Publié par Jean-Michel Lemonnier jeudi 17 octobre 2013 - sur AGORAVOX On ne dira jamais assez à quel point la responsabilité (certes
indirecte) des mandarins de l'université française et plus généralement
des intellectuels des "gauches" social-démocrate et crypto-trotskiste
(sévissant essentiellement dans le domaine des sciences sociales), est
grande dans la montée des idées "réactionnaires" ou entendues comme
telles par ces mêmes caciques, "têtes pensantes" de la nation. En
s'appuyant largement sur l'œuvre de Gilles Deleuze et surtout celle de
Michel Foucault et sa critique de l'Etat (et en la prolongeant) ceux-ci
n'ont fait qu'accompagner ou valider les thèses des ultra-libéraux
depuis les années 70. Ces "intellectuels" en faisant des travaux de
Foucault (déconstruction...) la pierre d'angle de leur système de
pensée, ont défendu, de fait, la thèse de l'Etat minimal (la tentation
minarchiste, Foucault, Hayek même combat !). Or, si cette analyse pouvait (vraiment à l'extrême limite) être
considérée sérieusement, il y a 45 ans, on sait aujourd'hui que le
pouvoir réel n'est plus vraiment dans les mains de l'Etat, et pas
exclusivement non plus dans celles des firmes transnationales mais bien
dans les mains d'un vaste réseaux d'acteurs privés (économie offshore
par exemple) et d'instances supra-nationales (il y a plus de lobbies que
de députés à Bruxelles !). Disons, pour faire court, que ce pouvoir
économique s'observe à travers des dynamiques conjointes, dans un
compromis sans cesse renouvelé entre des États certes affaiblis et des
acteurs financiers et des superinstitutions internationales.
En laissant le soin aux caricaturaux représentants des "droites" dites nationales (de De Villiers à Le Pen) de discréditer tout discours sur la souveraineté nationale depuis 30 ans (ce fut le rôle de la bande à Mitterrand de faire taire le discours souverainiste à gauche en inhumant le patriotique P.C.F.), ces
"sensibles de gauches" ont volontairement permis la relégation des
discours défendant l’État fort et souverain au rang d'outrances
fascisantes. Tout cela, évidemment, pour "vendre" un projet
européen (en réalité euro-étasunien) qui servirait les lobbies, les
puissances d'argent et sûrement pas la qualité de vie des peuples du
vieux continent...(comment l'Union européenne détruit les services publics français) De même, en abandonnant l'idée de prolétariat (il
faut inclure, aujourd'hui une grande partie des classes moyennes
productives -l'ingénieur par exemple- dans celle-ci) et en ayant renoncé
à défendre les classes populaires en s'appuyant sur des catégories d'analyses sociologiques nulles et non avenues (les "jeunes" par exemple) et développant à l'infini des sujets d'études (mobilité-flexibilité, genre, domination patriarcale...) empruntés à la gauche libérale étasunienne, en somme, en abandonnant les raisonnements en termes de classes sociales
et en "construisant" des "communautés", des "tribus postmodernes" -le
tout s'accompagnant d'une inflation verbale et de langages hermétiques-
et en se désintéressant des préoccupations des plus démunis
(socialement, culturellement), ils se sont mis à dos le peuple
souffrant.
On sait quel a été le rôle fondamental des "gauchistes de mai"
dans la liquidation du marxisme (à droite, l'avènement de la droite
économique/des affaires initiée par Pompidou, achevée par Sarkozy devait
enterrer le gaullisme). Ce travail effectué, ces faux-ennemis
que sont les gauchistes libertaires et les libéraux économiques ont
tracé une autoroute au néo-capitalisme et... à des travaux à prétention
scientifique qui ne pouvaient que s'inscrire dans les limites de ce
postulat : le caractère indépassable du capitalisme auquel on pourrait
bien faire quelques reproches, dénoncer les abus, sa violence (appels
incantatoires à plus de justice sociale) sans bien évidemment le
remettre en cause. De surcroît, en traitant systématiquement sur le mode du sarcasme, du mépris tout
ce qui a rapport avec les "traditions", les "coutumes", l'idée de
transmission, et d'éducation (2), la famille (qui serait une valeur de
DROITE !), et plus encore la religion (en somme tout ce qui est contenu dans le catéchisme de la veulerie gauchiste) auxquelles encore une bonne part des classes populaires semble
(cf. infra) attachée, ces "analystes" et leurs analyses qui ont guidé
les différentes politiques sociales et sociétales depuis 40 ans se sont,
définitivement, mis à dos toute une frange de la population française.
Aujourd'hui, crises sociale, économique, sociétale et identitaire
gravissimes aidants, cette sphère des élites politico-intellectuelles de
"gauche" apparaît en tout cas totalement discréditée aux yeux
du Français moyen (il est bien sûr presque totalement exclu que ces
êtres intellectuellement supérieurs fassent un travail d'introspection,
un examen de conscience). Qui peut savoir quelles seront les conséquences définitives de
l'incurie d'une partie de cette génération issue de 68 (et de ses non
moins fidèles héritiers politiques (ou ici) et intellectuels (ou ici)) ; lemai 68 sociétal sorbonnard, autrement dit ce qui n'aura été qu'une régression infantile et "anale" d'histrions fangeux ?
