: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes: libéralisme-libertaire
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lundi 18 novembre 2013

Plus-de-jouir et néo-capitalisme. Dressage à la consommation ludique, libidinale, marginale. Narcissisme et capitalisme. Marché du désir.

La partie de l'œuvre de Clouscard, consacrée au Mai 68 libertaire -révolte petite-bourgeoise- expliquée à partir de l'évolution du mode de production (répression du producteur/permissivité pour le consommateur) est incompréhensible, irrecevable  pour le "gauchiste", dispensé de l'impératif de production, qui hurle au fascisme, à la "Réaction", à un  retour à un prétendu ordre moral ante-1968 (1) à chaque évocation du surmoi et à chaque critique des injonctions au plus-de-jouir dictées par un "marché du désir" qu'il prend comme étant une somme de "libertés authentiques". Libertés qui ne sont, la plupart du temps (cf. infra) pas autres choses, qu'aliénations, qu'un impitoyable conditionnement et une soumission aux codes de ce système  néo-capitaliste qui émerge dans les années 1960. 


 "Pour une consommation ultra-rapide, immédiate, brutale. Il faut en prendre pour la semaine. Une bonne et grosse soupe pour les rustauds du mondain. Dressage sommaire : boum-boum et pam-pam. Le rythme et la "violence" et allez vous coucher. Les deux animations essentielles de la mondanité capitaliste, la bande et le rythme, sont réduites à leur plus simple expression. (...) C'est qu'on n'a plus besoin de raffiner [on s'adresse] au tout venant, aux incultes du mondain. (...) Il faut enrégimenter la populace, les troupiers du mondain, ses bidasses. On doit les amener (...) à un gestuel si élémentaire qu'à côté le salut militaire peut paraître un raffinement. [Ce ne sont] que les restes du festin de la consommation mondaine, du néo-capitalisme. (...)
Cette consommation mondaine, la part du vulgaire, doit permettre trois opérations idéologiques. D'abord fixer les sensibilités aux symboles de la consommation mondaine du capitalisme. Et selon les figures les plus pauvres. Pour empêcher ces jeunes d'accéder à une conscience politique. Pour fabriquer des abrutis. Verrouiller les âmes et les cœurs. La sono et les coups. Ensuite créer le besoin, du ludique, du marginal. Sans le satisfaire réellement. Exaspérer l'envie et ne pas laisser accéder au festin. (...) Exciter la concupiscence et ne laisser que les miettes. Ainsi conditionner une immense clientèle au marché du désir. Et préparer une certaine intégration des masses à la social-démocratie libertaire du loisir et du plaisir."

Michel Clouscard, 1981/Ed. sociales, rééd. 2012, Le capitalisme de la séduction : critique de la social-démocratie libertaire, Delga, pages 291-293 (Chapitre "Le prosaïsme du mondain : les nouvelles coutumes de masse et la cascade des snobismes")






Passage intéressant sur le paganisme. Où on lit (mais Clouscard n'est pas le seul à écrire cela, nous l'écrivons à peine différemment) que le paganisme, contrairement à ce qu'avancent les benêts béats chantres de la (post-)modernité "festive", n'a rien à voir avec cette désinhibition libertaire mais bien avec une "civilisation du sacré", interdisant le "permissif" libéral. C'est donc uniquement la dégénérescence du monde païen antique (gréco-romain a priori) qui entraîne le déchainement du libidinal et du permissif que l'on retrouve dans notre société désacralisée du "capitalisme total". La levée de tous les interdits est la condition du triomphe de ce dernier.

A noter que Clouscard -même s'il est évidemment rationaliste et matérialiste- fait partie de ces rares penseurs marxistes de haut niveau qui ne tient pas de propos caricaturaux de crétin gauchisant quand il évoque les religions (sans les idéaliser, essentiellement le christianisme/les références sont du début des années 1980 concernant ce livre). Il ne défend pas un système métaphysique, ni bien sûr un "clergé", ni un "c'était mieux avant" réactionnaire, mais une conception du temps, de l'espace (sur ce plan, un penseur comme Eliade aux antipodes de la pensée clouscardienne  ne dit pas autre chose au final) et des valeurs particulières incompatibles avec le capitalisme. Les sociétés pré-capitalistes (ou celles qui en étaient les héritières, jusqu'aux années 50 et 60 en France) païennes et/ou chrétiennes étaient construites sur des temporalités, des "rythmes" particuliers, cycliques, des réseaux de solidarités, des "valeurs", des "garde-fous"  qui protégeaient les personnes, les communautés de l’émergence d'un capitalisme total et du rythme pathologique de la modernité. Dans ces sociétés pré-industrielles ou celles qui en présentaient encore certaines caractéristiques, pas de superpositions ou juxtapositions des temporalités/des rythmes, pas d'arythmie sociale. 

La modernité d'après-guerre puis la contre-révolution capitaliste que constitue "Mai 68" entraînent la disparition définitive de ces conceptions du temps et de l'espace en France. Ces bouleversements spatio-temporels d'une brutalité incroyable génèrent alors des pathologies mentales à une échelle encore inédite dans l'histoire de l'humanité. Ce constat rejoint celui de Pier Paolo Pasolini, par exemple, quand il affirme que cette modernité ou plutôt post-modernité (il ne dit pas autre chose quand il  pointe  du doigt le néo-fascisme démocrate-chrétien) transforme l'individu (contre la personne) jusqu'au plus profond de son âme.

 Seuls des abrutis finis (prétendument anti-capitalistes, d'ailleurs, c'est l'histoire du mai 68 sociétal, des naïfs conduits par des agents parfaitement conscients de la perversité de la "manipulation") peuvent se féliciter de la disparition de ces structures et modes de vie. Ajoutons que la planification gaullienne, l'urbanisme de grands ensembles -habitat concentrationnaire- la désertification/modernisation des campagnes qui l'accompagne considérés comme des progrès (contexte de reconstruction, migrations vers  la ville des années 50 à 70, ruraux partant travailler à l'usine, etc.) jouent un rôle fondamental dans cette disparition de ces façons d'être au monde en France (2) A décharge pour les gaullo-communistes, les choix concernant les questions d’aménagement du territoire dans l'immédiat après-guerre ont été guidés par un impératif d'urgence.

