pays comme la Roumanie ou la Bulgarie a été d’autant plus facile que, pour une bonne part des opinions publiques est-européennes, les Etats-Unis sont apparus dans les années 1980 comme les « grands libérateurs » des peuples soumis aux régimes autoritaires des Ceausescu et autres Jivkov.
Le camp Bondsteel (premier employeur du Kosovo !) a servi, sert et servira, de base arrière (ou avancée c'est au choix) pour les opérations de « guerres de terreur » de l’Armée étatsunienne et de ses alliés en Afghanistan, Irak, Syrie, Iran… ou dans le Caucase ou « Balkans caucasiens », le « ventre mou » de la Russie selon l’expression du trop célèbre Zbigniew Brzeziński (3), politologue américain, qui dans son livre « Le Grand Échiquier » (1997) prône le soutien de l’administration américaine aux moudjahidines, par pure pragmatisme, contre quiconque menacerait l’hégémonie américaine. Si l’Islam radical est depuis 2001, un ennemi, un adversaire militaire, il reste un allié politique pour l’Administration américaine, un moyen de déstabiliser des États réfractaires à l’hégémonie anglo-américaine.
Au passage, signalons la « naïveté » (ou le cynisme, toujours la même interrogation) de certains universitaires et leurs amis politiques (Cohn-Bendit par exemple) ayant vu dans l’intervention euro-américaine de 1999, une défense d’un islam autochtone qui aurait été victime de la « barbarie nationaliste » chrétienne orthodoxe serbe. Les mêmes qui, aujourd’hui, applaudissent à la destruction des États arabes laïcs…

En outre, il existe d’autres raisons, quant à cette intervention militaire contre la Serbie en 1999 et à la création de l’Etat kosovar.
L’une d’elles tient à la question énergétique. Si le pétrole est absent du sous-sol du Kosovo, le projet AMBO (Albanian Macedonian Bulgarian Oil) de pipeline associant Albanais, Bulgares, Macédoniens et Etasuniens, transportant du pétrole de la mer Caspienne à l’Adriatique, devait conduire à écarter les Serbes (donc les Russes) de cette partie de l’espace balkanique. Ajoutons que si le Kosovo n’a pas de pétrole, ses ressources minérales (lignite, or, argent, etc.) sont conséquentes…
Or donc, nous voyons désormais, assez facilement, le lien existant entre cette « ingérence balkanique » des années 90 et la liquidation systématique des gouvernements des États du « Grand Moyen-Orient », couvrant ce vaste espace de la Tunisie à l’Asie centrale. Nous évoquions -de manière très elliptique- en conclusion d’un précédent article cette stratégie américaine du « Nation Building », celle-là même qui sous-tend les bouleversements géopolitiques liés à ce « printemps arabe » devant mener à l’émergence d’un nouveau « Grand Moyen-Orient », c'est-à-dire, en réalité, à une reconfiguration de cet espace amenant à la création d’entités territoriales sur des bases ethno-religieuses… pour le plus grand plaisir de l’ami israélien. Nous laissons au lecteur le soin de prendre le temps de bien analyser la carte, s’il ne la connaît pas encore, au regard des événements actuels se déroulant de la Tunisie à l’Asie centrale, en passant par les « fameux » « Balkans caucasiens » de Brzeziński. http://lejournaldusiecle.files.wordpress.com/2012/08/project-for-the-new-middle-east.jpg?w=600&h=430 (Carte sous Copyright 2006 du Lieutenant-colonel Ralph Peters).
De la destruction de la Yougoslavie sous prétextes humanitaires à ces guerres d’agressions (Guerres contre la Terreur) de l’Irak à la Libye, ayant abouti à la disparition de ces Etat laïcs, socialistes et nationalistes qui avaient réussi à contenir les fondamentalismes religieux, l’impérialisme anglo-américain a favorisé la montée en puissance d’islamistes dans les Etats pré-cités. Hier, la partition de la Yougoslavie, celle aujourd'hui en cours de la Libye et de l'Irak et de d'autres États encore permettront la prise de contrôle définitive de l'Heartland et du Rimland...donc du monde.
Nous retrouvons cette même logique du « diviser pour mieux régner ». Qu’un terrorisme de basse intensité, des conflits larvés, des assassinats, des destructions de lieux de cultes persistent sur ces territoires violés (volés) après le passage de la monstrueuse machine de guerre anglo-américaine n’empêchent pas de « faire des affaires » ou de s’approprier les ressources du sous-sol, par exemple. Au contraire ces phénomènes participent à empêcher la réalisation du cauchemar américain : l’avènement d’un monde multipolaire…
 
Mais des puissances comme la Russie ou la Chine se contenteront-elles de regarder encore longtemps la mise en place progressive de ce nouvel ordre global unipolaire ? La réponse est évidemment : non... Très fermes sur le « dossier syrien » et menaçantes envers les États-Unis et leurs alliés en cas d'intervention militaire contre le régime Assad, le rêve d'hégémonie globale étasunien est loin d'être concrétisé...