Au fil des ans, face à l'imposture 68arde, aux trahisons successives des "gauches" et d'une droite de gouvernement piétinant les acquis du gaullisme et l''impuissance de l'ensemble de la classe politique à résoudre les problèmes de fond du pays, se développent alors des pseudo-oppositions totalement étrangères aux préoccupations de la majorité de la population qui
s'illustreront à merveille à travers un fameux débat avec d'un côté,
des libéraux-lepenistes fustigeant les "marxistes", les
"socialo-communistes" la "menace rouge" (entendu que la gauche a enterré
le marxisme il y a plusieurs décennies de cela) de l'autre des
gauchistes-libéraux répondant aux premiers sur l'air de la "menace
fasciste" à laquelle un Lionel Jospin (le
socialo-trotskard par excellence) voire un Julien Dray avouent,
finalement, ne jamais avoir cru. Mais il fallait bien une figure du
diable, un repoussoir absolu pour permettre la pérennité de
"l'alternance unique"...
Face à la nullité du débat politique, les classes moyennes (la
fameuse "classe unique", constituée par l'arrachement des individus aux
valeurs traditionnelles, qui a voulu participer au pouvoir) veautants
quinquennaux, abruties
à coups de ligue des champions, de tambours et de grosses caisses
d'orchestres de variétés, de séries et de jeux débilisants d'importation
US, de consommation transgressive, de beauferies TF1-Canaplusiennes, de
"soirées entre potes" devant "pop-academy" (pour rigoler bien sûr !...)
ont été mis devant des faux-choix politiques (Sarkozy/Royal-Hollande ou
encore fascisme/antisfascisme) ou sociétaux (hystérie féministe contre machisme de gros beaufs)
permettant le maintien du système en l'état. Il est donc, sans doute,
permis de relativiser l'attachement des classes populaires aux valeurs
précitées... L'homo festivus, "fils naturel de Guy Debord et du web" (Ph. Murray) est-il devenu le type anthropologique dominant en France ? Si tel est le cas, la partie est finie...(3)
Clouscard avait-il donc raison en affirmant l'enfantement de Le Pen par Cohn-Bendit ou disons leur engendrement réciproque (4)? Le lépenisme alimente le gauchisme et réciproquement, certainement. Mais pour déboucher sur quoi à terme ?
"Le néo-fascisme sera l’ultime expression du libéralisme social
libertaire, de l’ensemble qui commence en Mai 68. Sa spécificité tient
dans cette formule : 'Tout est permis, mais rien n’est possible.' [ Puis ],
à la permissivité de l’abondance, de la croissance, des nouveaux
modèles de consommation, succède l’interdit de la crise, de la pénurie,
de la paupérisation absolue. Ces deux composantes historiques fusionnent
dans les têtes, dans les esprits, créant ainsi les conditions
subjectives du néo-fascisme. De Cohn-Bendit à Le Pen, la boucle est
bouclée : voici venu le temps des frustrés revanchards.", Michel Clouscard, 2002
Qui proposera un projet politique ni "permissif", ni
"répressif", qui pemettra de renvoyer dos à dos
gauchistes-droitards-libéraux/libertaires et leurs nécessaires complices
lepenistes ? Qui ou quoi s'élèvera contre l'hyper-vulgarité et
l'indigence de cette classe politique et de son double extrêmisme
épouvantail, essentiel à sa survie, pour envoyer l'ensemble
(intelligentsia incluse) dans les poubelles de l'histoire, refermera le
couvercle et mettra un terme à cette pathétique période de l'histoire de
France ?...
(1) Ce n'est pas nécessairement une insulte...mais ça peut l'être...
(2) L'enfant n'est plus un être à civiliser, mais
un narcisse, un monstre d'égoïsme face auquel aucune barrière ne doit
être érigée pour permettre son avènement, le développement de sa
toute-puissance. L'affirmation d'une différence entre adultes et
enfants, de même celle d'une différence homme/femme étant aux yeux de
ces marcusiens, une horrible discrimination qui devra être corrigée par
des mesures particulières, par une rééducation (on en revient toujours à
ces fameuses déconstructions) pour faire taire à jamais ces abominables
archaïsmes. Ce travail de déconstruction est évidemment, encore une
fois, assigné à ces universitaires "freudo-marxistes" (mais bien sûr ni
freudiens, ni marxistes) ou "marxistes culturels" (autrement dit non
marxistes) qui affirment le primat presque absolu du culturel sur le
biologique. Et, on comprend en lisant ici et là certaines
publications, le niveau de démence atteint par certains de ces chercheurs accrédités...
(3)
Il est peut-être déjà trop tard... "L'immense majorité de la population
française" est-elle déjà "enfermée et abrutie" dans le "ghetto du
nouvel apartheid spectaculaire (a)" ? (Debord (G),
1985, Œuvres complètes in Michéa (J-C), 2011, p. 344 Le complexe
d'Orphée, Climats). On ne peut proposer une réponse définitive.