De plus, contrairement à Baudrillard ou Pasolini,  Clouscard ne produit pas une critique de la "société de consommation" en général, mais fustige uniquement la part cette société de consommation (ou soi-disant telle) qui relève du "ludique", du "libidinal", i.e. le "marché du désir". Il établit une distinction entre accession à des "biens d'équipements" et "consommation mondaine", "culture de l'incivisme", "rebellitude" qui ne sont que respects et adhésions aux principes du néo-capitalisme. Les classes moyennes récupèrent les surplus, les signes de la consommation mondaine et bourgeoise (cf. premier extrait).
Enfin, ajoutons que cette critique clouscardienne du "marché du désir" et... du "gauchisme", est -culture politique/économique déficiente généralisée aidant- souvent perçue comme étant de droite ou d'extrême-droite. Rien de plus faux et pourtant terrible récupération actuelle de Clouscard dans certains milieux droitiers ! Les premiers à parler du "gauchisme" comme maladie infantile du communisme sont les... communistes eux-mêmes (Lénine) et la pensée clouscardienne (non ou anti-stalinienne d'ailleurs) c'est le remède radical aux prurits populistes. Seulement, Mai 68 et son "tas de chair libertaire qui sert de présentoir au marché du désir, Cohn-Bendit" sont passés par là, brouillant les cartes idéologiques... 
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(1)  un ordre moral qui n'a jamais réellement existé autre part  que dans l'imaginaire d'une certaine gauche mais aussi dans celui de certains dextristes, d'ailleurs...Le Mai sociétal n'a "libéré" que ceux qui étaient déjà "libérés" et le laxisme post-68 n'est en rien une émancipation vis-à-vis de mœurs rigoristes, mais une hystérie individualiste à l'échelle de la société française, "occidentale" plus généralement, accompagnant la mutation du capitalisme. Régression anale et coprolalie...

(2) lire dans ce même ouvrage, le passage sur la "maison de campagne" et les modalités de son acquisition par les parvenus de la nouvelle bourgeoisie -hippies inclus- s'installant dans la misère rurale et profitant de la désertification des campagnes post-1945...Trois étapes : le départ vers la ville des néo-prolétaires, l'acquisition pour trois fois rien du bâti et des terrains "abandonnés", puis spéculation, entre-soi choisi et mise à distance d'autres (trop tard) parvenus, pour les empêcher d'accéder au "festin" ("ségrégation" par le prix du foncier)...

jeudi 15 novembre 2012

Fausses subversions pour vrais bourgeois

"J'appelle bourgeois quiconque pense bassement..." Gustave Flaubert

Les opérations porno-punk du genre de celles des « pussy riot » financées par des officines « occidentales » spécialisées dans des tentatives de déstabilisation de certains régimes « par le spectacle ». (voir notre article notamment, http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/de-l-ideologie-dominante-de-la-121969 ne sont pas là pour « choquer le bourgeois ». Nous sommes dans ce contexte en Russie, dans un pays où le christianisme orthodoxe est encore très populaire comme dans de nombreux pays nommés autrefois « démocraties populaires » : Roumanie, Bulgarie, Serbie…
En effet, le bourgeois russe occidentalisé soutient généralement ce genre de manipulations grossières, justement parce qu’il a intégré tous les codes de ce nouvel ordre « vulgaire » : pornographie, chaînes cablées/satellitaires, sport-spectacle, chansons de variétés anglo-saxonnes (Lady Gaga, nouvelles ringardes à la Madonna, etc.), art contemporain (ce nouvel académisme), soumission pleine et entière au « profane » et détestation du « sacré ».
Considérer que les « performances » de ces « Pussy riot » sont là pour « indigner le bourgeois », c’est donc ne rien entendre à la situation de l’Eglise orthodoxe russe et n’avoir, de fait, aucune connaissance de l’origine sociale des chrétiens pratiquants, pour la plupart issus du « petit peuple » russe. Non, elles sont favorisées pour imposer un « nouvel ordre moral ». Or donc, contrairement à ce que certains ânonnent, le bourgeois dominant « mondialisé » fait systématiquement l’apologie de toutes les transgressions ou du si peu qu’il reste à transgresser dans nos « sociétés occidentales ».

En France, ce sont Charlie Hebdo, Canal + (qui se voulait à l’origine un « Hara Kiri » version télévisée…), les « animateurs radios jeunes » et leurs 70 mots de vocabulaire, les jeux télévisés, les rappeurs takfiro-capitalistes (dont un Besancenot et un des des fils Sarkozy sont visiblement « fans ») ou les « écrivains » à la Virginie Despentes par exemple, qui sont en charge de maintenir « l’ordre transgressif » et la bonne humeur, de « verrouiller le système » pour que n’émergent plus de réels subversifs qui donneraient un peu à penser...
D’ailleurs, toute personne invitée sur un de ces plateaux télévisés infâmes -où se côtoient dans le même temps le politique, l’écrivain, le comique, la star du porno- et qu’on soupçonne de faire preuve d’un peu d’intelligence (même de loin) sera systématiquement raillée par l’imbécile de service.
Or donc, un fait avéré est que les dénonciations des prises de positions de l’Eglise catholique romaine sur le mariage homosexuel http://www.charliehebdo.fr/images/couv2012/CH1064-01.jpg ou bien les blagues scato-porno-bobo canalplusiennes ou encore les pièces de Castellucci (« Sur le concept du visage du fils de Dieu» http://www.revuejeu.org/sites/default/files/imagecache/grande/images/4_sur_le_concept_du_visage_du_fils_de_dieu_cr_klaus_lefebvre_4441.jpg ) ne choquent plus personne ou presque (à part peut-être un Philippe Laguérie ou l’abbé Pagès ; laissant de marbre les curés de gauche… ). Ces « farces » sont aujourd’hui totalement consensuelles. Elles reflètent, désormais, simplement leur époque et sa vulgarité si répandue. Elles sont partie de la « doxa ».
La gaudriole, le « blasphème » semblent, d’ailleurs, de plus en plus lasser un certain public, toutes classes confondues… la « subversion » étant partout, celle-ci n’émeut plus une bonne part d’Occidentaux, parce que justement parfaitement conditionnés, accoutumés. De la lutte anti-cléricale de retard des gauchistes de Charlie Hebdo aux pièces scatophiles « blasphématoires » de Castellucci, rien de bien neuf. La même rengaine depuis plus de 100 ans en France, a fortiori depuis 40 ans. Servilité totale, sans retenue de ces « amuseurs » face au Système.
Sans doute, faudrait-il peut-être expliquer à ces personnes, s’ils leur arrivent de réfléchir et d’être en mesure de se remettre en cause (mais nous croyons faire preuve de trop d’optimisme) que les églises aujourd’hui en France sont vides, qu’une bonne part des citoyens français de moins de 40 ans n’ont jamais croisé un prêtre de leur vie et n’ont même pas idée de ce qu’est une religion organisée...
Il est un fait : les « libéraux-libertaires » ont gagné le combat culturel depuis environ 40 années. Si à l’origine, cet élan libertaire a pu apporter un peu de fraîcheur, d’insolence, d’irrévérence dans une société encore très marquée par un certain ordre conservateur, politiquement aussi bien défendu par un De Gaulle que par le Parti Communiste Français (i.e. le bipartisme issu du Conseil National de la Résistance), force est de constater, quatre décennies plus tard, que cette « libération des mœurs » n’était en réalité que le cache-sexe, le cheval de Troie d’un néo-capitalisme basé sur le désir, la séduction : un néo-fascisme, soit la collusion du libéral et du libertaire… Michel Clouscard l’avait compris dès 1968.

