: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes

jeudi 31 octobre 2019

Messianisme et eschatologie chez les protestants, évangéliques et sionistes


Messianisme et eschatologie chez les protestants, évangéliques et sionistes
On ne comprend que très mal le comportement d'un terroriste d'Al-Qaida, de l'Etat islamique ou d'un G. W. Bush, si l'on ne tient pas compte de la dimension religieuse qui sous-tend la décision de ceux-ci de partir en guerre contre un ennemi réel ou fantasmé (bien que le distinguo entre réalité et construction mentale soit pour certains impossible à faire). Il faut insister sur l'incurable dimension religieuse de l'homme (Mircea Eliade). Seulement, le messianisme qu'il soit d'essence chrétienne ou musulmane est solidaire de la patience et de l'espérance. Cette attente est une ouverture sur la transcendance et l'éternité. Quand il cesse de l'être, il devient souffrance et pousse à l'action. C'est cette mutation que l'on peut constater chez les néo-conservateurs évangéliques-sionistes, les sionistes israéliens et les (petits) Djihadistes.

"Le vrai choix" publié en 2004 en pleine guerre d'Irak et écrit par l'inévitable Brzezinski présente une vision du monde étasuno-centrée à peine différente de celle détaillée dans "Le grand échiquier". Les quelques concessions qui sont faites à la multipolarité, dictées sans aucun doute par le constat de l'échec de la politique de G. W Bush au Moyen-Orient et en Asie centrale,  cachent mal la défense du suprémacisme  étasunien. En effet, si l'arrivée de Barack Obama au pouvoir a, en partie, marqué une rupture avec la doctrine Bush et réalisé les grandes orientations redéfinies et préconisées par Brzezinski en matière de politique étrangère étasunienne (multilatéralisme mais certes de façade), rien ne doit, pourtant, arrêter le nouvel ordre étasunien du monde : "c’est en fonction de son utilité ponctuelle que telle ou telle doctrine est mise en œuvre de façon sélective (...) Pour le monde extérieur, le message est clair : lorsqu’un accord international contredit l’hégémonie américaine et pourrait brider sa souveraineté, l’engagement des Etats-Unis en faveur de la mondialisation et du multilatéralisme atteint ses limites" (Brzezinski, 2004 : p. 202-203). Dans cet ouvrage, il est donc toujours question de la "destinée manifeste" des Etats-Unis et la dimension messianique de la politique étrangère est toujours aussi présente : "Du fait de son rôle contradictoire dans le monde, l'Amérique est condamnée à servir de catalyseur, ou bien d'une communauté mondiale ou bien du chaos mondial. Face à cette alternative, les Américains portent une responsabilité historique unique. Notre choix ? Dominer le monde ou le conduire" (Brzezinski, 2004 : p. 12). 

Par suite, malgré la réorientation - sur la forme - de sa politique étrangère, c'est bien Washington qui dicte sa loi au monde. La pensée de Brzezinski ayant largement orienté la politique étrangère étasunienne depuis la fin des années 1970, est imprégnée d'une dimension eschatologico-messianique de type sioniste-évangélique, comme on peut le constater dans "Le vrai choix". Ainsi à la page 27, on peut lire : "L'épisode décrit dans le dernier livre du Nouveau Testament, Révélation 16, fournit la description fidèle (sic) d'un suicide nucléaire et bactériologique planétaire". Ce passage de l'Apocalypse de Jean auquel fait référence l'ancien conseiller de Jimmy Carter est le suivant : "Le septième (ange) enfin répandit sa coupe dans les airs ; il sortit du temple une voix forte émanée du trône : C'en est fait' disait-elle. Aussitôt ce furent des éclairs, voix et coups de tonnerre accompagnés d'une secousse telle que jamais, depuis l'apparition de l'homme, il n'en advint d'aussi violente ; la grande ville se brisa en trois, les villes païennes croulèrent, et ainsi Babylone la grande fut rappelée au souvenir de Dieu pour qu'il lui administrât le calice du vin de son ardente colère. Toutes les îles s'enfuirent et l'on ne trouva plus de montagnes. Des grêlons énormes, pouvant peser un talent, se mirent, du haut  du ciel, à bombarder les hommes ; ceux-ci maudirent Dieu à cause du fléau de la grêle, car il est formidable". 