(a) Notes/digression sur Debord et son "spectacle" :
alors qu'il refuse de considérer le spectacle comme de simples images,
en décrivant le spectacle comme partie de la société ou la société
porteuse du spectacle, réduit bien ce dernier à des images. A savoir, la
pub/les marques, la télé et le sport professionnel par exemple et deux
trois autres choses dans les démocraties libérales et la propagande dans
les Etats totalitaires...Debord aurait dû en rester à "le spectacle est
la société même" ou à "le spectacle est rapport social d'individus
médiatisé par des images". Ses adorateurs qui citent avec un air pénétré des passages de "la
société du spectacle" n'auront pas relevé les contradictions de l'auteur
préféré des bourgeois du 16e arrondissement parisien et/ou des
publicitaires. Debord n'a rien inventé (Jacques Ellul le
confirme) et l'œuvre de Debord n'est donc qu'un affadissement d'une
partie de l'œuvre de Karl Marx mêlée à des références sado-reichiennes
(incompatibles avec celle du marxisme) qui ne pouvaient guère parler aux
classes laborieuses.
Pour finir, le concept de spectacle a été défini confusément au fil
de la plume de Debord (donc mal compris) et l'I.S. des Debord -le fils
de bonne famille- et cie comme d'autres organisations gauchistes de mai
n'auront été que des organisations d'alcooliques névrosés affectivement
bloqués, monomaniaques anti-chrétiens (éduqués sur les genoux des
jésuites, ceci expliquant cela...) qui auront indirectement produit des
personnages caricaturaux de beaufs anar-bourgeois à la Siné...et autres
subjectivistes radicaux à la Michel Onfray, incapables de créer de
nouveaux mythes en mesure de remplacer ceux du "vieux monde", comme les
membres de l'I.S. le prétendaient. Le festivisme des indignés
des "gauches actuelles" est certainement un des plus "beaux" héritages
des fumisteries situationnistes des années 60.
En outre, face à la conceptualisation clouscardienne de haute volée,
l'œuvre de Debord apparaît bien faible...Le concept de "société du
spectacle" ne serait qu'un habillage idéologique forgé avec "l'aide" des
classes moyennes, un système d'enfermement conceptuel au sein duquel
les exploiteurs dictent leurs règles et taisent la réalité de la lutte
des classes, donc un faux système de représentation verrouillé par des
intellectuels de gauche. Affirmons la supériorité de la
socio-philosophie de Clouscard sur les vulgaires slogans situationnistes
qui ont tant inspiré la rédaction des directives ministérielles depuis
40 ans...mais aussi face à la verbeuse philo-sociologie
foulcado-bourdieusienne pour comprendre le jeu politique actuel et les
rapports de dominations.
(4) Cohn-Bendit/ Le Pen soit le couple "permissif-répressif ".
Sur le "mai Cohn-Bendit" : on n'insistera pas sur le fait que ces supposées émancipations des jeunes, des femmes, n'ont été que des conditionnements à l'imaginaire capitaliste. Sujet méritant amples développements... Publié par Jean-Michel Lemonnier jeudi 17 octobre 2013 - sur AGORAVOX
L'homme moderne, c'est l'homme déchu. C'est l'homme qui prend conscience de sa nullité face au règne de la quantité et qui est, en même temps, parfaitement narcissique. C'est l'homme qui n'existe que parce qu'il porte une marchandise dans ses bras. Si on lui enlève cette marchandise il n'existe plus en tant que "moderne". Il ne redevient alors pas pour autant un homme des sociétés traditionnelles, il est simplement perdu. Il n'a, alors, plus d'existence au sein de la "modernité". L'homme moderne c'est l'homme repu, autosatisfait, c'est celui qui ne s'interroge que peu sur lui-même. C'est l'homme esclave de ses passions mauvaises, orgueilleux, ennemi des gens de bien, coupable d'hybris. Il vit dans le chaos. C'est un "individu". Mais ce qui le caractérise le mieux, et si on s'exprime clairement c'est la haine du sacré qu'il porte en lui. Il ne peut guère penser l'existence en dehors de l'économie. A l'inverse le monde traditionnel ne conditionne plus l'existence humaine à travers des impératifs économiques qui deviennent, dans ce cas, subordonnés à des principes extra-économiques susceptibles de donner un sens profond à l'existence humaine et de permettre le développement des capacités les plus hautes. L'homme (post-)moderne est prisonnier de l'histoire. Son esprit obscurci par la matière, focalisé sur le monde sensible est alors dans l'incapacité de soupçonner l'existence d'un monde suprahumain. Le moderne est agonisant, il se retourne sur son lit, incapable de se tenir debout, sensible aux convulsions de l'histoire. Sa chute dans le règne du matériel lui ôte, de fait, toute nostalgie du divin. Il n'a alors que deux possibilités : s'effondrer totalement, définitivement et aller vers son anéantissement complet, sa néantisation, c'est-à-dire vers une"seconde mort" ou bien s’élever, s"augmenter" au prix d'un effort qui demande des "forces" difficilement mobilisables pour un homme d'attitude moderne.
