: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes

lundi 22 décembre 2014

La lumière qui s'éteint - Mircea Eliade, partie II : metanoïa, nouveau solstice

La lumière qui s'éteint, p. 264 - Manuel, dieu païen
Extrait : la métanoïa de Manuel, l'un des héros du roman, participant au rituel orgiaque dans la bibilothèque -lieu initiatique- qui prendra feu (comme celle d'Eliade bien des années plus tard...événement traumatisant pour cet érudit, savant majeur du XXe s.)  Voir ici : http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.fr/2014/06/la-lumiere-qui-seteint-mircea-eliade.html

Ce paganisme est très nietzschéen dans ses valeurs. L'homme qui devient dieu est en réalité le surhomme, le créateur de valeurs. Le chaos destructeur réalisé grâce au rite  orgiaque (au début du roman) aboutit à la création de nouvelles valeurs portées par Manuel, l'Emmanuel, c'est-à-dire "Dieu est avec nous (avec lui)". Le rituel orgiastique fut bien un évenement comparable au  "25 décembre", à un solstice (le soleil qui "s'arrête" et adopte un nouveau mouvement), à une victoire de la Lumière sur la Ténèbre (Dies natalis solis invicti). C'est à la fois une cratophanie et une théophanie (hiérophanie suprême). On a vu qu'Eliade pouvait très bien faire référence aux comportements des phibionites. Avec ce passage, l'auteur nomme  l'hindouisme. Le savant roumain évoque, de toute évidence, la consubstantialité dieu-esprit (ou âme)-lumière-semen virile dont on retrouve la trace dans les constructions religieuses indo-aryennes. N'oublions pas qu'Eliade, loin de défendre une tradition et d'en montrer la supériorité par rapport à telle ou telle autre, a montré à travers ses recherches, à l'instar de Guénon, l'unité des différentes traditions religieuses présentes et passées. 
Or donc, le paganisme de Manuel est tout autant hindouiste que nietzchéen. Manuel est Shiva, destructeur et créateur. La destruction se fait sur le plan physique -la bibilothèque détruite par le feu régénérateur- et sur celui des valeurs. Manuel, le jounaliste (quelle profession plus médiocrement moderne ?) découvre que tout était faux jusque là. Désormais, il a enterré Dieu, le dieu chrétien ou plutôt le dieu des chrétiens (aussi lâche et médiocre qu'eux, à leur petite hauteur...),  il ne tremble plus devant l'univers, devant l'immensité du cosmos, il n'a plus ni terreur ni effroi. L'homme fait l'expérience de la solitude cosmique...Il devient lui-même un dieu...païen. Manuel devient Shiva Nataraja, le danseur cosmique. La voie de la délivrance vient par la danse dans le monde religieux hindouiste.  Manuel-Shiva détruit les anciennes valeurs et en crée de nouvelles à l'infini, c'est l'éternel retour des cycles de destructions et de créations (différent du sens nietzchéen). 
La danse cosmique de Shiva
Source non identifiée
A partir de ce passage, on peut peut-être considérer, par déduction, que les  trois acteurs du rituel dans la bibilothèque à savoir Melania, le professeur et Manuel incarnent symboliquement trois divinités (avant d'acquérir leurs qualités, au moins dans le cas de Manuel le double "sombre" dans le sens de "caché" et "non controlé"du bibliothécaire Cesare héros principal du roman. Cesare est-il simplement schizophrène du fait de sa difficulté à interpréter le réel ou plus encore atteint du trouble de la personnalité multiple, ce qui ne serait pas contradictoire avec son "état", la maladie comme signe divin, phénomène transitoire vers la délivrance, sa recosmisation ?...) : Shakti, Kali ou plus sûrement Parvati, le principe féminin suprême, la Lumière, est Mélania et les deux divinités complémentaires Shiva et Vishnu (Hari Hara) sont Manuel et l'universitaire? En effet, Parvati procrée en même temps qu'elle détruit les illusions et l'ignorance, Shiva détruit lui aussi pour créer ensuite un nouveau "cosmos". A travers ces interprétations et "incarnations", on lit la prostitution sacrée telle que pratiquée, par exemple, autrefois dans certains temples hindouistes ? L'acte sexuel qui imite l'acte divin de hiérogamie (imitation de la syzygie), est donc un rite initiatique, ici effectué dans la bibilothèque-temple brûlée par le feu de Shiva (attribut phallique porteur du feu infini) donne naissance à "l'homme nouveau", ou plutôt au surhomme affranchi des contraintes de ce monde, un dieu finalement, si on doit le comparer aux autres hommes de condition spirtuellle misérable.