On se souvient qu'en 2003, G. W. Bush n'avait pas hésité, non plus, à s'appuyer sur l'Ancien et le Nouveau Testament pour justifier sa croisade en Irak après les attentats du 11 septembre 2001. Le président étasunien en fonction depuis janvier 2001 - étrangement élu face à Al Gore - est un "born again" évangélique. Sa rhétorique sur l'axe du mal et les Etats voyous (Syrie, Iran, Corée du Nord)  est farcie des idéaux messianiques de "destinée manifeste" et la dimension eschatologique de ses discours concernant sa politique étrangère est évidente : hâter la bataille de Megiddo (un site biblique situé en Galilée, dans le Nord d'Israël) ou d'Armageddon (Har-Megiddo) qui doit opposer le peuple élu par Dieu, composé de juifs et de certains chrétiens, aux forces du Mal incarnées par l'islam. Mais, la vision délirante du monde de l'administration Bush a toujours été celle de l'Etat profond étasunien...Pour les protestants étasuniens, le monde musulman (indépendamment des clivages qui conduisent régulièrement à des guerres fratricides en son sein) est autant vu comme une menace de type apocalyptique que la Russie. Celle-ci a toujours été perçue comme un Etat menaçant, véritable incarnation du Mal. Pour les fondamentalistes, le livre d'Ezéchiel décrit clairement la Russie. Elle est identifiée au fameux Magog qui selon certaines interprétations est une régions peuplée de Païens, située au Nord du monde et qui doit aux côtés de l'Empire perse - soit l'Iran aujourd'hui - attaquer Israël auquel ces protestants sont "éternellement attachés". La guerre du Levant et l'existence d'un axe Moscou-Téhéran-Hezbollah semble donc venir confirmer les visions d'Apocalypse (rappelons que le mot ne prend le sens de catastrophe définitive qu'au XIXe s.) de ces protestants-évangéliques et sionistes...

Le fantasme de la réalisation du Grand Israël (référence à la Terre promise dans la Torah) est bien sûr central dans cette géopolitique de type eschatologique. Oled Yinon dans un article publié en 1982 dans une revue intitulée Kivunim décrit, à l'appui des textes religieux, ce projet de création d'une entité israëlienne qui renvoie au projet de Grand ou Nouveau Moyen-Orient déjà évoqué : "Lebanon's total dissolution into five provinces serves as a precendent for the entire Arab world including Egypt, Syria, Iraq and the Arabian peninsula and is already following that track. The dissolution of Syria and Iraq later on into ethnically or religiously unqiue areas such as in Lebanon, is Israel's primary target on the Eastern front in the long run, while the dissolution of the military power  of those states serves as the primary short term target. Syria will fall apart, in accordance with its ethnic and religious structure, into several states such as in present day Lebanon, so that there will be a Shi'ite Alawi state along its coast, a Sunni state in the Aleppo area, another Sunni state in Damascus hostile to its northern neighbor, and the Druzes who will set up a state, maybe even in our Golan, and certainly in the Hauran and in northern Jordan. This state of affairs will be the guarantee for peace and security in the area in the long run, and that aim is already within our reach today"[1]

Des extraits de l'article, définissant ce qui est appelé "le plan Yinon", sont souvent repris dans les milieux politiques anti-sionistes. La part de l'influence de ces écrits dans la politique israélienne fait cependant toujours débat...
EXTRAIT d'un livre non publié (JM Lemonnier, 2016)



[1]"A Strategy for Israel in the Nineteen Eighties", http://www.informationclearinghouse.info/pdf/The%20Zionist%20Plan%20for%20the%20Middle%20East.pdf, consulté le 16/03/2016, initialement publié en hébreu dans la Revue Kivunim, A Journal for Judaism and Zionism. Issue No, 14--Winter, 5742, February 1982, Jérusalem : Editeur : Yoram Beck /The World Zionist Organization

Messianisme et eschatologie dans le monde musulman


Messianisme et eschatologie dans le monde musulman


On peut identifier deux types de visions ou d'attentes eschatologiques, parfaitement irréconciliables, chez les musulmans.