Il ne suffit plus de vouloir « bouffer du curé » pour prétendre bousculer l’ordre établi. Le travail est fait depuis des décennies. Les caricaturistes ou « humoristes » à la Charlie ou Canal Plus ne sont, plus aujourd’hui, que des relais d’une idéologie dominante, des valets aux ordres d’un pouvoir global qui demande une soumission, par la « séduction » (la publicité en est un des moyens) à ce néo-totalitarisme dont le « spectacle » (sens restreint) en est une des composantes. Un totalitarisme d’un genre nouveau qui impose la consommation transgressive (i-phone, écrans plats, pornographie, sport-télévisé, jeux vidéo, etc.), l’obligation d’hilarité devant des « comiques » à l’humour convenu, voire la fréquentation des « boîtes à partouzes » ou des « apéros Facebook »…

Ces « individus atomisés » –il n’est plus question de communauté nationale en France- que les médias dominants nous présentent comme « anticonformistes » sont pourtant doués d’un instinct grégaire fort dévéloppé. Apologistes de tout ce qu’ils prennent pour de la transgression. Qu’ils soient amateurs de pornographie gonzo ou qu’ils se passionnent pour la chanson française néo-réaliste des rebelles des beaux quartiers (Saez, Cali…), ils ne sont en réalité que de purs conformistes, des névrosés, soumis à ce « capitalisme de la séduction », autoritaire, totalitaire avec son obligation de jouissance (voir, par exemple, les récurrents articles sur les « clitoridiennes » dans la « presse » féminine-féministe).
Revenons sur un événement s’étant déroulé lors de l’une des représentations de la pièce de Castellucci « Sur le concept du visage de Dieu », très symptomatique de l’expression souvent autoritaire de ce « régime libéral-libertaire »… Nous avons alors vu des chrétiens catholiques romains être évacués par des policiers… « L’ordre libertaire » s’est révèlé « sécuritaire », botté et casqué.
C’est sous les applaudissements d’un public bourgeois (politiquement indifférencié/indifférenciable) que les quelques perturbateurs ont été sortis du théâtre pour que cette nouvelle aristocratie d’argent post-soixanthuitarde puisse continuer à déféquer sans être dérangée par ces « furieux réactionnaires », empêchant le spectacle libéral-libertaire de tourner en rond.
Le corollaire à cette mise en scène globale, c’est évidemment la « mauvaise éducation » qui devient une norme ; c’est le « citoyen » (terme aujourd’hui cuisiné à toutes les sauces) qui se sent obligé de se comporter « comme un con » (disparition des « civilités » élémentaires, langage relâché, cynisme, vulgarité et inculture revendiquées) pour coller à un air du temps et ne pas passer pour un « faible », un « soumis », c’est à dire simplement un être possédant des « qualités morales » (attention fascisme !!!), aux yeux du troupeau bêlant : « il est interdit d’interdire »…
Du fameux slogan affirmant que « le prof est une salope » https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjFqemiJGSI337dBgKlNh4SBf114X2pGkmWqfs9LtFLlzS6XJEepHAU-OMU8xXhJm-E10-EhaaeG9i5YpAV60K2dCxcYjGTs-O8kzuXH2sADXJptKvKHQRTkBu2QpSJ7n3i5NStr5vK1Ns/s1600/graffiti68_05.jpg
des gosses sorbonnards de la bourgeoisie de gauche en 1968 au « casse toi pauv’ con » d’un Président français « de droite » ce sont, en quelques décennies, toutes les valeurs de ce peuple de France qui ont été piétinées par ce rouleau compresseur de la bêtise libérale-gaucharde, du spontanéisme « facebookien », du « c’est mon choix », du « calcul » souvent, mais surtout de l’arrogance et de la suffisance d’une poignée d’inquisiteurs ayant imposé un nouvel ordre (a-)moral, dénué d’un minimum de finesse, mais incroyablement efficace dans sa capacité à coloniser les esprits…

Du mépris des enfants mal-élevés de la bourgeoisie dominante à l’égard des petites gens n’appartenant pas à leur caste, à la violence (considérée comme « légitime » par les trotsko-libéraux) des sous-prolétaires (aspirants-bourgeois) des « cités », c’est l’injonction de manquement au minimum de règles qui régissent le fonctionnement « normal » (attention contestation du relativisme !!!) d’une société qui est valorisée, donnée en exemple à des individus aujourd’hui isolés, obligés de s’adapter à ces codes de conduite sous peine d’être marginalisés socialement, voire professionnellement… « Tu seras un con, mon fils ! »
…Une absence de valeurs (permettant de « faire société ») ou plutôt la promotion de « non-valeurs » cautionnée et favorisée par les « libéraux-libertaires » (et leurs émules), pseudo-révolutionnaires alliés objectifs de la droite économique/patronale, dont l'unique but en 68 (le « mai ouvrier » n’avait rien à voir avec cela) était de « normaliser la baise », de « jouir sans entraves »…
…la bite à gauche, le portefeuille bien à droite... une norme absolue, indépassable (?) désormais…
Au passage rappelons, que ce sont, d’ailleurs, ces ex-anarcho-trotsko-maoistes devenus néo-cons' qui soutiennent aujourd’hui, les chrétiens évangéliques américains dans leurs « guerres contre la Terreur »…tout comme ils furent des acteurs décisifs dans la décision du gouvernement français d’intervenir militairement en Serbie en 1999 …

De nos jours, une simple critique de ces états de fait tels qu’exposés dans cet article vaudra à son auteur une généreuse volée de bois vert… Lecteurs, que l’insulte soit généreuse !
Le Roumain Constantin Toiu, décédé récemment, écrivait dans son excellent roman « l’exclu » que l’Homme est doté d’une colonne vertébrale qui lui permet de rester droit, debout mais aussi…fier…et seul s’il le faut, quand tous les autres se sont soumis à la dictature du « on », à la « pensée dominante » (ou pensée unique), forcément molle et paresseuse… Mais à quel prix l’ « être-là », i.e. chacun de nous (pour reprendre Heidegger) peut-il conserver son authenticité par rapport au groupe, s’extraire de cette tyrannie sans tyran, de ce « on », c’est à dire cette collectivité indistincte ?

  par Jean-Michel Lemonnier

lundi 8 octobre 2012

Serbie, 1999 : de la dislocation de la Yougoslavie au projet de « Grand Moyen-Orient » (deuxième partie)


Dans un premier temps, nous revenons sur les événements de la période 1999-2008, puis nous mettons ensuite en exergue les points communs qui existent à la fois entre la logique des « guerres humanitaires » des années 1990, celle des « guerres contre la terreur » menées depuis 2001 par les différentes administrations américaines et le « printemps arabe ».