Dernières remarques. Ce dieu païen "au-delà de toutes catégories", s'oppose en tout au "dernier homme", au médiocre petit homme gris de notre ère, bien dans son époque, éternel satisfait de sa  condition, de ses centres d'intérêts qui ne dépassent guère son horizon immédiat, abruti par son travail, ses loisirs, son absence de convictions profondes etc.  Notre époque hypermoderne semble être réellement celle du dernier des hommes, de ce nouveau type anthropologique, de cet être faible moralement (homme ou femme), construit sur un mode hystérique, arrogant, sarcastique et stupide, ce narcisse dégénéré, imbu de lui-même  (sans pouvoir s'avouer consciemment qu'il se déteste pronfondément), pousseur de caddie dans les galeries marchandes -non-lieux- du supermarché mondial.."Je vous le dis : il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante. Je vous le dis : vous portez en vous un chaos. Malheur ! Les temps sont proches où l’homme ne mettra plus d’étoile au monde. Malheur ! Les temps sont proches du plus méprisable des hommes, qui ne sait plus se mépriser lui-même.Voici ! Je vous montre le dernier homme." Nietzsche, "Ainsi parlait..."

Prophétie réalisée...







Pour une lecture nietzschéenne des évangiles, le bon livre d'Eric Edelmann :




jeudi 11 décembre 2014

Maitreyi (La nuit Bengali) - Mircea Eliade (1933) - Choc culturel et sacré féminin (Partie I)

Interpréter la fascination d'Allan -le narrateur personnage- pour Maitreyi comme celle du colonisateur envers la colonisée comme il a pu être écrit et comme le feraient, sans aucun doute, nos spécialistes actuels en "postcolonial studies" (anglais obligatoire), s'il leur prenait l'envie, un jour, de lire un auteur ausi "réactionnaire" que Mircea Eliade  n'a aucun sens. 
Allan, le personnage narrateur, soit Eliade "cosmétisé" en ingénieur pour les besoins du récit (1), n'appartient pas à l'anglosphère (le monde britannique, précisément en l'occurrence l'empire britannique), ni à aucun des pays européens ayant une histoire coloniale. Allan-Mircea est Roumain. Et, si en effet, Allan à son arrivée en Inde semble posséder toutes les "qualités" du petit blanc arrogant et méprisant envers les autochtones, il ne s'agit, d'une part, que de la réaction, "normale" à l'époque d'un Européen, face à un monde méconnu ("j'étais venu plein de superstitions" p. 13) et d'autre part, l'évolution psychologique du personnage d'Allan (son regard sur cet Orient mystérieux) est fulgurante. A force de contacts avec  les indigènes, Allan en arrive à maudire le monde des Blancs quand ses collègues britanniques (voir le personnage d'Harold Carr par exemple qu'Allan hait profondément) persistent à considérer ces Indiens, même "bien nés socialement", comme des "sales nègres", des "gens sales" à qui il est impossible de faire confiance.


L'histoire,  semi-autobiographique- est simple : c'est le récit d'une union impossible entre Allan l'ingénieur européen (MIrcea le Roumain) et une jeune adolescente indienne, fille de Narendra Sen, protecteur et patron du jeune homme. L'ingénieur qui arrive en Inde avec une haute opinion de lui-même et considère sa présence en ce pays comme participant d'une  mission civilisatrice d'un peuple arriéré, trouve cette adolescente d'abord laide, mais pourtant dès sa première rencontre avec la jeune indienne, il est déjà décontenancé en présence de cet être féminin chez qui il perçoit une dimension surnaturelle. Ainsi, à propos du bras et de la couleur de sa  peau le narrateur homodiégétique écrit :"(...) on eut dit la chair d'une divinité ou d'une image peinte" (p. 12). La plupart des descriptions de Maitreyi révèle cette fascination d'Allan pour un être hors du commun, divinisé ou sanctifié : "J'eus le sentiment  tout d'un coup de me retrouver en face d'une sainte" (p. 85) ou encore plus loin "je sentais à mon côté la présence d'une âme impénétrable et incompréhensible, aussi chimérique et impénétrable que l'âme de l'autre Miatreyi, la solitaire des Unpanishad." (p. 162) Voir : Maitri - Upanishad