La modernité (ou post-modernité depuis une quarantaine d'années) est fondamentalement catagogique, elle n'élève pas mais tire vers le bas, elle massifie, elle rend ridicule. Elle s'illustre dans l'homme cannabinoïdé (au propre ou au figuré) à prothèses technologiques qui pousse un caddie dans les allées des non-lieux de le (post-)modernité, après une semaine de travail dans un "open-space"...Elle ne répond à rien, détruit, ne construit pas dans la mesure où elle ne suit (ou n'est guidée par) aucun plan supérieur, transcendant lié à une méta-histoire. L'homme moderne ou post-moderne s'illustre aussi à merveille à travers trois figures parmi d'autres : celle du "fan,", du militant politique, ou du "supporter" d'équipe sportive, trois comportements, trois façons qui s'offrent à lui d'être un parfait imbécile qui se noie dans la matière, dans ce que l'on appelle, in fine le "quotidien". Mais on pourra toujours voir, avec un peu d'effort, dans ces trois cas de figures des comportements mythiques dans une existence moderne...une volonté de sortir du temps profane de la modernité pour entrer dans un temps mythique...
Il faut, bien sûr, ne pas confondre cette critique de la modernité -puisqu'elle est antipolitique et n'est pas uniquement "nostalgique" d'un temps historique révolu- avec les pathétiques "petites réactions" bourgeoises qu'on retrouve ici et là de nos jours en France par exemple : celles des faiseurs d'opinions à la Finkielkraut, Zemmour ou encore celles des vulgaires "revanchards" lepenistes,et autres épiciers du "mécontentement plébéien" qui appartiennent toutes à la modernité. C'est peu de le dire... Cette critique n'est pas, systématiquement, non plus une critique du "progrès". Elle existe aussi (ou surtout) pour pointer du doigt les scories du "progrès". Disons qu'elle est bien plus une critique du "développement" que du "progrès". En outre, cette critique peut fort bien être autant chrétienne, musulmane, bouddhiste, hindouiste (l'hindouisme est numériquement le plus grand paganisme) que "païenne"(1) (mais faut-il accorder crédit aux montages païens post-modernes?) ou a-religieuse si on en reste strictement aux quelques remarques du présent billet. La véritable pensée traditionnelle qui s'oppose donc à la pensée moderne est une et multiple. Elle prend de nombreuses formes mais est fondamentalement unique. Elle s'adapte ou s'est adaptée à des contextes historiques ou des structures mentales particulières à un moment donné. Nulle question ici de retour du même, d'indifférenciation donc. Au contraire, c'est bien la différence entre moi et l'autre qui permet l'existence de pensées traditionnelles. Autrement dit, nous sommes très éloignés ici des grands projets unificateurs de la post-modernité, telle l'idéologie mondialiste. (1) au-delà de l'hindouisme, les formes de paganismes vivants présents à la surface de la terre sont trop nombreux pour être citées ici.
"Le mouton et les chevaux" "Un mouton qui n'avait pas de laine vit des chevaux, l'un d'entre eux tirant un chariot, l'autre portant une grosse charge, l'autre portant un homme et allant plus vite. Le mouton dit aux chevaux : 'Mon coeur souffre de voir un homme dirigeant des chevaux.' Les chevaux dirent : 'Écoute, mouton, notre coeur souffre quand nous voyons ceci: un homme, le maître, prend la laine du mouton pour en faire un vêtement. Et le mouton n'a plus de laine. Ayant écouté cela, le mouton partit dans la plaine."
La fable construite par le linguiste August Schleicher au XIXe s. qui tente de récréer un possible langage proto-indo-européen (P.I.E.) ou indo-européen commun. En s'appuyant sur les découvertes récentes sur le P.I.E, Andrew Byrd linguiste (Université du Kentucky) récite cette fable que l'on entend sur l'enregistrement.
La version originelle de cette fable écrite par Schleicher. A comparer avec la version la plus récente (cf. supra) : Avis akvāsas ka
Avis, jasmin varnā na ā ast, dadarka akvams, tam, vāgham garum vaghantam, tam, bhāram magham, tam, manum āku bharantam. Avis akvabhjams ā vavakat: kard aghnutai mai vidanti manum akvams agantam. Akvāsas ā vavakant: krudhi avai, kard aghnutai vividvant-svas: manus patis varnām avisāms karnauti svabhjam gharmam vastram avibhjams ka varnā na asti. Tat kukruvants avis agram ā bhugat.
Un autre texte récité par le même Byrd. Basé sur un passage du Rig-Veda ou livre des hymnes, un des quatre grands textes sacrés de l'hindouisme (le plus important). Cantiques rédigés en sanscrit védique :
H3rḗḱs dei̯u̯ós-kwe
H3rḗḱs h1est; só n̥putlós. H3rḗḱs súhxnum u̯l̥nh1to. Tósi̯o ǵʰéu̯torm̥ prēḱst: "Súhxnus moi̯ ǵn̥h1i̯etōd!" Ǵʰéu̯tōr tom h3rḗǵm̥ u̯eu̯ked: "h1i̯áǵesu̯o dei̯u̯óm U̯érunom". Úpo h3rḗḱs dei̯u̯óm U̯érunom sesole nú dei̯u̯óm h1i̯aǵeto. "ḱludʰí moi, pter U̯erune!" Dei̯u̯ós U̯érunos diu̯és km̥tá gʷah2t. "Kʷíd u̯ēlh1si?" "Súhxnum u̯ēlh1mi." "Tód h1estu", u̯éu̯ked leu̯kós dei̯u̯ós U̯érunos. Nu h3réḱs pótnih2 súhxnum ǵeǵonh1e.