Avons-nous besoin de faire ce détour (ou retour c’est au choix) historique sur la légitimité (au regard de l’histoire) des Serbes sur l’espace kosovar ? Nécessairement. L'idée d'un Kosovo, cœur historique, spirituel de la Serbie est loin de se justifier à des seules fins de propagande anti-Albanaise.
Nous dirons, simplement, que l’immense majorité des toponymes du territoire kosovar (98%) sont d’origine serbe. De cette géographie (une toponymie qui a du mal à mentir), aux faits historiques vérifiables par les écrits d’historiens byzantins qui remontent au IXe siècle affirmant l’autochtonie du peuple serbe dans cette région… de la bataille du Champ des Merles en 1389 qui marque le début de la domination ottomane (et son illégitimité de fait) dans les Balkans à la création ex-nihilo d’un État kosovar fantoche en l’an 2008, dont le territoire est recouvert d’églises, de monastères chrétiens orthodoxes, la légitimité du peuple serbe sur ces terres de Kosovo-et-métochie n’est même plus à prouver. « Aucun des peuples chrétiens n’a eu dans son histoire ce que les Serbes ont au Kosovo » déclarait l’évêque de Prizren au début des années 1990. Pec située au Kosovo pouvant être considérée comme « la Jérusalem serbe » est depuis 1346 le siège du Patriarcat de l’Eglise orthodoxe de Serbie.
La déclaration de Barack Obama, au début de son mandat, qui promettait, le soutien des Etats-Unis à un Kosovo « multiethnique, indépendant et démocratique » apparaît à la lumière des faits comme réellement grotesque, toute emprunte de cette arrogance étasunienne...
 
Les Albanais sont majoritaires au Kosovo ; ils l’étaient déjà depuis des décennies, contrairement ce que certains media ont pu déclarer au moment de l’agression anti-Serbes. L'histoire de ce territoire, depuis son occupation par les Turcomans, à partir du XVème siècle, est intimement liée à une volonté des différents régimes d'occupation, avec l'appui des populations albanaises locales, sinon d'éradiquer toute présence Serbe, au moins de la « contenir ». Les « ratonnades » anti-Serbes se perpétuent, par ailleurs, sous le régime Titiste. Tito le leader yougoslave a ,en effet, favorisé les migrations de populations venues de l’Albanie voisine du Kosovo. Par ailleurs, cette mise en minorité progressive des Serbes au Kossovo a été aussi largement favorisée par les crimes de masses des milices SS albano-kosovares de sinistre mémoire, formées par les Nazis en 1944 à Pristina (21e Waffen-Gebirgs-Division der SS Skanderbeg). Ces SS albanais tuèrent 10 000 Serbes, en expulsèrent 100 000 autres et les « remplacèrent » par 75 000 Albanais. Les dynamiques de peuplement du Kosovo ont donc fortement évolué en faveur des Albanais au XXe siècle. Il faut ajouter à ces faits, le taux de natalité élevé chez ces populations albanaises et enfin la fuite des Serbes après 1999, puis suite aux pogroms de 2004 qui ont fait des Serbes une minorité ethnique (menacée de disparition totale) dans une large partie du Kosovo. En mars 2004 sous l’œil impassible de la KFOR et de la MINUK, des nationalistes albanais assassinent plusieurs dizaines de Serbes, font environ 600 blessés. 30 églises et monastères sont brûlées, des villages incendiés ; des événements qui ont forcé, une nouvelle fois, depuis 1999, des milliers de serbes à fuir le Kosovo-et-Metochie.
Au vrai, depuis 1999, les Kosovars albanophones (dialecte guègue), musulmans « modérés » (sunnites) pour la plupart mènent une politique sur la « question ethnique » qui fait figure de réponse analogue à celle de la Serbie des années Milosevic, déclenchée suite aux bombardements de l'OTAN. Une grande part des 200000 Serbes (mais aussi des populations Rroms) qui résidaient au Kosovo ont été contraints à se réfugier en Serbie. Incendies, destructions de monastères chrétiens orthodoxes, intimidations et exécutions sommaires sont à mettre sur le compte des membres des milices albanaises.Les Etatsuniens, de par leur « ingérence » en Serbie/Kosovo, ont donc, dans le même temps, favorisé les persécutions envers les Serbes et d’autres minorités ethniques présentes sur le territoire Kosovar, et les revendications pan-albanaises soutenues par la Turquie « néo-ottomane ».
 