(1) Orban appelant ces « Hongrois de l’extérieur » (les Magyars, peuple « semi-asiatique », descendants des Huns (sic)), à rejoindre la mère patrie en revisitant au passage l’Histoire récente par la remise en cause de la légitimité du Traité de Trianon (1920), ayant permis à la Roumanie de récupérer cette Transylvanie qui lui revenait pour des raisons historiques évidentes...
(2) « OTPOR » soutenue par la CIA présente en Serbie, également derrière l’opération « Pussy Riot » est un de ces nombreux vecteurs de déstabilisation. Voir un de nos articles précédents : "De l'idéologie dominaante..."
(3) Brzeziński inventeur du concept de « tittytainment ».

par Jean-Michel Lemonnier
http://jean-michellemonnier.blog.fr/2012/06/11/serbie-1999-de-la-dislocation-de-la-yougoslavie-au-projet-de-grand-moyen-orient-deuxieme-partie-16306000/

mardi 25 septembre 2012

Serbie, 1999 : calomnies, trahisons, et ingérence humanitaire (première partie)

La guerre contre la Serbie (ce qui reste, à l'époque, de la République yougoslave : i.e. Serbie, Montenegro, Kosovo-et-Métochie) émane, principalement des postures idéologiques des « Liberal hawks » américains. Cette politique étrangère américaine rejoint les positions allemandes au sujet de la reconnaissance des Etats issus de la dislocation de la Yougoslavie. Positions qui consistent donc à justifier, dès 1991, l'existence de nouveaux Etats : Slovénie, Croatie.
Avec cette guerre dirigée par l’OTAN contre la Nation serbe qui débute le 24 mars 1999, il s’agit du deuxième acte du processus de démantèlement de la Yougoslavie ; celle qui couvre la période 1999-2008, succédant au démembrement de la période 1990-1996 donnant l’indépendance tant souhaitée par la gauche libérale européenne à la Slovénie et à la Croatie.

Dans cet article, qui en appelle un deuxiéme concernant les développements ayant suivi les bombardements de 1999 par l’OTAN, nous nous intéresserons,essentiellement à cette période 1999-2008, avec de brefs mais nécessaires rappels concernant la période de dislocation de la Yougoslavie dans la première partie des années 90.

Or donc, sous le fallacieux prétexte de mettre fin à un « génocide » que les Serbes auraient été en train de commettre sur la population albanaise de la province du Kossovo "cœur historique de la Serbie" (expression détestée des libéraux-libertaires), et de fait, faire entrer la Serbie dans le concert des « nations démocratiques » (comprendre se soumettre à l’Empire global), l'OTAN (une coalition internationale menée par l’administration étatsunienne) est intervenue sur le territoire d'un État européen souverain.
« Génocide », « Holocauste », références systématiques aux régimes totalitaires des années 30 et 40 du XXe s.(Milosevic comparé à Hitler), le monde politico-médiatique est à l’unisson : il faut abattre la « bête immonde », dont le ventre est encore fécond : Bill Clinton (bien embarrassé par Monica), Madeleine Albright (peu reconnaissante envers ces Serbes résistants au nazisme qui la sauvèrent d’une mort certaine dans les années 40), Tony Blair, Bernard Kouchner, Cohn-Bendit, Bernard Henry-Levy (1) n’en finissent plus d’éructer. Les défenseurs de la « démocratie de marché » se déchaînent à l’égard du régime Milosevic, néo-nationaliste ayant réussi la synthèse entre ce qu’il reste de l’appareil communiste yougoslave et l’orthodoxie chrétienne. L’existence d’une Serbie souveraine, voulant conserver ses frontières et son territoire intègres, refusant l’hégémonie globale euro-anglo—américaine est insupportable aux yeux de l’hyper-classe mondiale. Il faut s’en débarrasser... En persuadant, par de grossiers procédés (2) les opinions occidentales de l'existence d'un génocide perpétré par les forces de police et l'armée yougoslave de Milosevic à l'encontre des Albanais du Kosovo, les manipulateurs libéraux-libertaires cyniques, s’assurent du soutien d’une opinion dont ils savent qu’elle peut contribuer à faire perdre des guerres (« l’expérience vietnamienne » a été bien retenue).

Ces manipulations politico-médiatiques commencent, d’ailleurs, dès le début des premières « guerres d'indépendance » en Yougoslavie. C'est ce genre de procédés qui fera basculer l'opinion publique « occidentale » en faveur d'une intervention armée contre la Serbie en 1999. Par exemple, cet échange entre Bernard Kouchner et Alija Izetbegovic, président de la Bosnie-Herzégovine (décédé en 2003), tiré de l'ouvrage « Kouchner (B.), Les guerriers de la paix, 2004 » accable ces « publicitaires », « chefs marketing » du « business guerrier » impérialiste anglo-américain :
- Kouchner : C'étaient d'horribles lieux, mais on n'y exterminait pas systématiquement. Le saviez-vous ?
- Izetbegovic : Oui. L'affirmation était fausse. Il n'y avait pas de camp d'extermination quelle que fût l'horreur des lieux. Je pensais que mes révélations pourraient précipiter les bombardements."
Concernant, le Kosovo, c’est « l'affaire de Racak », qui en rappelle d’autres, non moins funestes, disons obscènes car mises en scène au service du « spectacle militaro-totalitaire » : celle des « charniers de Timisoara » en Roumanie (3), celle des « enfants tués dans des couveuses » par des soldats irakiens au début des années 90, ou plus récemment l’accusation de détention d’armes de destructions massives par le régime de Saddam Hussein. Ces manipulations sont, en tout cas, analogues de par l'impact fulgurant qu'elles eurent sur les opinions publiques occidentales.