La première est celle des islamistes radicaux sunnites et ne s'éloigne guère de celle des protestants sionistes étasuniens. Dans celle-ci, la Russie est le bras armé de l'Antéchrist, de Dajjal contre les musulmans. L'alliance de Moscou et de Téhéran est perçue comme la confirmation des écrits prophétiques. Les Russes alliés aux Chiites hérétiques forment cette armée de l'Antéchrist et combattront contre les authentiques et seuls véritables soldats de Dieu dans une lutte finale apocalyptique. Où l'on se rend compte que l'attente eschatologique des islamistes ressemble fortement à celle des protestants évangéliques et à celle des sionistes en général. Dans chacune de ces "visions", la Russie - le monde orthodoxe - et l'Iran sont les ennemis communs des sionistes et des islamistes. On sait, par ailleurs, à quel point les protestants-sionistes profitent du clivage au sein du monde musulman qu'on ne doit, par ailleurs, pas uniquement réduire à la seule opposition sunnite/chiite. On peut donc dire que l'attente eschatologique protestante et sioniste rejoint celle des islamistes et confirme l'analyse proposée par les musulmans eurasistes ou continentalistes (chiites, certains sunnites, soufis) qui appellent à l'union avec les chrétiens orthodoxes contre le BAO, bloc incluant donc les grandes puissances occidentales sous domination des Anglo-Etasuniens, les monarchies du Golfe arabo-persique, la Turquie et Israël. 


La seconde attente messianico-eschatologique est caractéristique de musulmans radicalement opposés aux islamistes. Dans celle-ci, et selon le prophète Mohamed, Constantinople doit revenir aux chrétiens orthodoxes après la grande guerre de la Fin des temps qui doit opposer les authentiques musulmans (chiites mais aussi pour partie des sunnites, entre autres) alliés des chrétiens orthodoxes, de certains catholiques et de certains juifs. La prise de Constantinople par Mehmet II en 1453 est donc l'œuvre du Dajjal et non pas le fruit d'une conquête faite par des musulmans. C'est le point de vue du  théologien musulman sunnite hanafite, Scheik Imran Hosein. Selon lui, s'appuyant sur une lecture attentive et une connaissance des forces profondes de l'histoire, l'Empire ottoman puis la Turquie n'ont jamais été que des serviteurs de l'Antéchrist et cet Occident de culture judéo-chrétienne perpétuellement en lutte contre la civilisation orthodoxe et le monde de la véritable tradition islamique. Les monarchies du Golfe arabo-persique sont également aux mains d'hérétiques et sont les alliées du BAO.

Ainsi, à la Fin des temps, la Turquie sera vaincue par la Grande Armée musulmane porteuse de la Foi droite, permise par la coalition de l'Iran, de la Syrie et de l'Egypte. Constantinople redeviendra pleinement  chrétienne orthodoxe. Puis, cette armée de musulmans s'alliera à celle de chrétiens orthodoxes pour vaincre l'Occident judéo-chrétien donc le BAO lors de l'ultime guerre qui se déroulera en Syrie. Cette prédiction se base sur une interprétation particulière de la Sourate 30 Ar-Rum (les Romains) du Coran. Pour Imran Hosein, le mot Rum de la Sourate 30 du Coran, dérivé de Rome, correspond à la Troisième Rome, à Moscou donc à la Russie héritière de Byzance c'est-à-dire au monde orthodoxe et non pas à la Rome entendue comme étant l'Occident. "Les Romains ont été vaincus dans le pays voisins , et après leur défaite ils seront les vainqueurs" annonce la sourate. Dans la perspective de cette géopolitique eschatologique, cette Rome là est l'alliée des musulmans défenseurs de l'islam traditionnel. Dans "Une vue islamique de Gog et Magog dans le Monde Moderne", Imran Hosein décrit une guerre nucléaire opposant Gog et et Magog  qui "sera un affrontement entre la Russie, et l’alliance Occidentale Anglo-Américano-Israélienne. Une guerre nucléaire tellement gigantesque entre les Gog et les Magog, de laquelle résulterait une fumée (40 jours durant ?) (Voir Coran, Al Dukhan44 :10-11) qui réduirait la population mondiale de manière significative, et qui transformerait de vastes territoires de la planète stériles, n’est pas exagérée"[1].