Mais Allan, tout au long de sa relation avec cette fille, basée tout d'abord sur des échanges intellectuels (on retrouve toujours l'espace favori d'Eliade : la bibliothèque, lieu d'érudition et territoire initiatique) et amicaux qui se transformera progressivement en amour fou, aura du mal à complétement intégrer toutes les codes culturels de cette société à laquelle appartient Maitreyi. On voit, en effet, un Allan plein d'incompréhensions face à cette jeune vierge toute imprégnée d'une culture traditionnelle avec ses rites étranges et conventions qui apparaissent rigides, voire absurdes pour un jeune Européen épris d'aventure, de liberté, d'amour libre sans contraintes : "Que de puissances devaient être consultées priées d'intervenir si nous voulions assurer notre bonheur" (p. 170). De ce choc culturel né de sa rencontre avec cet Orient indien encore "archaïque" (rien de péjoratif ici), Allan l'ambitieux occidental moderne n'arrivera jamais réellement à s'en remettre. S'il est prêt à se convertir à l'hindouisme, il continue à ressentir sa rencontre avec cet univers comme conflictuel. Il est face à une aporie.
Allan  est à la fois jaloux et sidéré quand Maitreyi lui raconte qu'un de ses premiers amours fut un arbre, dans lequel elle montait parfois nue...Chabou, la petite sœur de Maitreyi confirme par son récit de la relation avec les arbres le panthéisme (ou le monisme) de ces Indiennes. "Panthéisme ! panthéisme!", écrit Allan dans son journal après avoir écouté le récit des jeunes filles qui fait figure de véritable révélation pour le jeune homme. Une telle attitude de la part d'êtres humains à l'égard d'êtres inanimés (des végétaux) est difficile à intégrer dans l'architecture psycho-mentale d'un Occidental. Le narrateur personnage ne cesse d'évaluer ce qu'il voit et entend émanant de ces jeunes femmes comme relevant du "primitif", de "l'enfance", comme étant paradoxal et incohérent. Mais, la perception de ce "monde archaïque" a, à n'en pas douter, plus à voir avec la fascination pour un "monde des origines" (re-)trouvé ici en Inde qu'avec le mépris du colon blanc pour les "mondes exotiques".
Pareillement, les signes d'affection que peuvent se manifester deux amis par contact des pieds, apparaissent comme trop sensuels et impudiques pour un Européen et dépassant, de facto, la simple relation innocente. A plusieurs reprises dans le récit, on découvre un Allan, jaloux (Maitreyi s'est-elle donnée à son maître spirituel-gourou, rumine Allan avant que Maitreyi - qui il est vrai plaît à beaucoup de mâles- lui confie clairement que cet homme comme tous les autres qu'elle a rencontrés ne l'ont jamais touchés et ne l'ont jamais intéressés) et dans l'incapacité de comprendre ces mœurs indiennes que, néanmoins, il finira par adopter en partie. Effectivement, après avoir été éloigné de force de son amour, Allan isolé dans se retraite ne se rêve-t-il pas en "tronc d'arbre (flottant) doucement, tranquille, heureux sur les eux du Gange,..Ne plus rien sentir, ne plus me souvenir de rien...Ne serait-ce pas donner un sens à la vie que de retourner à l'état de simple minéral, que d'être changé en cristal de roche, par exemple ?  Être un cristal, vivre et répandre autour de soi de la lumière comme un cristal..." (p; 257). N'a-t-il pas alors, à ce moment, intégré en partie la philosophie de ces Indiens encore traditionnels, qui ne cessait de l'étonner autrefois ?