Or donc, c'est encore, un soi-disant massacre qui précipite les « bombardements humanitaires » sur la République de Yougoslavie, en 1999. Une quarantaine d'Albanais, habillés en civils, sont retrouvés morts dans le village de Racak au Kosovo. Le diplomate américain, chef de mission l’OSCE, William Graham Walker, qualifie alors l'événement de « massacre de civils » qui aurait été le fait de policiers serbes.

Le docteur finlandais Helena Ranta, chef d'une équipe internationale d'enquêteurs dans « l’affaire Racak », révèle en 2008 que le rapport qu'elle avait rédigé dans le cadre de sa mission d'expertise de médecine légale était volontairement mensonger. Elle affirme avoir subi des pressions émanant à la fois de ce fameux William G. Walker et du Ministère finlandais des Affaires étrangères. Elle a, aussi, tenu des propos allant dans ce sens à la télévision russe. A l'époque, la femme se dit incapable d'affirmer si les corps des défunts sont ceux d'habitants du village ou de savoir où ils ont été tués. Selon ses révélations, les corps retrouvés à Racak étaient ceux de terroristes de l'UCK (l’armée de libération du Kosovo terroristo-mafieuse) tués lors d'une opération anti-terroristes menée par la police yougoslave (pluritethnique) et accompagnée, de témoins (les membres d'une équipe de télévision).

Aujourd'hui nous savons, donc, que les événements se déroulèrent ainsi : des Albanais de l'UCK ouvrirent le feu sur les policiers yougoslaves qui après avoir lancé une contre-offensive sont contraints de se replier. Après le combat, les rebelles albano-kosovars récupèrent, alors 40 à 45 des corps de leurs camarades décédés, les habillent en civils et les déposent dans un champ situé dans le village. Les autres combattants kosovars abattus sont enterrés dans un village voisin. Walker eut, à ce moment, l'occasion de transformer cette rixe mortelle en « crime de guerre » entraînant l'indignation de l'opinion publique mondiale, ce qui put, ainsi, hâter le processus de mise en marche de la machine de guerre de l'OTAN contre la Serbie.

La guerre contre la République Yougoslave (Serbie) est sans doute une des meilleures illustrations de l'application de ce concept d' « interventionnisme humanitaire » (ou « bombardements humanitaires »). En outre, ces expressions et d’autres telles que « guerre propre », « frappes chirurgicales » par exemple, qui relèvent de cette novlangue (newspeak d’Orwell) ont été incroyablement efficaces de par leur capacité à coloniser les esprits. Cet impérialisme symbolique relevant de la logique (néo-)libérale a ainsi largement permis d’abolir le jugement critique des peuples, bien plus que les grossières reductio ad hitlerum habituelles visant à disqualifier les adversaires d’un « système », en l’occurrence la Serbie de Milosevic.
Cependant, cette agression informationnelle constante de la période des guerres yougoslaves aura eu du mal à occulter le résultat de cette intervention de l’OTAN en 1999 : des centaines [milliers] de morts civils, des hôpitaux, des écoles, des infrastructures détruites… A ce propos, la magistrate Carla del Ponte (4), considère que les bombardements de l’OTAN, qui ont duré 78 jours, supposés atteindre les centres névralgiques militaro-industriels et politiques du pays, mais ayant bien évidemment touché les civils serbes sont bien des crimes de guerre.In fine, la république fédérale yougoslave ne menaçait personne. En outre, nous savons parfaitement que des crimes de guerres, des atrocités ont autant été le fait de certains soldats serbes, que des terroristes-collaborationnistes alliés de l’OTAN.

Il faut, par ailleurs, insister avec force sur le fait que la France, grande amie de la Serbie trahit cette dernière, en s’impliquant militairement dans le conflit aux côtés des Anglo-américains. Plus qu’une alliance ancestrale, c’est une véritable amitié entre les peuples français et serbes qui est alors brisée. Les propos de François Mitterrand, indépendamment du jugement que l’on pourrait porter sur son action en tant que Chef d’Etat dans d’autres domaines, sont à cet égard intéressants. En effet, au milieu des années 90, il assène au mondain Bernard Henry-Levy réclamant sa « guerre juste », ce lapidaire : « Moi vivant, jamais, vous m'entendez bien, jamais la France ne fera la guerre à la Serbie. » L'arrivée au pouvoir de Jacques Chirac changera la donne concernant les relations franco-serbes. Au printemps 1999, ce même Bernard Henry-Levy exultera alors à l'annonce de l'entrée en guerre de la France contre la Serbie : « Huit ans trop tard, la juste guerre contre Milosevic »...(Le point, 27 mars 1999)

Nous savons que les tenants et aboutissants de ces guerres yougoslaves sont très complexes. Nous n’aurions pu traiter un tel sujet en quelques lignes. Il aurait été intéressant, par exemple, de montrer comment les Etats-Unis ont favorisé l’importation de jihadistes du Moyen-orient et d’Asie centrale en Bosnie-Herzégovine pour combattre aux côtés de l’armée régulière bosniaque musulmane…de montrer, de fait, à quel point une bonne part de cet islam bosniaque modéré –un « islam slavisé » avec ses convertis par « nécessité » sous l’occupation ottomane- n’a que peu à voir avec cet islam wahhabo-salafiste d’importation, donc… et qu’Izetbegovic, l’ami des Occidentaux et de Ben Laden, n’a jamais condamné… ce même Izetbegovic, qui avait favorisé l’organisation de mouvements SS musulmans alliés aux Oustachis croates (fascistes) durant la seconde guerre mondiale...