Imran Hosein évoque l'imposture que constitue cet Etat qu'est l'Arabie Saoudite et la raison de cette collusion entre le clan séoudien et la secte wahhabite qui "(...) ont conspiré pour créer un état client Anglo-Américano-Saoudien en Arabie qu’ils ont audacieusement nommé Arabie Saoudite. Par ce procédé de création d’Etat client, ils ont détruit Dar al Islam (la terre d’Islam) et le Califat (c.à.d. l’état Khilafah ) que le Prophète béni avait lui-même établi. Ils ont été dupé par le Dajjal dès lors que leur trahison envers l’Islam avait ouvert le chemin aux Gog et Magog vers l’accomplissement de leur rôle étrange décrit dans le Coran (al-Anbiyah’:95-96). L’alliance Saoudo-Wahhabite a aussi rejoint celle des Judéo-chrétiens d’Europe, les préférant ainsi à la solidarité fraternelle avec ceux qui ont proclamé leur foi en l’Islam"[2]. Puis il révèle la nature d'Israël, sa fonction sur le plan de la géopolitique eschatologique, et nous renseigne sur la nature de Gog et Magog : " le Dajjal (...) a exploité les Juifs Sionistes ainsi que leurs alliés Chrétiens tout en défiant la totalité des lois morales et religieuses dans le but de poursuivre cet entêtement à faire d’Israël 'l’Etat dirigeant' du monde. Cet effort a été mené par le biais de 'l’ordre mondial des Gog et Magog'. A la fin de tout cela, tous les Juifs du monde qui persistent dans l’oppression et dans la 'guerre contre l’Islam' feront face au Messie qu’ils ont rejeté et pour lequel ils ont requis la crucifixion. A ce moment précis, Allah le Très Haut, (...) détruira Lui-même cet ordre mondial injuste. Le Prophète Mohammad (...) a prédit qu’une invincible armée avancera vers Jérusalem en libérant tous les territoires sur leur chemin. Le 'Saint' Etat d’Israël remplacera l’actuel imposteur, les oppresseurs seront punis et l’Histoire terminera alors avec le triomphe de la Vérité sur le mensonge, et de la justice sur l’oppression et l’esclavage (...)"[3].

Les analyses géopolitiques de ces musulmans à la Imran Hosein rejoignent donc celles des Européens, Russes ou non-Russes, partisans d'une union continentale eurasiatique, mais aussi de certains Américains du Nord ou de Latino-américains[4], d'Asiatiques, d'Africains qui considèrent que cette guerre en cours ne doit pas se résumer à un affrontement entre chrétiens et juifs d'un côté et musulmans de l'autre.


Extrait d'un livre non publié (JM Lemonnier, 2016)


ARTICLES LIES : http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.com/search/label/g%C3%A9opolitique




[1] Hosein, I. N. (2009). Une vue islamique de Gog et Magog dans le Monde Moderne. http://imranhosein.org/media/books/ivgmmw-french.pdf, traduction française, numéro des pages non indiqués, consulté le 05/03/2016

[2] Idem

[3] Idem


[4] Il n'y a pas lieu de faire dans ce livre l'état des forces anti-BAO présentes ailleurs qu'en Eurasie.