Allan multiplie les réflexions au sujet de la femme occidentale moderne (nous sommes dans les années 20 et 30), objet de son mépris, sans aucune qualité, sans mystère, prévisible dans ses intentions, banale dans ses perversions les plus extrêmes comme eut écrit Julius Evola (ami du savant roumain) et a-spirituelle qui a -en moyenne- déjà à l'époque, tous les défauts des hommes, au contraire, donc, de la femme orientale dont la "prise de possession" progressive (à l'époque...) relève de l'initiation mystique...

(1) A l'évidence, Eliade qui écrit avec "La nuit Bengali" (Maitreyi étant le titre original), une "page" romancée de son histoire personnelle (il part au Bengale durant 3 ans pour préparer une thèse de doctorat), s'est largement dissimulé derrière un personnage qui n'a pas sa connaissance du monde indien, dans le but de donner du "relief" au récit. L'auteur se sert de  l'ignorance crasse d'Allan au sujet du "monde indien" pour mieux dévoiler progressivement les mystères de l'Inde. Cela dit, il fallait que ce Allan ne soit pas totalement psychorigide et ouvert à de nouvelles expériences pour permettre à Eliade de décrire ce processus d'ouverture de la conscience (certes plus ou moins abouti) de son personnage principal.
Eliade avait déjà approché ce monde là par la lecture et l'étude d'ouvrages théoriques sur l'Inde traditionnelle et n'a sûrement pas eu (toutes) les réactions d'étonnement que son personnage narrateur a dans ce roman face aux  attitudes et mœurs des membres de cette société indienne. 

La nuit Bengali (Maitreyi) de Mircea Eliade, date de parution en France : 1950.
Version utilsée : Editions Gallimard, Folio, 1979 
Maitreyi Devi et Mircea Eliade
à suivre...

lundi 1 décembre 2014

Când ciobanul şi-a pierdut oile - Quand le berger a perdu ses moutons




Când ciobanul si-a pierdut oile, enregistrement de 1936. Traditionnel de Bucovine, coeur originaire de la Moldavie historique.
Sur la doina : http://www.flute-de-pan.fr/La-doina
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Nous sommes le 1er décembre, cest donc le jour de la fête nationale de la Roumanie : http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.fr/2013/12/1er-decembre-fete-nationale-de-la.html



dimanche 30 novembre 2014

Saint-André, 30 novembre - La saison des strigoi...

André, saint fondateur de l'Eglise byzantine et saint patron de la Roumanie est fêté le 30 novembre. Saint André est appelé le "plus grand des loups" par les Roumains, une manière d'autochtoniser ce personnage central du christianisme venu évangéliiser la région, accompagné d'un loup blanc ? Les Roumains ne sont-ils pas descendants des Daces, c'est-à-dire de ceux qui sont "semblables aux loups", selon la tradition mythistorique ? Il aurait, par ailleurs, existé une divinité dace nommée sântandrei, personnification du loup. Mais les preuves à ce sujet ne sont guère plus consistantes, que celle permettant d'affrimer la réalité du long périple d'André de Terre sainte jusqu'en Europe orientale. 
Or donc, d'après la croyance populaire pagano-chrétienne qui survit encore de nos jours sur l'espace capartho-danubien, la Saint-André est aussi le jour (disons la nuit du 29 au 30) où les strigoii (1) cherchent à se faire pardonner auprès de Dieu. Mais Satan qui se prétend le maître de ces créatures tourmentées qui n'ont pas encore trouvé le repos éternel, veille et refuse que ces dernières se tournent vers le Tout-Puissant pour qu'il les libére de leur condition d'êtres ni morts, ni vivants, mi-morts, mi-vivants...La nuit du 29 au 30 est la nuit où l'activité des strigoi, tout comme celle des loups, est à son paroxysme. Elle est donc particulièrement agitée et le peuple doit se protéger par différents moyens : gestes sacrés donc seuls véritables, rituels ancestraux transmis à travers les époques par les ancêtres ou un ancêtre mythique qui a effectué ces gestes ab origine. Il s'agit dans tous les cas d'un de ces moments de l'année durant lequel le monde suprahumain se manifeste et qui est propice aux pratiques divinatoires.
En outre, en dehors des explications matérialistes, à vrai dire peu intéressantes (et très peu convaincantes d'ailleurs) à propos de ce peuple des ténèbres et des croyances dans le vampirisme, grâce au folklore roumain (folklore au sens de tradition du peuple), on sait que la mort noire, la mauvaise mort, résultat de la subversion d'un ordre naturel, culturel et cosmique fournit ses légions de "mal-morts". Décrire la complexité des rites et rituels mortuaires nécessaires au maintien de cet ordre, permetttant d'éviter un retour du mort après son décès prendrait des pages. J'en parle ici assez longuement : La Roumanie : mythes et identitésUn autre ouvrage de référence sur la Roumanie et consacré exclusivement au thème de la Mort  chez les Roumains (et qui montre, par ailleurs, l'évolution sinon la dégradation des mythes et croyances religieuses à notre époque en Roumanie - le livre est publié en 1986) est celui d'Andreesco et Bacou : Mourir à l'ombre des Carpathes.