Nous verrons dans un prochain article quelles ont été les motivations (cachées aux opinions occidentales) de cette guerre d’agression envers la République fédérale de Yougoslavie qui mènera à l’indépendance de la province du Kosovo-Métochie en 2008, devenu État fantoche , économiquement non-viable, dirigé par des mafieux tels Hashim Thaçi … qui procèdent à un nettoyage ethnique des Serbes présents au Kosovo…
Nous mettrons, également, en exergue que si la logique de guerre contre la Serbie diffère, en apparence, de ces « guerres contre la terreur » ou plutôt « ces guerres de terreur », menées par les néo-conservateurs depuis 2001 et poursuivies sous le règne d’Obama, il reste des invariants, des fondamentaux dans les orientations de la politique étrangère américaine et que la destruction de la République fédérale de Yougoslavie préparait les « croisades » impériales anglo-américaines de ce début de XXIe siècle… suivant la logique du « Nation Buiding »
.
 
(1) Ce même individu n'a, sans doute, jamais écrit une seule ligne au sujet des exactions commises par les forces armées croates de l'ère Tudjman envers les Serbes de Krajina, entre autres nombreux exemples de crimes perpétrées dans les Balkans à l'encontre du peuple serbe...

(2) On se souviendra de cette piteuse campagne de publicité affichant côte à côte Milosevic et Hitler.

(3) sur TF1, fin 1989, on entendit : « Ceausescu, atteint de leucémie, aurait eu besoin de changer son sang tous les mois. Des jeunes gens vidés de leur sang auraient été découverts dans la forêt des Carpates. Ceausescu vampire ? Comment y croire ? La rumeur avait annoncé des charniers. On les a trouvés à Timisoara. Et ce ne sont pas les derniers » Inutile de se perdre en commentaires sur la nullité de ces propos...

Disons simplement, qu'en réalité, les opposants au régime de Ceausescu ont réalisé une mise en scène en déterrant une vingtaine de cadavres dans le cimetière de la ville, situé à l'extrême ouest de la Roumanie. Sur le cliché, objet du scandale, pris par un Américain apparaissent trois personnes. Un bébé, victime de la mort subite du nourrisson, un homme qui n'est pas le père de ce dernier et une femme décédée d'une cirrhose, qui n'est pas la mère de l'enfant.
(4) Magistrate, occupant la fonction de procureur dans les Tribunaux spéciaux pour l’Ex-Yougoslavie (TPIY)

  par Jean-Michel Lemonnier

mercredi 15 août 2012

Braşov "ville martyre" (Braşov "oraş martir") et son "champ des morts"...

Ce court article complète les analyses produites dans un des chapitres de "La Roumanie : mythes et- identités, Ed. du Cygne , 2012

 Braşov (judet de Braşov , région historique de Transylvanie) est considérée comme la ville où la résistance anti-communiste fut la plus virulente à l'intérieur du "bloc socialiste" est-européen. Cachés dans les montagnes environnantes avec la complicité de la population rurale, certains résistants n’ont jamais abandonné la lutte avant la "victoire" définitive de 1989.  La ville s'inscrit dans une vallée des Carpates au centre de la Roumanie et a bénéficié d'une situation originelle stratégique car épousant une des grandes routes historiques qui reliait le Bas Danube à l'Europe Centrale. L'espace proche de l'agglomération (le mont ou colline Tâmpa rejoignant la vaste zone carpatique méridionale) a, à l'évidence, contribué à préserver ce bastion de combattants montagnards.
Deuxième ville de Roumanie à se soulever après Timişoara, Braşov compte un cimetière (cimitirul eroilor) consacré aux 66 habitants de la ville morts lors de la Révolution de 1989. Le cimetière est implanté au sein d'un mail vert, en plein centre-ville.

Cimitirul eroilor, le cimetière des héros à Braşov. Photographie Lemonnier, 2008

Ce "champ des morts" s'intègre donc dans un parc où se côtoient parterres fleuris, pelouses et ligneux. Les tombes en marbre blanc s'arrangent, donc, d'une couverture végétale verdoyante dès les premiers jours de printemps. La symbolique des couleurs est, alors, facilement interprétable. Le blanc couleur de la paix et le vert couleur de l'espoir, rappellent les teintes du cimetière militaire américain de Colleville-sur-Mer en Normandie. La position centrale du cimetière-volonté des pouvoirs publics-au sein de l'espace urbain brasovean renforce, effectivement, cette "symbolique de la victoire" et donne l'impression d'un lieu où reposent des héros, des "martyrs"... Nous sommes, certainement ici, sur le territoire des vainqueurs tombés pour mettre à bas un pouvoir dont l'arbitraire et la violence symbolique et réelle -surtout dans ses dernières années d'existence- supportent sans doute peu de comparaisons, même avec les autres régimes des anciennes "démocraties populaires" d'Europe centrale et orientale...Néanmoins, nous savons que l'ère postcommuniste roumaine a été  grande de déceptions... La crise économique récente n'a fait que renforcer cette situation...  Le gouvernement roumain devra désormais répondre aux injonctions d'instances supranationales telles le Fond Monétaire International, la Banque Mondiale et d'autres bailleurs de fonds... Cette soumission progressive à la doxa néolibérale n'étant que l'acmé d'un processus qui débute en 1990 et passe par une intégration à l'Union européenne à marche forcée...