mercredi 17 avril 2019

Terreur de l'histoire - L'abomination de la désolation, 15 avril 2019 - Paris

L'événement que ceux qui observent les symboles donnés et les comprennent attendaient avec angoisse...Quelque chose se montre à nous...
Un événement tragique qui ne prend tout son sens que dans le cadre d'une histoire cosmique...
#terreur_de_l_histoire

 Bien sûr que les gens veulent donner une explication supérieure à cet événement qui touche un lieu spirituel central, un point d'énergie tellurique majeur, un centre sacro-cosmique...Jamais les récits faisant intervenir la négligence ou cette étrange notion de hasard ne seront acceptés hormis chez les irrécupérables dépossédés de toute possibilité de compréhension du symbolisme religieux , et dans les cas les plus graves (en dernière analyse) voués au néant par haine de Dieu et donc d'eux-mêmes. Même les curés larmoyants qui défilent dans les médias sont incapables de (n'osent plus...) donner quelque explication métahistorique à cette expérience.
Ce refus de l'histoire dans sa dimension matérialiste (si on admet que celle-ci n'est qu'un lent processus de désacralisation) est avant tout le signe que l'homme religieux (archaïque) n'a jamais complétement disparu. C'est heureux.
Le sacré (même enfoui) est constitutif de l'homme, il est logé au centre de sa conscience et n'est pas un accident dans l'histoire de l'homme...


 "Et le temple fut rempli de fumée, à cause de la gloire de Dieu et de sa puissance; et personne ne pouvait entrer dans le temple, jusqu'à ce que les sept fléaux des sept anges fussent accomplis.
Et j'entendis une voix forte qui venait du temple, et qui disait aux sept anges : Allez, et versez sur la terre les sept coupes de la colère de Dieu."
Apocalypse de Jean
photographie, source non identifiée...

vendredi 5 avril 2019

Naissance au Ciel du père Jean Boboc 04/04/2019 - Mémoire éternelle !

La naissance au Ciel du père Jean Boboc est une grande perte (doux euphémisme) pour nous qui restons ici à l'état anti-naturel dans ce monde déchu. L’œuvre de ce théologien, sans équivalent dans le monde catholique (et encore moins évidemment chez les protestants) est d'une profondeur et d'une qualité rare.
Jean Boboc est notamment le traducteur d'une partie de l’œuvre de l'immense théologien Dumitru Staniloae. Spécialiste de ce que nos propagandistes modernes nomment "bioéthique", le père Jean a parfaitement compris l'époque que nous vivons qui est "Le temps du suicide anthropologique", de l’éclipse de l'esprit et finalement de la mort de l'homme qui marquent la faillite définitive de la funeste anthropologie dualiste occidentale.
Mais il ne s'est pas contenté de décrire ou d'accuser il a proposé des solutions ou LA solution à travers son onto-théo-anthropologie orthodoxe révélée (forcément ternaire et seule permettant la déification de la nature de l'homme par la pneumatisation de tout son être).
"La grande métamorphose. éléments pour une théo-anthropologie orthodoxe", livre tiré de sa thèse de doctorat en théologie est, à l'évidence, la pierre d'angle de son œuvre.


"Car l'esprit de l'homme se révèle avoir la plus grande conformité potentielle avec celle de l'Esprit Saint", Dumitru Staniloae

Crédit photo : https://www.sagesse-orthodoxe.fr

dimanche 24 février 2019

Christianisme et authentique subversion : remarques...