"The King and the God" "Once there was a king. He was childless. The king wanted a son. He
asked his priest: "May a son be born to me!" The priest said to the
king: "Pray to the god Werunos." The king approached the god Werunos to
pray now to the god. "Hear me, father Werunos!" The god Werunos came
down from heaven. "What do you want?" "I want a son." "Let this be so,"
said the bright god Werunos. The king's lady bore a son."
L'étude des peuples indo-européens a fait l'objet de tellement de funestes récupérations politiques qu'il est presque devenu "suspect" aux yeux de certains idéologues de s'intéresser à ce thème. Évidemment (et encore une fois), nous nous moquons bien de savoir ce que peuvent penser les intégristes de tous bords, au sujet d'une personne s’intéressant (en tant que chercheur qualifié, passionné, dilettante ou en simple curieux) à ce vaste sujet qui amène à se pencher autant sur la linguistique, que l'archéologie ou encore l'anthropologie. Et encore une fois on se demande bien en quoi le fait de s"intéresser à ses racines (très) lointaines serait systématiquement une marque de mépris ou de rejet envers d'autres "racines" différentes des siennes. Mais passons.Faisons donc le pari de l'intelligence du lecteur... J'en finirai avec ces remarques liminaires en reprenant cette phrase dite par une professeur d'histoire : "Dieu
seul sait d'où nous venons et encore il doit bien s'y perdre dans tout
ça". Le "ça" fait évidemment référence aux migrations, invasions,
colonisations, métissages avec des peuples non Indo-européens (rencontre avec les peuples mégalithiques en Europe ou avec les mélanésiens en Inde par exemple) que les peuples indo-européens dans leur
totalité ont subi ou accompli au fil des millénaires et à la difficulté
de pouvoir connaître ses origines exactes en tant que peuple et encore
plus en tant que personne (a). Les travaux en génétique confirment évidemment cette intuition. Autrement dit, les thèses racialistes se servant des études indo-européennes pour mettre en évidence l’existence d'un type anthropologique indo-européen "supérieur et pur" sont nulles et avenues.
Or donc, on ne peut guère évoquer le sujet des études indo-européennes sans bien sûr rappeler l'apport fondamental du comparatiste, philologue, mythologue Georges Dumezil dans la compréhension du mode d'organisation, de fonctionnement des sociétés indo-européennes. Dumézil a en effet montré que l'organisation tripartite des sociétés indo-européennes était la traduction de la structure des mythes de ces mêmes peuples. De surcroît, on sait grâce à Georges Duby que les sociétés médiévales européennes, d'Ancien régime plus généralement, ont hérité de cette organisation trifonctionnelle. Enfin, on aurait donc du mal à se passer de l'apport des études indo-européennes pour comprendre l'histoire des sociétés européennes jusqu'à la révolution française qui marque véritablement la dispartion de ce type d’organisation sociétale.
Concernant le P.I.E. Il n'existe aucune trace écrite en langue indo-européenne commune (ou P.I.E.). De fait, les retranscriptions présentées ci-dessus se basent sur l'ensemble des travaux en linguistique comparée mais aussi l'archéologie et donc sur différentes hypothèses et spéculations de chercheurs depuis le XIXe s. Pour resituer l'origine de cette quête de recherche d'une langue à partir de laquelle seraient issues des "langues filles", on peut remonter aux XVIe s. et XVIIe s. avec les premières hypothèses émises quant à l'existence d'une langue mère génitrice de nombre de langues eurasiatiques. Mais cette reconstitution du P.I.E. reste partielle.
En ce qui concerne, le foyer primitif ou aire de répartition originelle des Indo-Européens, plusieurs hypothèses ont été émises :
1) "L'hypothèse Kourgane" (culture de Samara) proposée par Marija Gimbutas (citée par Eliade dans son dictionnaire des religions) qui situe les Indo-Européens non différenciés dans la steppe Pontique (nord de la mer Noire) avant le début des migrations/invasions guerrières initiées à partir de 4000 av. J-C. Dispersion dans trois directions majeures : L'Inde, l'Europe occidentale et l'Anatolie.
C'est l'hypothèse couramment acceptée.
Foyer originel (culture de Samara) en violet et expansion des Indo-européens primitifs selon l'hypothèse kourgane
2) "L'hypothèse anatolienne" : le foyer originel serait la Turquie. La diffusion Indo-Européens (et du P.I.E./langues) aurait débuté vers 8000 av. J-C sur un mode plus pacifique que selon l'hypothèse précédente et cela en même temps que l'agriculture (Colin Renfrew).
Utilisation de la méthode de "Monte-Carlo par chaînes de Markov", incompréhensible pour le commun des mortels (dont l’auteur du présent article évidemment) pour bâtir cette hypothèse. On peut, au moins, considérer que la méthode qui consiste à s'inspirer des théories de la biologie évolutive pour comprendre l'évolution des langues est contestable. L'analogie entre un gène (ou un virus) et une langue étant "douteuse".
Classification des langues indo-européennes en l'état actuel des connaissances
(a) on ne parle évidemment pas
ici de la "simple" recherche généalogique qui ne peut guère nous
permettre dans le meilleur des cas que de retrouver une filiation depuis
la fin du XVIe s., exception faite du cas de personnes issues de certains milieux sociaux/castes.