Or donc, avant les "événements décisifs" de la fin de l'année 1989, Braşov s'illustre par ses grèves ouvrières. Celles-ci sont soutenues par des universitaires et la minorité hongroise de Transylvanie(1). Elles finissent par dégénérer en émeutes le 15 novembre 1987...Les revendications salariales des ouvriers de l'entreprise Autocamioane Braşov ne sont, en réalité, qu'un prétexte à une contestation radicale du système en place. Les bureaux du Parti sont pillés et une partie des archives de la Securitate détruites.
Silviu Brucan(2), membre du Parti Communiste Roumain, reconnait le lien entre la pénurie alimentaire qui sévit à l'époque avec la révolte de Braşov . Cette déclaration constitue un véritable aveu d'impuissance du régime du Conducator face à la grogne populaire qui se fait entendre progressivement dans tout le pays :
 " La manifestation des travailleurs à Braşov [ouvre] une période de crise […] dans les relations entre le parti communiste et la classe ouvrière sur lesquelles reposait jusqu’à une époque récente la stabilité politique du régime. […] Le parti était en mesure de contrôle avec succès la masse des travailleurs parce qu’il était devenu populaire dans les années 60 lorsqu’une amélioration s’était faite sentir dans l’économique roumaine et dans le niveau de vie de près de trois millions de paysans qui avaient rejoint la force de production industrielle urbaine. […] dans les années 1980, cependant, leur situation est allée de mal en pis. La détérioration de la situation économique a conduit à la perte de confiance des travailleurs dans le Parti, à la rupture entre la société civile et le Parti. "
(in C. Durandin, D. Tomescu, 1988, La Roumanie de Ceausescu)

La riposte face aux émeutiers est radicale. L'armée roumaine intervient dans les rues de Braşov . Certains émeutiers sont "déportés", mais aucun mort en lien avec cette révolte ne sera pourtant " recensé"... Après "l'incident", le régime (national)communiste de Ceauşescu survivra péniblement deux ans de plus avant le début de "l'acte final" que constitue l'insurrection populaire de Timişoara du 16 décembre 1989...

(1)Les Hongrois de Transylvanie considèrent leur culture en péril du fait de la mise en place de la politique de "systématisation" souhaitée par Ceauşescu (regroupement de l'habitat disséminé et par suite construction de blocs d'immeubles : "la ville à la campagne", augmentation des surfaces cultivables). Or les Hongrois vivaient principalement dans des villages faiblement peuplés, ce qui aurait (et a en partie) empêché (entre autres) le maintien des établissements scolaires réservés aux Hongrois et par suite la disparition progressive de la culture magyare sur ces territoires.

(2) En 1988, il effectue-on ne sait trop comment il y parvient-un séjour de 6 mois aux États-Unis d'Amérique et rencontre également Michel Gorbatchev dans les années 80...
 
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vendredi 13 juillet 2012

Campagne transylvaine, Carpates méridionales : scènes de l'été 2009



"La campagne roumaine est une autre Lombardie, non certainement par la perfection de l'agriculture, mais par l'exubérance du sol et par la beauté des ciels lointains." 
Reclus (E), 1876, Nouvelle Géographie Universelle, I. L’Europe méridionale

 Cette citation n'a que très peu perdu de sa pertinence pour ce qui concerne les Carpates méridionales en ces premières années  du XXIe siècle, malgré l'entrée du village roumain dans la (post-)modernité (?)...















Photographies : Jean-Michel Lemonnier,  2006-2009
Départements de Brasov, Covasna, Harghita, Carpates/Transylvanie...



vendredi 1 juin 2012

La Transylvanie : entre tradition et post-modernité...



Département de Covasna
 
Un village de Transylvanie méridionale : entre tradition et (post)modernité... Il ne s'agit plus, ici, du "village roumain" de Lucian Blaga. Si de nombreux villages transylvains conservent des caractères du village traditionnel, des tensions de plus en plus fortes s'affirment entre des pratiques archaïques (au sens de "traditionnelles" et liées à un univers magico-religieux),  un mode de vie respectant les cycles naturels cosmiques, hérité du "monde des origines" et des comportements (post)modernes, certes séduisants par certains aspects, mais marginalisant une culture et une façon d'être au monde séculaires...
Il apparaît clairement que ce rapport de forces favorise cette conception du monde fragilisant les identités individuelles et collectives, autorisant la multiplication des modèles sociaux, modifiant le rapport au temps... Le village transylvain se retrouve ainsi face au vide. N'étant plus ni tout à fait "traditionnel" et ayant, par ailleurs, résisté à la modernité, il subit l'avancée de la postmodernité, de la surmodernité, de la "surabondance"... il est face à une crise du sens, d'identité...

Ici à Brașov, des immeubles ultra-modernes, qu'ils soient sièges de firmes transnationales, de succursales, ou collectifs d'habitation, souvent haut de gamme, occupent la place des locaux détruits ou rénovés des anciennes entreprises d’État de l'ère socialiste... La post-modernité accompagne le néo-libéralisme triomphant dans cet espace urbain transylvain... 