(1) il en existe plusieurs types...(des strigoi=non articulé, les strigoii=articulé)


Crédit photo. : http://www.apologeticum.ro/


Mihai Eminescu - Strigoii



samedi 29 novembre 2014

Christophe Guilluy et sa "France périphérique"...

Je "recycle" (c'est la mode...), un de mes commentaires posté sur un autre site...

Guilluy vise juste mais pas complétement. Déjà, le terme "périphérique" prête à confusion. On peut l'associer facilement à "périurbain" et on confondra périphérie sociale et périphérie spatiale.
Guilluy fait du "périurbain", l'espace de relégation des "petits blancs" pas forcément "de souche" d'ailleurs (Français de branche issus de l'immigration espagnole, portugaise post-45, etc.). En gros, on peut reprocher au géographe, d'essentialiser certains espaces. Le problème c'est que ses détracteurs des milieux académiques, des pontes comme Jacques Levy en font autant. Ce dernier avec ses "gradients d'urbanité", une thèse plein de sous-entendus idéologiques attribue aux "centres", aux métropoles qui profitent de la mondialisation des caractéristiques discutables. Ces espaces centraux sur lesquels on trouverait à la fois des fortes densités de populations, une forte concentration d'activités, etc. seraient aussi les espaces de la tolérance et du bien vivre ensemble, contrairement au périurbain qui serait l'espace du repli sur soi. Plus le gradient est élevé plus l'ouverture sur l'autre et sur le monde est grande. C'est très critiquable. Très idéologiquement de gauche...

Guilluy et Levy ne prennent pas en compte la diversité du périurbain. De fait, ils se rejoignent pour attribuer des qualités uniques au(x) périurbain(s). Il n'y a pas, en effet, un périurbain mais des périurbains. Ces derniers sont de plus en plus divers : socialement, ethniquement, etc., certains espaces sont des espaces de conflits, mais pas uniquement. On sait qu'une petite-bourgeoisie, dirons-nous, issue de l'immigration africaine existe en France et vit sur certains territoires périurbains et côtoie, sans soucis, des "de souche" de même niveau socio-économique.
On peut même imaginer à terme, un embourgeoisement, d'un périurbain victime lui aussi d'une certaine gentrification. Il y a en France, un périurbain qui tend à s'autonomiser et qui de fait n'est plus réellement "périphérique" (ni spatialement donc par rapport aux grands centres urbains, ni socialement...). Le  terme périurbain perdrait alors son sens concernant ces territoires.
La perte de diversité, contrairement à ce que semble écrire Levy se fait dans les hypercentres des grandes villes, on y pratique l'entre-soi choisi, on veut certes bien côtoyer la diversité humaine, et un bourgeois de gauche ou de droite "de souche" ne verra aucun inconvénient à vivre aux côtés d'un Français issu de l'immigration nord-africaine à la seule condition que celui-ci ait le même niveau et le même genre de vie. Les autres moins ou pas "fortunés" devront se contenter des quartiers périphériques des villes.