"Tu
viens et tu nous dis: vous êtes les derniers paysans en Europe/au monde, vous
devez disparaître. Moi, je te dis: pourquoi ne serait-ce pas toi le dernier
con au monde et que ce serait à toi et non à moi de disparaître ?" (traduction libre, vidéo)
Le paysan (pas l'agriculteur moderne areligieux (1)et "destructeur") roumain (2), homme religieux, en solidarité mystique avec les rythmes cosmiques, croit au Christ Pantocrator qui descend sur terre (3) pour rendre visite aux paysans. Une croyance qui renvoie à un christianisme cosmique (christianisme populaire) et dominée par la nostalgie d'une nature sanctifiée par la présence de Jésus-Christ. Le paysan est "homme véritable" car il se conforme à l'enseignement des mythes (mythos, c'est la parole vraie), à des modèles exemplaires venant de ses ou de son dieu. Il est, à la fois, allié et auxiliaire de Dieu car c'est un créateur. En effet, en prenant possession d'un lieu, il transforme le chaos en cosmos. Il participe à l'instauration d'un ordre cosmique. Il faut donc bannir l'idée selon laquelle l'homo religiosus fuirait l'histoire en cherchant un refuge dans le sacré, le "religieux mythique". Au contraire, il s'y implique pleinement en combattant, sans cesse, par la ritualisation, notamment, des "forces" du chaos qui peuvent condamner son monde. Tout cela suppose que pour le paysan-religieux, le temps et l'espace sont forcément hétérogènes. Pour lui, il existe donc un Temps sacré, mythique et réversible d'une part et un temps profane, ordinaire, historique et irréversible d'autre part. L'homme religieux fait aussi l'expérience et a conscience de l'existence d'espaces de "qualités" différentes, autrement dit d'un espace fait de ruptures : l'espace sacré et réel et l'espace profane, irréel, "amorphe" et chaotique, quotidien, où l'homme subit des "obligations". Le paysan cherche à retrouver ou réintégrer l'aurore cosmogonique, c'est-à-dire qu'il réactualise un événement s'étant déroulé in illo tempore en construisant sa maison par exemple. Celle-ci est conforme à un prototype céleste ou cosmique. L'espace profane qui n'était que chaos devient, par incidence, un espace sacré et centre du monde. L'homme religieux crée ainsi son propre monde et en veillant à la survie de celui-ci, il assure la sienne. Que l'on compare simplement le rôle assigné à une habitation moderne selon le furieux techniciste Le Corbusier et son '"habitat fonctionnel" et concentrationnaire (4) ou selon n''importe quel architecte-urbaniste qui doit obligatoirement satisfaire à la "nécessité capitaliste" moderne, avec celui dédié à une demeure selon l'homo religiosus et on comprendra ce qui différencie une existence moderne d'une existence traditionnelle.
Or donc, à travers ces croyances et surtout cette Weltanschauung ou vision du monde, on peut identifier une révolte passive du paysan donc de l'homme religieux contre les agressions de l'histoire, les guerres, les invasions (5) les dominations imposées par différents "maîtres". L'histoire -le temps irréversible- est la plus grande menace pour l'homme religieux dont les derniers paysans roumains authentiques présentent, encore de nos jours, quelques unes de ses qualités. En s'inscrivant dans une perspective cosmique, les sociétés paysannes ou agricoles traditionnelles d'Europe centrale et orientale (pacifiques la plupart du temps) se révoltent (ou se révoltaient...) alors contre une histoire tragique et injuste... Elles luttent contre le temps historique destructeur et cherchent à contrer son irreversibilité. ______________________
(1) Même si l'homme fondamentalement a-religieux, donc moderne ou post-moderne est rare, peut-être introuvable, il se différencie de "l'homme religieux authentique conscient" de part son absence de solidarité avec la nature et le cosmos. Plus l'homme est religieux, plus il a de modèles exemplaires inspirés des dieux, moins il l'est, moins il possède de ces modèles, plus la place du "profane" est grande et plus ses activités deviennent "aberrantes" puisque ces dernières ne correspondent à aucun modèle transhumain. Le passage d'une vision traditionnelle ou archaïque du monde à une vision moderne désacralisée est donc une effroyable dégradation du sens de l'existence humaine...
En outre, qu'on ne confonde surtout pas le moderne (agriculteur ou non) installé à la "campagne" (on ne discutera pas du terme employé) qui vit dans un monde désacralisé avec le paysan des dernières communautés agro-pastorales traditionnelles est-européennes... (2) Ce n'est évidemment plus le type dominant, même en Roumanie et en Europe centrale et orientale plus généralement.
(3)Il s'agit là de la hiérophanie suprême, le dieu qui se fait homme et s’incarne de fait dans l'histoire. Se référer à (toute) l’œuvre d'Eliade : "Aspects du mythe", "Le sacré et le profane", "La nostalgie des origines", "Le mythe de l'éternel retour", "Mythes, rêves et mystères", etc. (4) les "utopies" actuelles, certes moins ambitieuses mais tout aussi "involuées", telles la "ville durable"/normes HQE, etc. appartiennent au même "inconscient moderniste" anti-traditionnaliste. (5) à ce propos les pays roumains, de par leur position au sein de l'espace eurasiatique, ont constamment eu à subir les agressions des différents empires voisins (ottoman, russe, austro-hongrois puis soviétique) mais aussi celles des mouvements migratoires de différents peuples (Mongols, Slaves, Tatars...) et aujourd'hui celles de l'impérialisme occidentiste (capitalisme-démocratie-communisme) ou occidentaliste/atlantiste (euro-étasunien).