Les anciens marxistes s’accommodent fort bien de la spéculation foncière -et la ségrégation socio-spatiale qui l'accompagne- dans les grands centres urbains transylvains et de Roumanie plus généralement...

Un affichage indiquant la création ex-nihilo d'un quartier résidentiel sécurisé, au sud-est de Brașov, sur le modèle des gated communities états-uniennes... L'accès à la zone est strictement limité et contrôlé... Un projet d'urbanisme qui répond à une volonté (par un besoin créé?) de satisfaire une clientèle aisée et qui crée une dynamique de sécession avec le reste de la population de la ville... 
 
 Toutes photographies : JM Lemonnier 2006-2009,

Photographies J-M Lemonnier

mercredi 30 mai 2012

Carpates méridionales, Transylvanie : scènes de l'été 2009 et hiver 2011




"Vivre à la campagne signifie vivre dans une perspective cosmique et avec la conscience d’une destinée liée à l’éternité" Lucian Blaga, 1936


Le village roumain est le monde, la patrie des origines... espace sacré, territoire des parents et des ancêtres, territoire des morts et des vivants, géniteur de la Tradition... 
ţara en roumain signifie aussi bien pays que campagne... la culture roumaine et le peuple roumain sont bien nés là, dans cet espace rural-matrice dont la disparition, sous sa forme traditionnelle, maintes fois annoncée et programmée mais toujours repoussée, paraît désormais inéluctable... à voir...





Monde rural transylvain, scènes... Photographies : J-M Lemonnier

lundi 18 mai 2009

Féminisme et études de genre, ou quand les "grandes bourgeoises" s'expriment au nom de toutes les femmes


Critiquer le féminisme ou les études de genre (gender studies) ce n'est évidemment pas critiquer les femmes.
Critiquer le féminisme (ou ses excès en tout cas) ce n'est pas remettre en cause l'égalité homme-femme et les
droits fondamentaux qui en découlent ou bien encore la place de chacun dans nos sociétés. On peut déjà
anticiper des objections du style : "mais comment savoir quelle est la place de chacun dans nos sociétés?",
"tout est relatif ", etc. Disons que l'objectif de ce court article est de montrer les contradictions voire les
aberrations qui ressortent de certains discours.
Or donc, le fait de mettre -comme certains démagogues- sur le même plan lutte contre le racisme et
féminisme, par exemple relève de l'imposture totale. Une question s'impose alors : les féministes ont-elles
jamais participé à libérer qui que ce soit, à part elles-mêmes (déjà libérées par ailleurs?), et à protéger leurs
intérêts de classe?

1) Considérations sur les fondements du féminisme

Le féminisme moderne qu'il soit libéral, radical, socialiste ou "psychanalyste et politique" (retracer
l'intégralité de l'histoire du féminisme ici ne serait pas d'un intérêt majeur pour notre exposé) est un courant de pensée, une idéologie, un combat, qui prend racine dans les milieux de la grande bourgeoisie, américaine et d'Europe de l'Ouest, dans les années 60/70 du XXème siècle. Sachons au moins que le MLF, représentatif de ce combat, organe (sans jeux de mots graveleux) réunissant différentes tendances en son sein fut largementfinancé par les grosses fortunes transnationales (capitalistes donc) à la Rockefeller. Voir l'interview du réalisateur/producteur américain Aaron Russo, ami de Nick Rockefeller, à ce sujet :
"Les deux raisons originelles pour lesquelles l'élite finançait la libération des femmes, l'une parce qu'avant la
libération des femmes les banquiers ne pouvaient pas imposer la moitié de la population, et la deuxième
parce cela leur a permis de recevoir des enfants plus jeunes à l'école, permettant leur endoctrinement dans
l'acceptation de l'État comme première famille, démolissant le modèle traditionnel de la famille."
Interview par Alex Jones, 2007
Ses propos pourraient paraître relever de l'affabulation, si Gloria Steinem, une des pionnières des mouvements féministes n'avait elle aussi fait des déclarations allant dans le même sens...
Malgré les différentes courants traversant la "nébuleuse féministe" on peut, néanmoins, retenir quelques
éléments récurrents qui leur sont communs à tous :

Un des postulats des féministes modernes est que les dynamiques de l'oppression des femmes si elles ne sont
pas indépendantes des considérations de classes dépassent, en tout cas, ces opposition de classes.
Ces féministes considèrent qu'en outre, que le patriarcat est a-historique et n'a jamais évolué. L'oppression de la femme au sein du modèle sociétal/familial patriarcal serait constant. Ce qui est faux. L'observation des
évolutions de la famille ouvrière tout au long du XXème siècle atteste de changements fondamentaux au sein
de celle-ci.
Ce corpus d'idées et les combats que constituent le féminisme (radical en tout cas) ont abouti à ce que l'on a
pu nommé de la "collaboration de classe" ; bourgeoises et ouvrières voyant dans l'homme ouvrier besogneux
ou dans le patron multi-millionnaire un seul et même ennemi.
Il découle de cela une suite de contre-vérités assénées à des générations de femmes comme "l'homme est
violent, c'est un prédateur", "si le monde était dirigée par des femmes tout irait pour le mieux dans le meilleur
des mondes" (pour s'en "convaincre", rappelons le bilan socio-économique des années Tatcher, celui de
Madeleine Albright en matière de politique étrangère étatsunienne...les pauvres civils serbes s'en souviennent
encore (et aussi (1)) ou celui de Condoleezza Rice dans le même domaine, etc.)