Il y en encore beaucoup de choses à dire. On s'arrête ici. Mais sur ces questions de l'organisation socio-spatiale du territoire français, résultat à la fois du laisser-faire libéral et de l'incurie des aménageurs, planificateurs dirigistes d'après-guerre, on pourrait soulever longuement la question de la "mobilité géographique", qui est un peu le cheval de bataille de la gauche. Plus on est mobile, plus on est moderne, adapté au monde actuel. Or, c'est sans doute le cas pour l'hyperclasse et les cadres sup' +++' qui passent leur vie entre hôtels, TGV et aéroports pour assister à des conférences ou effectuer des missions à l'étranger, mais cette mobilité est le plus souvent contrainte, perturbante et déracinante pour les classes sociales économiquement faibles.

Et on a là tout la tartufferie de gauche qui se dévoile. La mobilité géographique (laissons de côté cet autre problème des migrations journalières) n'est pas synonyme de mobilité sociale. Aller chercher un CDD de 6 mois payé au smic à 800 bornes de chez soi, je ne vois pas en quoi c'est une ouverture sur le monde ou une promotion...C'est uniquement une adaptation à la NECESSITE capitaliste...à développer longuement...comme la question de l'étalement urbain (cauchemardesque), des formes urbaines, du prix du foncier (que fait la gauche à ce sujet ?)...

samedi 22 novembre 2014

Neutralité philosophique théorique et hypocrisie du discours de gauche

Dans une société prétendument philosophiquement neutre, avec par incidence un Etat qui n'intervient pas pour porter des jugements de valeurs ou moraux en dehors des quelques limites sur lesquelles  les membres d'une telle société peuvent s'accorder (crime, pédophilie, viol, racisme et antisémitisme véritables et non fantasmés par quelques uns, etc.)  -mais pour encore combien de temps encore?- il est impossible de déterminer la part du bien de celle du mal. ça, c'est pour la théorie.

Mais dans les faits, on achoppe rapidement sur des problèmes insolubles. Qui pourra dire, par exemple, où s'arrête/commence la liberté des uns et des autres dans une société soit-disant axiologiquement neutre. Outre le fait qu'un tel modèle de société peut conduire n'importe qui au tribunal pour réclamer, contester, dénoncer, se défendre etc., on voit bien que l'Etat, en matière de justice, doit forcément en faveur de telle ou telle partie. Donc il prend position, il n'est pas neutre. Et c'est finalement le rapport de forces du moment qui fait la différence. Autrement dit l'idéologie dominante, autrement dit encore "l'air du temps" impose sa LOI. On voit bien, en effet, que notamment la gauche française (même dans sa version marxiste ou ce qu'il en reste), par exemple, se croit dépositaire de la vérité et du côté du bien. Sur le plan de la méthode, on sait comment ces gauches fonctionnent : anathèmes, intimidations, confusionnisme (1) etc. A titre d'exemple, l'usage abusif des termes "fasciste" ou "réactionnaire" sert à disqualifier toute pensée divergente de cette doxa qui depuis une quarantaine d'années se nomme freudo-lacano-marxisme et basée plus encore que sur un compromis, une alliance se traduisant par deux faits essentiels pour comprendre le jeu politique actuel : la permissivité des moeurs défendue par la gauche et le laisser-faire économique à droite. 

Cette gauche (ou ces gauches) dont l'émergence a été possible grâce la liquidation du marxisme (cela dit, les quelques marxistes qui survivent en France ne valent même pas la peine d'être défendus puisque la stratégie de stigmatisation de leurs adversaires est identique à celle des freudo-marxistes) qui s'indigne à chaque évocation de principes moraux, de références à des valeurs que partagent encore un bon nombre de citoyens français, passe pourtant  son temps à exclure, pointer du doigt les "déviants idéologiques". On confondra ainsi le conservatisme sur un certain nombre de questions sociétales avec des thèmes authentiquement fascistes, on jouera sur le registre de l'émotion sans faire intervenir la raison : on use d'une sorte de stratégie du choc, finalement, pour empêcher un authentique débat d'idées. 

(1) Où l'on a la confirmation que le discours des universitaires de gauche est du même niveau niveau que ceux des magazines comme le Point ou de l'Express. D'ailleurs, pour un certain  nombre d'entre eux c'est un des seuls moyens d'exister et d'être vus : voir aussi le journal Libération et ses tribunes tenues par ces universitaires...