Il reste que le nord de cette ancienne province serbe échappe, cependant, encore aujourd’hui au contrôle du gouvernement kosovar. Les Serbes majoritaires sur cet espace-nord demandent leur rattachement à la Serbie, Belgrade refusant toujours de reconnaître ce nouvel Etat « protectorat américain ».
In fine, depuis, les bombardements de 1999, à Pec, siège du Patriarcat de l’Eglise orthodoxe serbe il n’y a plus de Serbes… En 13 ans, 150 lieux de culte chrétiens orthodoxes ont été profanés, saccagés ou ou totalement détruits selon l’agence de presse russe Ria Novosti. En outre, 350 000 chrétiens orthodoxes étaient présents au Kosovo jusuq’à la fin des années 1990. Seuls 100 000 chrétiens orthodoxes sont toujours présents au Kosovo « la Jérusalem serbe ». A Pristina, capitale du nouvel État Kosovar il reste quelques dizaines de Serbes… Une ville qui en comptait 40000 en 1999…
Il faut, évidemment, insister sur le fait que des Serbes ont été enlevés durant la période 1998-1999 dans le cadre d’un trafic d’organes organisé par les mafieux albano-kosovars. 2000 Serbes du Kosovo sont toujours portés disparus. Des disparitions avec lesquelles nous pouvons, raisonnablement, faire le lien avec l’économie mafieuse de cette ancienne province serbe. Nous pouvons nous poser effectivement la question de la viabilité, mais surtout de la nature, de l’ économie ce nouvel Etat, dont le revenu par habitant est proche de celui d'un pays comme l'Ethiopie, dont les infrastructures ont été détruites lors de la « guerre de libération » de 1999 et dont 45% de la population active est au chômage et...qui fait transiter de l'héroïne selon un axe Afghanistan-Turquie-Albanie-Kososo ; une économie de la drogue alimentant à hauteur de 70% les trafiquants d'Europe de l'Ouest...
L’Etat dont l’existence légale a été reconnue, à ce jour, par uniquement 91 pays membres de l’ONU sur les 193 que compte l’organisation. Le premier pays à avoir reconnu cet Etat est...l'Afghanistan. Au sein de l’Union européenne, 5 Etats refusent toujours d’établir des relations diplomatiques avec ce pays. La Roumanie, par exemple, s’oppose à sa reconnaissance, assurément du fait de la présence d’une minorité hongroise transylvaine (Sicules, Magyars), et de ses vélléités autonomistes-séparatistes, galvanisée d’ailleurs depuis des mois par les appels incantatoires ethno-nationalistes pantouraniens de Victor Orban (prêt à délivrer des passeports hongrois comme des prospectus aux minorités magyares de Roumanie et Slovaquie) (1)
Du fait de l’absence d’une majorité suffisante reconnaissant cet État comme légitime, le Kosovo n’est reconnu ni par l’ONU ni par l’Union européenne.
De la dislocation de Yougoslavie à la reconfiguration territoriale d’un « Grand Moyen Orient » sur des des bases ethno-religieuses : la même logique au final...
La République fédérale de Yougoslavie n’a à aucun moment menacé un Etat membre de l’OTAN. Pourquoi alors l’OTAN décide-t-elle d’intervenir contre la République Fédérale de Yougoslavie de Slobodan Milosevic ?
L’objectif géopolitique des Etats-Unis dans ce conflit est de profiter de l’affaiblissement évidente de la Russie de Boris Eltsine, dans ces années 90, en l’empêchant de conserver (ou renouer) avec sa zone d’influence traditionnelle. La question de la domination du « Heartland », i.e. le centre du monde (l’Eurasie), et du « Rimland » sont centrales dans les motivations américaines à intervenir militairement dans de nombreuses régions du monde (Spykman, Mackinder). La politique étrangère étatsunienne se réfère, effectivement, à cette phrase de Mackinder « Celui qui domine l’Europe de l’Est commande le Heartland. Celui qui domine le Heartland commande l’Ile-Monde. Celui qui domine l’Ile-Monde commande le Monde ». Nous savons désormais, tout à fait clairement, que la stratégie d’encerclement de la Russie, dont l’OTAN est un des moyens, mais pas le seul (nombre d’officines spécialisées sont des moyens de déstabilisation de régimes est-européens, sans avoir recours à la force armée) passe entre autres par la destruction de la Fédération yougoslave, dans ces années 1990.
La conquête et la soumission du Kossovo fut donc un moyen pour les Etats-Unis de s’étendre vers l’Est. L’indépendance (disons la mise sous tutelle par les Américains) du Kosovo avait essentiellement pour but de s’installer dans les Balkans et donc d’étendre une zone influence sur un espace laissé vacant par des Russes.
Le soutien aux séparatistes kosovars et la construction camp américain de Bondsteel (7000 hommes) au Kossovo, qui s’étend sur plus de 55O hectares, a permis le déplacement de troupes américaines sur l’espace balkanique pour se rapprocher du Moyen-Orient. Bondsteel est une des deux plus grandes bases militaires américaines situées en dehors du territoire des Etats-Unis d’Amérique. En Bosnie-Herzégovine une autre base similaire (Tuzla) a été créée en 1995. Nous retrouvons, par ailleurs, dans les anciennes « démocraties populaires » cette même implantation de bases militaires. Leur installation démontre bien, s’il était encore nécessaire, la désastreuse soumission des gouvernements des Etats post-communistes d’Europe de l’Est à la politique étrangère étatsunienne. Cette vassalisation de pays comme la Roumanie ou la Bulgarie a été d’autant plus facile que, pour une bonne part des opinions publiques est-européennes, les Etats-Unis sont apparus dans les années 1980 comme les « grands libérateurs » des peuples soumis aux régimes autoritaires des Ceausescu et autres Jivkov.
Le camp Bondsteel (premier employeur du Kosovo !) a servi, sert et servira, de base arrière (ou avancée c'est au choix) pour les opérations de « guerres de terreur » de l’Armée étatsunienne et de ses alliés en Afghanistan, Irak, Syrie, Iran… ou dans le Caucase ou « Balkans caucasiens », le « ventre mou » de la Russie selon l’expression du trop célèbre Zbigniew Brzeziński (3), politologue américain, qui dans son livre « Le Grand Échiquier » (1997) prône le soutien de l’administration américaine aux moudjahidines, par pure pragmatisme, contre quiconque menacerait l’hégémonie américaine. Si l’Islam radical est depuis 2001, un ennemi, un adversaire militaire, il reste un allié politique pour l’Administration américaine, un moyen de déstabiliser des États réfractaires à l’hégémonie anglo-américaine.
Au passage, signalons la « naïveté » (ou le cynisme, toujours la même interrogation) de certains universitaires et leurs amis politiques (Cohn-Bendit par exemple) ayant vu dans l’intervention euro-américaine de 1999, une défense d’un islam autochtone qui aurait été victime de la « barbarie nationaliste » chrétienne orthodoxe serbe. Les mêmes qui, aujourd’hui, applaudissent à la destruction des États arabes laïcs…

En outre, il existe d’autres raisons, quant à cette intervention militaire contre la Serbie en 1999 et à la création de l’Etat kosovar.
L’une d’elles tient à la question énergétique. Si le pétrole est absent du sous-sol du Kosovo, le projet AMBO (Albanian Macedonian Bulgarian Oil) de pipeline associant Albanais, Bulgares, Macédoniens et Etasuniens, transportant du pétrole de la mer Caspienne à l’Adriatique, devait conduire à écarter les Serbes (donc les Russes) de cette partie de l’espace balkanique. Ajoutons que si le Kosovo n’a pas de pétrole, ses ressources minérales (lignite, or, argent, etc.) sont conséquentes…
Or donc, nous voyons désormais, assez facilement, le lien existant entre cette « ingérence balkanique » des années 90 et la liquidation systématique des gouvernements des États du « Grand Moyen-Orient », couvrant ce vaste espace de la Tunisie à l’Asie centrale. Nous évoquions -de manière très elliptique- en conclusion d’un précédent article cette stratégie américaine du « Nation Building », celle-là même qui sous-tend les bouleversements géopolitiques liés à ce « printemps arabe » devant mener à l’émergence d’un nouveau « Grand Moyen-Orient », c'est-à-dire, en réalité, à une reconfiguration de cet espace amenant à la création d’entités territoriales sur des bases ethno-religieuses… pour le plus grand plaisir de l’ami israélien. Nous laissons au lecteur le soin de prendre le temps de bien analyser la carte, s’il ne la connaît pas encore, au regard des événements actuels se déroulant de la Tunisie à l’Asie centrale, en passant par les « fameux » « Balkans caucasiens » de Brzeziński. http://lejournaldusiecle.files.wordpress.com/2012/08/project-for-the-new-middle-east.jpg?w=600&h=430 (Carte sous Copyright 2006 du Lieutenant-colonel Ralph Peters).
De la destruction de la Yougoslavie sous prétextes humanitaires à ces guerres d’agressions (Guerres contre la Terreur) de l’Irak à la Libye, ayant abouti à la disparition de ces Etat laïcs, socialistes et nationalistes qui avaient réussi à contenir les fondamentalismes religieux, l’impérialisme anglo-américain a favorisé la montée en puissance d’islamistes dans les Etats pré-cités. Hier, la partition de la Yougoslavie, celle aujourd'hui en cours de la Libye et de l'Irak et de d'autres États encore permettront la prise de contrôle définitive de l'Heartland et du Rimland...donc du monde.
Nous retrouvons cette même logique du « diviser pour mieux régner ». Qu’un terrorisme de basse intensité, des conflits larvés, des assassinats, des destructions de lieux de cultes persistent sur ces territoires violés (volés) après le passage de la monstrueuse machine de guerre anglo-américaine n’empêchent pas de « faire des affaires » ou de s’approprier les ressources du sous-sol, par exemple. Au contraire ces phénomènes participent à empêcher la réalisation du cauchemar américain : l’avènement d’un monde multipolaire…
 