Il n'existe pas, en réalité, de solidarité de sexe qui ne relèverait pas de la manipulation des femmes issues des
classes populaires par une élite bourgeoise. Les comportements des un(e)s et des autres ne peuvent (en
théorie) qu'être avant tout conditionnés par l'appartenance à une catégorie/classe sociale, même aujourd'hui ou l'affaiblissement de la conscience de classe est avéré.
Or donc, s'il existe des intérêts de classe encore conscients dans les milieux bourgeois, il n'en est pas de même dans les milieux moins favorisés. Nous assistons, en effet, depuis 30 ans environ à une moyennisation de la société française et une aspiration des classes moyennes (majoritaires en France) émergentes depuis le début des années 70 à rejoindre le monde de la petite bourgeoisie et son confort matériel et intellectuel, nous l'avons dit dans un précédent article.
La seule catégorie ou plutôt classe sociale, encore solidaire (i.e. "consciente"), n'est-elle pas la bourgeoisie (de gauche ou de droite, celle montante depuis 40 ans ou celle qui était déjà en place avant 68, donc) liée par uneespèce de consensus mou sur la plupart des questions sociales, économiques et sociétales (i.e les valeurs)?
"La femme" n'est donc, évidemment, pas une catégorie sociale car il n'existe pas de de "complicité" de fait, de connivence politique et d'intérêts communs entre, par exemple, une femme aide-ménagère, une cadre du
tertiaire (professeur, journaliste, médecin etc.) et une rentière.
La fiche de paie qui "tombe" chaque mois pour chacune d'entre elles atteste indéniablement de cet état de fait.

En outre, s'il existait une condition féminine partagée par toutes, existerait-il une condition masculine? Posons
nous cette question simple alors : quel intérêts communs partagent l'homme ouvrier, celui exerçant une
profession libérale et le patron d'une firme transnationale? Aucun assurément, alors comment accréditer la
thèse d'une connivence, d'une "communauté de femmes" partageant des intérêts communs?
Concernant la question de la parité/mixité, posons simplement cette question, sans trop nous étendre sur le
sujet : quels intérêts y-a-t-il à substituer un homme par une femme, elle aussi, issue d'un "milieu bourgeois
affairiste" à la tête d'une entreprise transnationale, par exemple ? Ne défendent-ils pas les mêmes intérêts ?
Être gouverné par Margaret Thatcher est-ce réellement bien mieux que de l'être par Ronald Reagan quand on
appartient à un milieu "économiquement faible"...?
Par suite, la "condition féminine" tout comme la "condition masculine" en tant que catégories liées par un
même sentiment d'appartenance, un même "destin" n'a pas d'"existence propre", ne correspond à aucune
réalité conceptuelle solide résistant à une analyse approfondie de ses fondements et encore moins à une réalité factuelle.
Par ailleurs, ce discours qui consistent à dire "les femmes gagnent moins que les hommes", relève là encore de la démagogie de classe. Il est faux dans le sens ou pour les métiers liés à "la rente" (peut-on parler de métier?), les patron(ne)s, les artistes (écrivain(e)s, chanteurs, chanteuses) ou dans les métiers de la fonction publique ces inégalités de genre n'existent absolument pas. Rien n'indique, par ailleurs, qu'un "agent de service" masculin gagnerait plus que son homologue féminin.
Le problème fondamental de nos sociétés se situe donc bien au niveau de la parité riche/pauvre et non pas de la parité homme/femme.
Penchons nous aussi sur le néo-féminisme des Virginie Despentes ou Joy Sorman, "idéologie" de pissotière,
sortie des cerveaux des rejetons anémiés de la bourgeoisie parisienne post-soixanthuitarde, prônant la
virilisation des femmes et la féminisation des hommes, ou encore "la sortie de la partition naturaliste où les
femmes ne seraient plus que des cerveaux et les hommes pourraient louer des utérus" [sic]...pseudo-idéologie, donc, qui cumule toutes les transgressions aujourd'hui normatives...
Disons toutefois et pour conclure cette partie qu'une lecture purement sociale du phénomène féministe en
France est, sans doute, aujourd'hui limitative du fait notamment de l'ethnicisation des rapports sociaux. Sans
doute, pourrait-on utiliser aussi une "lecture ethnique" (ou concilier "lecture ethnique et sociale") pour
montrer les divergences entre les intérêts et aspirations des femmes héritières de cultures différentes qui composent, aujourd'hui, la société française.