Mettre en avant la fonction protestataire du christianisme qui n'est pas une religion d'esclaves (comme l'affirme Nietzsche) mais précisément le contraire puisque le christianisme conduit nécessairement à briser les chaînes de toutes les aliénations (en cela le calvinisme est adversaire parfait du christianisme) c'est très bien. C'est intéressant mais cette lecture matérialiste des évangiles en appauvrit considérablement le sens. Elle aboutit à une anthropologie d'une pauvreté absolue, et c'est finalement celle qui nous poursuit depuis le XIIIe siècle. Une anthropologie qui nie l'esprit en niant l'Esprit, parce qu'elle nie Dieu tout simplement. Elle valorise l'homme psychique...C'est ne rien comprendre au sens de l'Incarnation christique et au "mécanisme" de l'authentique rédemption ("Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu")...et réduire le Christ à un Che Guevara de qualité (morale) supérieure...Négation de l'homme total, impossibilité pour l'homme d'accéder à la déification par la pneumatisation de tout son être corps-âme-esprit, seule voie de Salut.
Qui plus est, voir dans les conciles une simple "institutionnalisation" du christianisme c'est passer à côté de la fonction régulatrice, épuratrice de ceux-ci. En écrasant les hérésies christologiques, les premiers conciles réaffirment bien au contraire le sens de l'Incarnation et le caractère subversif du christianisme. Le chrétien n'obéit qu'à Dieu (ni au roi ni à l'empereur - Quelle est la part de Constantin dans l’édification des doctrines ?), au Christ à deux natures non séparées et distinctes et non pas à un "Christ-homme".
La question de l'obéissance est même H.S. car le chrétien vise l'Union à Dieu pas l’imitation par génuflexion. Enfin cette "institutionnalisation" ne sépare en rien l'homme du cosmos puisque la liturgie (instituée), avec ses codes, elle-même est liturgie cosmique, elle abolit toutes la catégories du temps et de l'espace et réconcilie l'homme avec la Création, et l'aide à retrouver sa véritable condition ; notre état en ce monde étant anti-naturel.
Bref, une telle lecture plaisante pour la psyché n'en reste pas moins une poésie vitaliste anti-théologique (le logos est bien autre chose que le logos grec) qui dit "oui à la vie" sans trop envisager le sens vrai de cette existence humaine.


 Commentaires inspirés par Engels et...Cousin : 

Contributions à l'Histoire du Christianisme primitif Friedrich Engels (1894) 

vendredi 23 novembre 2018

samedi 17 novembre 2018

La perte de l'esprit dans le christianisme occidental

Il y a eu, durant des siècles, une lutte au sein du christianisme occidental entre deux visions anthropologiques, (dualiste/ternaire), avant que la première ne l'emporte sur la seconde, avec les conséquences désastreuses que l'on connaît (idéologies matérialistes athées), tuant toute vie spirituelle (éclipse de l'esprit et de l'Esprit saint). L'Occident est d'ailleurs, sans doute, mort de cela...Chronologiquement, on ne peut pas dire qu'il y a eu d’abord une "mort de Dieu", puis une "mort de l'homme" puisque que cette négation de l'esprit (anthropologie dualiste) est négation de l'Esprit donc du Dieu trine. Dieu est mort en même temps que l'homme, puisque la négation de l'esprit nie la possibilité pour l'homme d'avoir une vie spirituelle (seule réellement accessible dans le cadre de cette anthropologie tripartite corps-âme-esprit) et de permettre son achèvement : passage de l'homme psychique à l'homme spirituel (déification/theosis/divinisation), de devenir réellement et totalement une personne divino-humaine. En Occident, seul(e)s certain(e)s mystiques témoignent -échappant comme par...miracle à ce fatum- de cette possibilité d’accomplissement (homme total divinisé).

N.B. sur la perte de l'esprit à partir du XIIIe siècle - dualisme mortifère contre théo-anthropologie ternaire révélée (Fromaget, Boboc). L'involution spirituelle (à partir) du XIIIe siècle évidemment jamais enseignée nulle  part, puisque les matérialistes (nos pseudo-maîtres) sont dualistes.
 On peut comprendre la cassure catastrophique sur le plan spirituel en Occident, simplement en comparant l'art roman à l'art gothique (sans jugement de valeur sur les qualités esthétiques de ces arts).

Voir l'ouvrage de Michel Fromaget "Corps-âme-esprit. Introduction à l'anthropologie ternaire", éd. Almora et Jean Boboc "La grande métamorphose. Éléments pour une théo-anthropologie orthodoxe" , éd. Cerf