Mais des puissances comme la Russie ou la Chine se contenteront-elles de regarder encore longtemps la mise en place progressive de ce nouvel ordre global unipolaire ? La réponse est évidemment : non... Très fermes sur le « dossier syrien » et menaçantes envers les États-Unis et leurs alliés en cas d'intervention militaire contre le régime Assad, le rêve d'hégémonie globale étasunien est loin d'être concrétisé...

(1) Orban appelant ces « Hongrois de l’extérieur » (les Magyars, peuple « semi-asiatique », descendants des Huns (sic)), à rejoindre la mère patrie en revisitant au passage l’Histoire récente par la remise en cause de la légitimité du Traité de Trianon (1920), ayant permis à la Roumanie de récupérer cette Transylvanie qui lui revenait pour des raisons historiques évidentes...
(2) « OTPOR » soutenue par la CIA présente en Serbie, également derrière l’opération « Pussy Riot » est un de ces nombreux vecteurs de déstabilisation. Voir un de nos articles précédents : "De l'idéologie dominaante..."
(3) Brzeziński inventeur du concept de « tittytainment ».

par Jean-Michel Lemonnier
http://jean-michellemonnier.blog.fr/2012/06/11/serbie-1999-de-la-dislocation-de-la-yougoslavie-au-projet-de-grand-moyen-orient-deuxieme-partie-16306000/

dimanche 27 mai 2012

Une société roumaine entre deux feux...

 Quelle chance a celui ou celle qui peut assister à une cérémonie chrétienne orthodoxe, de rite byzantin dans une église en Roumanie (dans notre cas) -qui peut durer jusqu'à sept heures à certains moments de l'année liturgique- ou bien encore observer ces hommes et ces femmes, souvent jeunes et parfois très pauvres, prendre le temps d'embrasser, avec recueillement, chacune des icônes présentes dans une église qui en compte parfois plusieurs dizaines, et les voir se signer devant chaque lieu de culte (orthodoxe ou non)  qu'ils rencontrent , pour se rendre à l'évidence que la jeunesse véritablement subversive est là-bas, à l' "Est" (1)... Même s'il ne s'agit pas de toute la jeunesse roumaine, dont une bonne part est parfaitement hypnotisée par le mode de vie de ce que nombre d'habitants des ex-démocraties populaires nomment "Occident".

Et, il faut encore se laisser surprendre par le regard presque extatique et apaisé de ces personnes, une fois leurs actes de dévotion accomplis pour comprendre à quel point celui des jeunes (et moins jeunes) occidentaux est éteint... Gavés et blasés de "tout", parfaits aliénés de notre société anomique, prisonniers d'une existence de laquelle tout sens supérieur a été évacué et d'une réalité toujours réduite au seul monde sensible, cette jeunesse ou plus généralement cette société occidentale "compense" alors souvent par des comportements d'extraversion, "hystériques", nihilistes (le nihilisme réactif au sens nietzschéen) faux élan vital cachant une peur atroce de la mort..

Par incidence, nous sommes en mesure d'évaluer l'apport constitué par ce modèle occidental, sur une autre partie de cette jeunesse roumaine, plutôt "urbaine" en rupture croissante avec la première citée, victimes plus ou moins consentantes d'un  libéralisme-libertaire, i.e. une idéologie aussi parfaitement séduisante que réactionnaire annihilant toute possibilité de d'émancipation véritable. Une population plutôt jeune, donc, séduite par une absence de contraintes (ou bien plutôt par cette idée) qui leur permet, certes, de contribuer à tisser les liens de ce monde d'interdépendances entre les nations et les territoires, mais qui les prépare, à n'en pas douter, à un avenir de souffrances fait de reniements, déracinements, et d'oubli de leurs identités, individuelle et collective.

Il ne s'agit pas de faire l'apologie aveugle du christianisme orthodoxe (que nous pouvons considérer comme une forme de résistance populaire) ou d'un mode de vie que nous aimerions à considérer comme "traditionnel" et "salutaire" ou "salvateur". Mais, face à ces individus occidentaux qui par esprit de système, rejettent toute idée de transcendance ou refusent toute considération sur la question du "saint" ou du  "sacré", séduits par un individualisme trompeur et cette illusion d'être libres largement entretenue par les mass médias, mais aussi tellement persuadés de détenir la clé de l’univers, la "clavis absconditorum" interdisant toute conversation avec eux, au moins pouvons-nous poser la question de savoir si la société roumaine, dans son ensemble, sinon fascinée, au moins attirée par le mode de vie occidental dominant, pensant se libérer du poids des traditions et de la "coutume" ne renonce pas à une bonne part d'elle-même...


Une telle question est, bien sûr, nulle et non avenue pour les chantres du "tout économique" (autrefois socialistes devenus (néo)libéraux sans états d'âme) et de la rationalité pour qui le but premier de l'existence est ce qu'ils nomment "progrès" ou "développement"... Abhorrant toute forme de "spiritualité", sinon à l'occasion certaines formes d'un bouddhisme complétement dénaturé, ces matérialistes quels qu'ils soient, ne savent rien et ne veulent d'ailleurs rien savoir de ces sujets d'ordre métaphysique, disons "transcendants" qui intéressent encore certains membres de ces sociétés "hésitantes"... entre Tradition et modernité... 


A (très) grands traits, dégageons deux tendances lourdes... Nous pourrions affirmer la présence d'un christianisme orthodoxe populaire "rédempteur" en Europe orientale face à un christianisme essentiellement moral des "puissants" plutôt bourgeois, protestant ou catholique romain en Europe occidentale.