Pasolini,
marxiste critique à l'égard du "développement", "chrétien primitif" (et pagano-chrétien),
contre l'hédonisme, le permissif, le consumérisme qui relèvent du
conformisme petit-bourgeois (encore aujourd'hui, le succès de Michel
Onfray en France dans certains milieux illustre bien ce constat), contre
cette extrême-gauche des années 60 et la stupidité de ses thèses
("politique de la table rase"), mais aussi rejet de l’Église instituée
et de ses clercs qui préférèrent s'assoir à la table des "dominants", de
la droite capitaliste-fascisante italienne. Une Église progressivement
éjectée du jeu politique puisque devenue "inutile". Pasolini met en
avant l'idée que l’Église catholique romaine ne joue plus aucun rôle
dans l’oppression des peuples occidentaux (et dans celle de la femme, de
fait) et que la plus terrible des aliénations est celle de la
soumission au "spectaculaire marchand". En outre, l’Église doit donc en finir avec ses trahisons à l'égard du message du Christ et de son peuple et devenir le fer de lance des révoltes populaires à venir. Pasolini
écrira dans une série d'articles que l'on retrouve dans "Écrits
corsaires" (cf. infra) que la société de consommation, "l’hédonisme de
masse" (c'est son expression) et ce néo-capitalisme qui émergent dans
les années 60 et 70 ont réussi à créer un type anthropologique d'un
genre totalement nouveau et la "réduction [des Italiens et de tous les
'occidentaux'] à un modèle unique", "Frustration ou carrément désir
névrotique sont désormais des états d'âme collectifs".
Cependant,
derrière l'expression "société de consommation", Pasolini ne semble
guère vouloir distinguer la consommation qui permit aux plus modestes
d’accéder à des produits d'équipements qui ont pu améliorer leur vie, de
cette "consommation ludique, marginale et libidinale". Là, il faut
lire Michel Clouscard qui conteste cette appellation générique car selon
lui, il n'a jamais existé une telle société dans le monde occidental.
Si tel était le cas nous serions dans une société d'abondance (société
communiste aboutie donc).
Des
imbéciles ont voulu voir en Pasolini un "rouge-brun". Incompréhension
face à la complexité du personnage et de son discours de la part du
"vulgaire" et des idéologues qu'ils soient de droite ou de gauche
(extrêmes inclus) à cause de la binarité de leur mode de raisonner, de leur "hémiplégie morale".
Pasolini est assassiné à proximité de la plage d'Ostie (Rome), dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975.
Un
an avant sa mort, dans un éditorial du "Corriere della sera" du 14
novembre 1974, Pasolini menaçait, de fait, en affirmant : "Je sais
les noms des responsables de ce que l'on appelle golpe (qui est en
réalité une série de golpes (...)). Je sais les noms qui composent le
'sommet' qui a manœuvré aussi bien les vieux fascistes créateurs de
golpes que les néofascistes, auteurs matériels des premiers massacres et
que, enfin, les inconnus responsables des massacres les plus
récents..." Dans son roman "petrole", il souhaitait dénoncer la
violence et les crimes d’État, des industriels et du pouvoir économique
italiens.
"On l'a exécuté a affirmé il y a quelques années Pino son assassin présumé. Ils étaient cinq. Ils lui
criaient : "Sale pédé, sale communiste ! " et ils le tabassaient dur.
Moi, ils m'avaient immobilisé. Je ne l'ai même pas touché, Pasolini,
j'ai même essayé de le défendre..." Pour Pino, il y a cinq agresseurs : " les frères Borsellino, deux Siciliens fascistes et dealers", "ils
exécutaient une commande. Ils voulaient lui donner une leçon et ils se
sont laissés aller. C'est que Pasolini cassait les pieds à quelqu'un" La Loge P2 ?
Je suis une force du Passé. À la tradition seule
va mon amour Je viens des ruines, des
églises, des rétables, des
bourgs abandonnés sur les
Appennins ou les Préalpes, là où ont
vécu mes frères. J'erre sur la Tuscolane
comme un fou, sur l'Appienne comme un
chien sans maître. Ou je regarde les crépuscules,
les matins sur Rome, la Ciociaria,
l'univers, tels les premiers actes
de l'Après-Histoire auxquels j'assiste, par
privilège d'état-civil, du bord extrême d'un
âge enseveli. Monstrueux est
l'homme né des entrailles d'une femme
morte. Et moi, foetus adulte, plus
moderne que tous les modernes, je
rôde en quête de frères
qui ne sont plus
Poesia in forma di rosa,
Garzanti, Milano 1964
(1922-1975)
"L'Italie est un pays qui devient de plus en plus stupide et ignorant.
On y cultive des rhétoriques toujours de plus en plus insupportables. Il
n'y a pas de pire conformisme que celui de gauche, surtout,
naturellement, quand c'est adopté par la droite."