2) Les études de genres

Le combat féministe relayé par les études de genres (gender studies) qui consiste à vouloir corriger les
inégalités sociales liées à l'appartenance à un genre (féminin en l'occurrence) relèverait, par suite, elles-aussi
du non-sens le plus total. La lecture de la plupart de ces études laisse apparaître au mieux la vacuité des thèses défendues par leurs auteur(e)s. La grande prêtresse de ce mouvement académiques est bien sûr la sophiste Judith Butler (cf. "Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion", 1990)
On trouve, par exemple, une géographie féministe, apparue dans les années 1970/80, un des courants issu de la "nouvelle géographie" qui rejette largement les fondements de la géographie classique (celle des
nomenclatures, des tonnes de charbon produites et des kilos de blés exportés). Cette géographie féministe est  représentée par des gens comme Gilian Rose.
 On se demande si l’'homo oeconomicus* est un homme ou une femme. Ici, on raisonne sur l'appartenance à un genre qui doit déterminer les conditions de vie de l'individu. La société est perçue par les auteurs de ce courant comme patriarcale, "phallocentrique", injuste envers les femmes donc et on va dénoncer cette supposée discrimination de genre. L’'espace est supposé être impliqué dans la définition du genre et supposé participer à la reproduction des rapports de domination.
Cette école de géographie, relativement marginale a donné lieu à certains écrits assez savoureux.
Ainsi, dans les études de genre pratiquée par la géographie le ridicule ne tue pas, à moins qu'il ne s'agisse de
propos à prendre au second degré, d'une géographie du second degré donc, une géographie de l'absurde? : "Il est donc [...] moins question de sexualité que d’anatomie du sexe, celle qui veut que les hommes fassent pipi debout et les femmes assises. Quoique ! Ne revient-il pas aux architectes, notamment femmes et féministes,d’imaginer des lieux d’aisance alternatifs, et aux organisateurs et organisatrices de manifestations
accueillant beaucoup de femmes de tenter l’'expérience du changement ?"
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/36/44/86/PDF/espace_sexualite.pdf
Cet autre extrait est aussi représentatif de ce courant : [...] "(Comment l’espace est-il genré ? Quel est
l’impact du sexe de l’architecte sur la production d’un tel espace ? …) ainsi que le postulat féministe de
l’importance des relations de pouvoir dans cette relation entre genre et espace. [...] s’inspire de Lefebvre
pour avancer l’idée que l’idéologie qui divise la ville entre espace public et espace privé, production et
reproduction, hommes et femmes est à la fois patriarcale et capitaliste. Parce qu’ils diffèrent, les espaces
alloués aux hommes et aux femmes jouent un rôle dans la production et le maintien des relations
hiérarchiques de genre..."
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/36/44/86/PDF/espace_sexualite.pdf
Qui a dit que les chercheurs en sciences sociales ne trouvaient jamais rien et se réfugiaient dans les idées
pures sans avoir jamais quoi que ce soit de concret à proposer ?

Enfin, en guise de conclusion temporaire, demandons-nous en quoi notre société française est-elle réellement
patriarcale aujourd'hui? Depuis 40 ans, les structures "traditionnelles" permettant, soit-disant, la pérennisation
du patriarcat ont largement reculé dans ce que nous nommons communément "Occident" : la famille, le
couple hétérosexuel, le mariage (religieux surtout), l'Eglise en tant qu'institution influençant sur les décisions
individuelles etc. alors qu'a contrario les pratiques, autrefois considérées comme marginales, sont aujourd'hui
acceptées par tous : union libre, émancipation des "minorités sexuelles", familles recomposées ou
monoparentales où la femme est chef de famille (et pas forcément précaires, loin s'en faut), "libre disposition"
de son corps etc. Ainsi, déclarer de nos jours, par exemple, à ses camarades d'école que ses parents n'ont
jamais divorcé est presque suspect...
Les mouvements féministes n'auraient-ils pas simplement enchaîné les femmes issus des milieux les plus
défavorisés à leur patron sous prétexte de les libérer d'une supposée dépendance envers leur mari ? La réponse peut paraître évidente...

Aussi, les auteur(e)s pratiquant, de nos jours, les études de genre auraient-ils (elles), eux(elles)-aussi leur lutte de retard, tout comme la gauche "bobo-libertaire" en France (i.e. extrême-gauche ou gauche de gouvernement largement solidaires des premiers cités, d'ailleurs) avec ses luttes anti-fascistes (qui consistent, en fait, àconsidérer comme fasciste tout ce qui s'oppose à ses valeurs) et anticléricale ou encore l'extrême-droite (un certain courant au moins) avec son combat anti-communiste d'arrière-garde et sa "menace rouge"?

(1)Le 27 septembre 1996, les Talibans prennent Kaboul, elle déclare alors que « c'est un pas positif » [SIC]
fort de son soutient politique, les fondamentalistes s'emparent dès lors du pouvoir à Kaboul. Nous connaissons la suite...
*« Le mythe de l'homo œconomicus et [de] la rational action theory [sont des] formes paradigmatiques de
l'illusion scolastique qui portent le savant à mettre sa pensée pensante dans la tête des agents agissants et à
placer au principe de leurs pratiques, c'est-à-dire dans leur « conscience », ses propres représentations
spontanées ou élaborées ou, au pire, les modèles qu'il a dû construire pour rendre raison de leurs pratiques
». Pierre Bourdieu, 2000, Les structures sociales de l'économie, Seuil, Paris.
Copyright © J-M Lemonnier mai 2009 publié sur blog.fr (plateforme fermée depuis décembre 2015=
par JeanMichelLemonnier @ 18.05.09 - 01:00:18
http://Jean-MichelLemonnier.blog.fr/2009/05/17/feminisme-et-etudes-de-genre-ou-quand-les-grandes-bourgeoises-parl