Photographie : J-M Lemonnier, Sibiu-Transylvanie, Catedrala Sfanta Treime din Sibiu, 2009


lundi 18 mai 2009

Féminisme et études de genre, ou quand les "grandes bourgeoises" s'expriment au nom de toutes les femmes


Critiquer le féminisme ou les études de genre (gender studies) ce n'est évidemment pas critiquer les femmes.
Critiquer le féminisme (ou ses excès en tout cas) ce n'est pas remettre en cause l'égalité homme-femme et les
droits fondamentaux qui en découlent ou bien encore la place de chacun dans nos sociétés. On peut déjà
anticiper des objections du style : "mais comment savoir quelle est la place de chacun dans nos sociétés?",
"tout est relatif ", etc. Disons que l'objectif de ce court article est de montrer les contradictions voire les
aberrations qui ressortent de certains discours.
Or donc, le fait de mettre -comme certains démagogues- sur le même plan lutte contre le racisme et
féminisme, par exemple relève de l'imposture totale. Une question s'impose alors : les féministes ont-elles
jamais participé à libérer qui que ce soit, à part elles-mêmes (déjà libérées par ailleurs?), et à protéger leurs
intérêts de classe?

1) Considérations sur les fondements du féminisme

Le féminisme moderne qu'il soit libéral, radical, socialiste ou "psychanalyste et politique" (retracer
l'intégralité de l'histoire du féminisme ici ne serait pas d'un intérêt majeur pour notre exposé) est un courant de pensée, une idéologie, un combat, qui prend racine dans les milieux de la grande bourgeoisie, américaine et d'Europe de l'Ouest, dans les années 60/70 du XXème siècle. Sachons au moins que le MLF, représentatif de ce combat, organe (sans jeux de mots graveleux) réunissant différentes tendances en son sein fut largementfinancé par les grosses fortunes transnationales (capitalistes donc) à la Rockefeller. Voir l'interview du réalisateur/producteur américain Aaron Russo, ami de Nick Rockefeller, à ce sujet :
"Les deux raisons originelles pour lesquelles l'élite finançait la libération des femmes, l'une parce qu'avant la
libération des femmes les banquiers ne pouvaient pas imposer la moitié de la population, et la deuxième
parce cela leur a permis de recevoir des enfants plus jeunes à l'école, permettant leur endoctrinement dans
l'acceptation de l'État comme première famille, démolissant le modèle traditionnel de la famille."
Interview par Alex Jones, 2007
Ses propos pourraient paraître relever de l'affabulation, si Gloria Steinem, une des pionnières des mouvements féministes n'avait elle aussi fait des déclarations allant dans le même sens...
Malgré les différentes courants traversant la "nébuleuse féministe" on peut, néanmoins, retenir quelques
éléments récurrents qui leur sont communs à tous :

Un des postulats des féministes modernes est que les dynamiques de l'oppression des femmes si elles ne sont
pas indépendantes des considérations de classes dépassent, en tout cas, ces opposition de classes.
Ces féministes considèrent qu'en outre, que le patriarcat est a-historique et n'a jamais évolué. L'oppression de la femme au sein du modèle sociétal/familial patriarcal serait constant. Ce qui est faux. L'observation des
évolutions de la famille ouvrière tout au long du XXème siècle atteste de changements fondamentaux au sein
de celle-ci.
Ce corpus d'idées et les combats que constituent le féminisme (radical en tout cas) ont abouti à ce que l'on a
pu nommé de la "collaboration de classe" ; bourgeoises et ouvrières voyant dans l'homme ouvrier besogneux
ou dans le patron multi-millionnaire un seul et même ennemi.
Il découle de cela une suite de contre-vérités assénées à des générations de femmes comme "l'homme est
violent, c'est un prédateur", "si le monde était dirigée par des femmes tout irait pour le mieux dans le meilleur
des mondes" (pour s'en "convaincre", rappelons le bilan socio-économique des années Tatcher, celui de
Madeleine Albright en matière de politique étrangère étatsunienne...les pauvres civils serbes s'en souviennent
encore (et aussi (1)) ou celui de Condoleezza Rice dans le même domaine, etc.)

Il n'existe pas, en réalité, de solidarité de sexe qui ne relèverait pas de la manipulation des femmes issues des
classes populaires par une élite bourgeoise. Les comportements des un(e)s et des autres ne peuvent (en
théorie) qu'être avant tout conditionnés par l'appartenance à une catégorie/classe sociale, même aujourd'hui ou l'affaiblissement de la conscience de classe est avéré.
Or donc, s'il existe des intérêts de classe encore conscients dans les milieux bourgeois, il n'en est pas de même dans les milieux moins favorisés. Nous assistons, en effet, depuis 30 ans environ à une moyennisation de la société française et une aspiration des classes moyennes (majoritaires en France) émergentes depuis le début des années 70 à rejoindre le monde de la petite bourgeoisie et son confort matériel et intellectuel, nous l'avons dit dans un précédent article.
La seule catégorie ou plutôt classe sociale, encore solidaire (i.e. "consciente"), n'est-elle pas la bourgeoisie (de gauche ou de droite, celle montante depuis 40 ans ou celle qui était déjà en place avant 68, donc) liée par uneespèce de consensus mou sur la plupart des questions sociales, économiques et sociétales (i.e les valeurs)?
"La femme" n'est donc, évidemment, pas une catégorie sociale car il n'existe pas de de "complicité" de fait, de connivence politique et d'intérêts communs entre, par exemple, une femme aide-ménagère, une cadre du
tertiaire (professeur, journaliste, médecin etc.) et une rentière.
La fiche de paie qui "tombe" chaque mois pour chacune d'entre elles atteste indéniablement de cet état de fait.

En outre, s'il existait une condition féminine partagée par toutes, existerait-il une condition masculine? Posons
nous cette question simple alors : quel intérêts communs partagent l'homme ouvrier, celui exerçant une
profession libérale et le patron d'une firme transnationale? Aucun assurément, alors comment accréditer la
thèse d'une connivence, d'une "communauté de femmes" partageant des intérêts communs?
Concernant la question de la parité/mixité, posons simplement cette question, sans trop nous étendre sur le
sujet : quels intérêts y-a-t-il à substituer un homme par une femme, elle aussi, issue d'un "milieu bourgeois
affairiste" à la tête d'une entreprise transnationale, par exemple ? Ne défendent-ils pas les mêmes intérêts ?
Être gouverné par Margaret Thatcher est-ce réellement bien mieux que de l'être par Ronald Reagan quand on
appartient à un milieu "économiquement faible"...?
Par suite, la "condition féminine" tout comme la "condition masculine" en tant que catégories liées par un
même sentiment d'appartenance, un même "destin" n'a pas d'"existence propre", ne correspond à aucune
réalité conceptuelle solide résistant à une analyse approfondie de ses fondements et encore moins à une réalité factuelle.
Par ailleurs, ce discours qui consistent à dire "les femmes gagnent moins que les hommes", relève là encore de la démagogie de classe. Il est faux dans le sens ou pour les métiers liés à "la rente" (peut-on parler de métier?), les patron(ne)s, les artistes (écrivain(e)s, chanteurs, chanteuses) ou dans les métiers de la fonction publique ces inégalités de genre n'existent absolument pas. Rien n'indique, par ailleurs, qu'un "agent de service" masculin gagnerait plus que son homologue féminin.
Le problème fondamental de nos sociétés se situe donc bien au niveau de la parité riche/pauvre et non pas de la parité homme/femme.
Penchons nous aussi sur le néo-féminisme des Virginie Despentes ou Joy Sorman, "idéologie" de pissotière,
sortie des cerveaux des rejetons anémiés de la bourgeoisie parisienne post-soixanthuitarde, prônant la
virilisation des femmes et la féminisation des hommes, ou encore "la sortie de la partition naturaliste où les
femmes ne seraient plus que des cerveaux et les hommes pourraient louer des utérus" [sic]...pseudo-idéologie, donc, qui cumule toutes les transgressions aujourd'hui normatives...
Disons toutefois et pour conclure cette partie qu'une lecture purement sociale du phénomène féministe en
France est, sans doute, aujourd'hui limitative du fait notamment de l'ethnicisation des rapports sociaux. Sans
doute, pourrait-on utiliser aussi une "lecture ethnique" (ou concilier "lecture ethnique et sociale") pour
montrer les divergences entre les intérêts et aspirations des femmes héritières de cultures différentes qui composent, aujourd'hui, la société française.