Sur
68, "révolte" de sinistres enfants de bourgeois, de narcisses
nietzcheo-debordiens et autres vaniteux jouisseurs marcusiens dont
l'unique but a été de prendre le pouvoir culturel puis politique. Une
bourgeoisie en a chassé une autre :
"J'ai passé ma vie à haïr les vieux bourgeois
moralistes, il est donc normal que je doive haïr leurs enfants, aussi…
La bourgeoisie met les barricades contre elle-même, les enfants à papa se révoltent contre leurs papas.
La moitié des étudiants ne fait plus la Révolution mais la guerre
civile. Ils sont des bourgeois tout comme leurs parents, ils ont un sens
légalitaire de la vie, ils sont profondément conformistes. Pour nous,
nés avec l'idée de la Révolution, il serait digne de rester fidèles à
cet idéal."
Sur le fascisme, l’antifascisme et la "société de consommation" (article Acculturation et acculturation, 9 décembre 1973) :
"Une bonne partie de l'antifascisme
d'aujourd'hui, ou du moins ce qu'on appelle antifascisme, est soit naïf
et stupide soit prétextuel et de mauvaise foi. En effet elle combat, ou
fait semblant de combattre, un phénomène mort et enterré, archéologique
qui ne peut plus faire peur à personne. C'est en sorte un antifascisme
de tout confort et de tout repos. Je suis profondément convaincu que le
vrai fascisme est ce que les sociologues ont trop gentiment nommé la
société de consommation." "Le
fascisme, je tiens à le répéter, n'a pas même au fond été capable
d’égratigner l'âme du peuple italien, tandis que le nouveau fascisme,
grâce aux nouveaux moyens de communication et d'information (surtout
justement la télévision), l'a non seulement égratignée, mais encore
lacérée, violée, souillée à jamais." "Le centralisme fasciste n’a jamais réussi à faire ce qu’a fait le centralisme de la société de consommation [...] Le
fascisme proposait un modèle, réactionnaire et monumental, qui est
toutefois resté lettre morte. Les différentes cultures particulières
(paysanne, prolétaire, ouvrière) ont continué à se conformer à leurs
propres modèles antiques : la répression se limitait à obtenir des
paysans, des prolétaires ou des ouvriers leur adhésion verbale.
Aujourd’hui, en revanche, l’adhésion aux modèles imposés par le Centre
est totale et sans conditions. Les modèles culturels réels sont reniés.
L’abjuration est accomplie."
"On peut donc affirmer que la « tolérance »
de l’idéologie hédoniste, défendue par le nouveau pouvoir, est la plus
terrible des répressions de l’histoire humaine. Comment a-t-on pu
exercer pareille répression ? A partir de deux révolutions, à
l’intérieur de l’organisation bourgeoise : la révolution des
infrastructures et la révolution du système des informations. Les
routes, la motorisation, etc. ont désormais uni étroitement la
périphérie au Centre en abolissant toute distance matérielle. Mais la
révolution du système des informations a été plus radicale encore et
décisive. Via la télévision, le Centre a assimilé, sur son modèle, le
pays entier, ce pays qui était si contrasté et riche de cultures
originales. Une œuvre d’homologation, destructrice de toute
authenticité, a commencé. Le Centre a imposé - comme je disais - ses
modèles : ces modèles sont ceux voulus par la nouvelle
industrialisation, qui ne se contente plus de « l’homme-consommateur »,
mais qui prétend que les idéologies différentes de l’idéologie hédoniste
de la consommation ne sont plus concevables. Un hédonisme néo-laïc,
aveugle et oublieux de toutes les valeurs humanistes, aveugle et
étranger aux sciences humaines." ...
"Un personnage
comme Mussolini serait inconcevable aujourd'hui, du fait de
l’irrationalité et de la nullité de ce qu'il dit et parce qu'il n'y
aurait aucune place ni crédibilité pour lui dans le monde moderne. La
télévision suffirait à le rendre vain, à le détruire politiquement.
(...) Ses techniques convenaient pour un chef sur une estrade devant une
foule, mais elles ne marcheraient absolument pas devant un écran."
Changement total dans notre façon d'être et de communiquer.
Autre passage sur le néo-fascisme, tel que Pasolini le conçoit : la
société de consommation. "Le
fascisme
avait fait de ces foules, des guignols, des serviteurs, peut-être
partiellement convaincus mais il ne les avait pas atteint dans le fond
de l'âme. En
revanche, le nouveau fascisme, la société de consommation a
profondément transformé les jeunes, elle les a touchés dans ce qu'ils
ont de plus intime, elle leur a donné d'autres sentiments, d'autres
façons de penser, de vivre, d'autres modèles culturels. Il ne s'agit
plus comme à l'époque Mussolinienne, d'un enrégimentement superficiel
mais réel qui a volé et changé leur âme Ce qui signifie en définitive
que cette civilisation de consommation est une civilisation
dictatoriale. En
somme, si le mot fascisme signifie violence du pouvoir, la société de
consommation a bien réalisé le fascisme. Les démocrates chrétiens sont
devenus les véritables fascistes.Colères focalisées sur les fascistes
archéologiques alors que les véritables fascistes sont au pouvoir."