2) Les études de genres

Le combat féministe relayé par les études de genres (gender studies) qui consiste à vouloir corriger les
inégalités sociales liées à l'appartenance à un genre (féminin en l'occurrence) relèverait, par suite, elles-aussi
du non-sens le plus total. La lecture de la plupart de ces études laisse apparaître au mieux la vacuité des thèses défendues par leurs auteur(e)s. La grande prêtresse de ce mouvement académiques est bien sûr la sophiste Judith Butler (cf. "Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion", 1990)
On trouve, par exemple, une géographie féministe, apparue dans les années 1970/80, un des courants issu de la "nouvelle géographie" qui rejette largement les fondements de la géographie classique (celle des
nomenclatures, des tonnes de charbon produites et des kilos de blés exportés). Cette géographie féministe est  représentée par des gens comme Gilian Rose.
 On se demande si l’'homo oeconomicus* est un homme ou une femme. Ici, on raisonne sur l'appartenance à un genre qui doit déterminer les conditions de vie de l'individu. La société est perçue par les auteurs de ce courant comme patriarcale, "phallocentrique", injuste envers les femmes donc et on va dénoncer cette supposée discrimination de genre. L’'espace est supposé être impliqué dans la définition du genre et supposé participer à la reproduction des rapports de domination.
Cette école de géographie, relativement marginale a donné lieu à certains écrits assez savoureux.
Ainsi, dans les études de genre pratiquée par la géographie le ridicule ne tue pas, à moins qu'il ne s'agisse de
propos à prendre au second degré, d'une géographie du second degré donc, une géographie de l'absurde? : "Il est donc [...] moins question de sexualité que d’anatomie du sexe, celle qui veut que les hommes fassent pipi debout et les femmes assises. Quoique ! Ne revient-il pas aux architectes, notamment femmes et féministes,d’imaginer des lieux d’aisance alternatifs, et aux organisateurs et organisatrices de manifestations
accueillant beaucoup de femmes de tenter l’'expérience du changement ?"
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/36/44/86/PDF/espace_sexualite.pdf
Cet autre extrait est aussi représentatif de ce courant : [...] "(Comment l’espace est-il genré ? Quel est
l’impact du sexe de l’architecte sur la production d’un tel espace ? …) ainsi que le postulat féministe de
l’importance des relations de pouvoir dans cette relation entre genre et espace. [...] s’inspire de Lefebvre
pour avancer l’idée que l’idéologie qui divise la ville entre espace public et espace privé, production et
reproduction, hommes et femmes est à la fois patriarcale et capitaliste. Parce qu’ils diffèrent, les espaces
alloués aux hommes et aux femmes jouent un rôle dans la production et le maintien des relations
hiérarchiques de genre..."
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/36/44/86/PDF/espace_sexualite.pdf
Qui a dit que les chercheurs en sciences sociales ne trouvaient jamais rien et se réfugiaient dans les idées
pures sans avoir jamais quoi que ce soit de concret à proposer ?

Enfin, en guise de conclusion temporaire, demandons-nous en quoi notre société française est-elle réellement
patriarcale aujourd'hui? Depuis 40 ans, les structures "traditionnelles" permettant, soit-disant, la pérennisation
du patriarcat ont largement reculé dans ce que nous nommons communément "Occident" : la famille, le
couple hétérosexuel, le mariage (religieux surtout), l'Eglise en tant qu'institution influençant sur les décisions
individuelles etc. alors qu'a contrario les pratiques, autrefois considérées comme marginales, sont aujourd'hui
acceptées par tous : union libre, émancipation des "minorités sexuelles", familles recomposées ou
monoparentales où la femme est chef de famille (et pas forcément précaires, loin s'en faut), "libre disposition"
de son corps etc. Ainsi, déclarer de nos jours, par exemple, à ses camarades d'école que ses parents n'ont
jamais divorcé est presque suspect...
Les mouvements féministes n'auraient-ils pas simplement enchaîné les femmes issus des milieux les plus
défavorisés à leur patron sous prétexte de les libérer d'une supposée dépendance envers leur mari ? La réponse peut paraître évidente...

Aussi, les auteur(e)s pratiquant, de nos jours, les études de genre auraient-ils (elles), eux(elles)-aussi leur lutte de retard, tout comme la gauche "bobo-libertaire" en France (i.e. extrême-gauche ou gauche de gouvernement largement solidaires des premiers cités, d'ailleurs) avec ses luttes anti-fascistes (qui consistent, en fait, àconsidérer comme fasciste tout ce qui s'oppose à ses valeurs) et anticléricale ou encore l'extrême-droite (un certain courant au moins) avec son combat anti-communiste d'arrière-garde et sa "menace rouge"?

(1)Le 27 septembre 1996, les Talibans prennent Kaboul, elle déclare alors que « c'est un pas positif » [SIC]
fort de son soutient politique, les fondamentalistes s'emparent dès lors du pouvoir à Kaboul. Nous connaissons la suite...
*« Le mythe de l'homo œconomicus et [de] la rational action theory [sont des] formes paradigmatiques de
l'illusion scolastique qui portent le savant à mettre sa pensée pensante dans la tête des agents agissants et à
placer au principe de leurs pratiques, c'est-à-dire dans leur « conscience », ses propres représentations
spontanées ou élaborées ou, au pire, les modèles qu'il a dû construire pour rendre raison de leurs pratiques
». Pierre Bourdieu, 2000, Les structures sociales de l'économie, Seuil, Paris.
Copyright © J-M Lemonnier mai 2009 publié sur blog.fr (plateforme fermée depuis décembre 2015=
par JeanMichelLemonnier @ 18.05.09 - 01:00:18
http://Jean-MichelLemonnier.blog.fr/2009/05/17/feminisme-et-etudes-de-genre-ou-quand-les-grandes-bourgeoises-parl