https://www.la-croix.com/a-vif/parler-de-civilisation-judeo-chretienne-est-une-supercherie-20250722
Mon commentaire de la position de Sophie Bessis::
:
https://www.la-croix.com/a-vif/parler-de-civilisation-judeo-chretienne-est-une-supercherie-20250722
Mon commentaire de la position de Sophie Bessis::
On trouve des milliers d'écrits reprenant cette version d'une date fête de la Nativité de Jésus-Christ qui aurait été choisie en remplacement de celle des fêtes païennes liées au culte du Soleil invaincu...C'est même la version d'une fête substituée à une autre sans autre explication qui constitue le discours dominant à ce sujet.
Deux exemples dans des revues d'histoire grand public :
https://www.herodote.net/25_decembre_An_I-evenement-11225.php
https://www.historia.fr/id%C3%A9es-recues/j%C3%A9sus-est-n%C3%A9-le-25-d%C3%A9cembre-faux par Catherine Salles, historienne. Bref...
Très peu, en dehors des milieux
de théologiens (et encore) font référence aux preuves scripturaires
permettant de dater exactement la naissance du Christ le 25 décembre. Cette preuve de l'authenticité de la date du 25/12 est indirecte. C'est saint Jean Chrysostome qui à travers son homélie propose la démonstration. Il faut lire l'Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc qui relate l'annonce de la naissance de st Jean le Baptiste. Pour une analyse rapide :
"Or, pendant que Zacharie remplissait sa fonction de prêtre devant Dieu – c’était le tour de sa classe –
il fut désigné par le sort, d’après la règle en vigueur pour les
prêtres, pour entrer dans le temple du Seigneur et y brûler l'encens [Grand Jeûne du Kippour 10 du mois de Tishrî correspondant au 24 septembre]." Luc 1, 5-25
(Zacharie est prêtre-sacrificateur, de la classe d'Abia)
On lit ensuite l'annonciation de la naissance de Jean-Baptiste qui fait écho à Celle du Christ le 25 mars :
"Alors un ange du Seigneur apparut à Zacharie et se tint debout à droite de l’autel des parfums.
Zacharie fut troublé en le voyant et la peur s’empara de lui.
Mais l’ange lui dit : « N’aie pas peur, Zacharie, car ta prière a été
exaucée. Ta femme Élisabeth te donnera un fils et tu l’appelleras Jean."
Ensuite en Luc 1-26 on lit : "Au sixième mois, l'ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, auprès d'une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph. Le nom de la vierge était Marie."
Entendre ici au sixième mois de la grossesse d'Elisabeth. On a donc déjà deux dates : 24 septembre, jour de l'annonciation du Baptiste et le 25 mars, l'Annonciation. Si on compte du 24/09 au 25/03, on a bien une durée de 6 mois. L'Annonciation a bien lieu six mois après l'annonciation de Jean-Baptiste. Marie, la Theotokos, est donc enceinte le 25 mars. Si on ajoute les 9 mois de gestation, on obtient quelle date ? Le 25 décembre.
On objectera peut-être que l'ensemble du corpus néo-testamentaire ne correspond pas à une oeuvre fiable sur laquelle les historiens peuvent s'appuyer. Ce qui est faux. 1) les historiens se basent sur ces écrits pour connaître des éléments de la vie du Christ au moins sa vie publique. 2) les Evangiles ont connu une large diffusion dans l'Antiquité, plus de 5800 copies antiques (de cet ordre). Ce qui est bien plus que les oeuvres de philosophes grecs par exemple. Plus on a de copies plus on peut comparer et mieux on distingue les éléments convergents. A ce titre, les Evangiles sont les écrits les mieux diffusés et sont ceux qui permettent une étude historiographique des plus confortables. En outre, ces copies antiques ont été réalisées sur une période excessivement courte, environ d'une cinquantaine d'années en moyenne (il faut, de surcroît, se replacer dans le contexte de l'époque, difficulté de reproduction, extrême rareté des "ouvrages").
Saint Jean Chrysostome donne d'autres arguments à partir de déductions basées sur la lecture de la Bible croisée à une connaissance approfondie du monde juif et romain. Il faut aussi les lire.
Que nous dit finalement, cette absence de références aux Evangiles (ou à l'homélie de saint Jean Chrysostome) chez ces prétendus historiens ?..
Compte-rendu de lecture : « La grande métamorphose. Eléments pour une théo-anthropologie orthodoxe »
Informations sur l’ouvrage
Titre : La grande métamorphose. Eléments pour une théo-anthropologie orthodoxe
Auteurs : Jean Boboc
Édition : Cerf Patrimoines
Année de parution : 2016
Informations complémentaires : 709 pages
Compte-rendu de lecture
Par Jean-Michel Lemonnier (Doctorant en géographie de l’université d’Angers, laboratoire ESO)
Jean Boboc est prêtre de la cathédrale orthodoxe des saints Archanges, Michel, Raphaël et Gabriel située à Paris et relevant du patriarcat orthodoxe roumain. Docteur en théologie orthodoxe, il est aussi docteur en médecine diplômé de la faculté de médecine de Paris. Enseignant en anthropologie patristique et bioéthique et doyen du Centre orthodoxe d’études et de recherche « Dumitru Stăniloae » fondée en 2008 sur décision du synode métropolitain de la Métropole Orthodoxe Roumaine d’Europe Occidentale et Méridionale (MOREOM), il est également professeur de bioéthique à l’Institut de Théologie Orthodoxe Saint-Serge de Paris. Le père Jean Boboc est l’un des rares traducteurs en langue française des écrits du fameux théologien orthodoxe roumain Dumitru Stăniloae à qui il est redevable autant sur le plan intellectuel que spirituel. On lui doit notamment la traduction d’« Ascétique et Mystique de l’Eglise Orthodoxe » paru aux Editions du Cerf en 2011. Son dernier ouvrage paru « Le transhumanisme décrypté. Métamorphose du bateau de Thésée » aux Editions Apopsix en 2017, livre militant, reflète ses préoccupations relatives à la manipulation du vivant, vis-à-vis d’une médecine au service de « l’homme augmenté » et son inquiétude face à une idéologie qui remet, clairement, en cause la condition humaine et ses limites. Son œuvre forme un tout cohérent et « La grande métamorphose. Eléments pour une théo-anthropologie orthodoxe », son précédent ouvrage qui nous intéresse ici pose les bases d’une pensée exigeante, complexe et subversive qui refuse toute concession à « l’air du temps ».
Le texte présenté est une version à peine modifiée de celui d’une thèse de doctorat soutenue en 2013 à l’Institut Saint-Serge intitulée « Homo absconditus et eschatologicus – éléments pour une théo-anthropologie orthodoxe, ternaire, apophatique et pneumatique ». On trouvera dans cette somme de plus de 700 pages, quelques remaniements essentiellement relatifs aux questions bioéthiques et sociétales, qui sont autant de mises à jour devant une actualité très riche dans ce domaine, mais aussi une bibliographie enrichie. Le propos ambitieux de Jean Boboc est sous-tendu par la question permanente et très vaste de la situation de l’homme dans le cosmos et du sens de la vie. Il est impossible de faire ressortir dans cette note toute la richesse intellectuelle et spirituelle de ce travail. Nous sommes donc condamnés ici à ne présenter que quelques traits saillants et significatifs de ce livre d’une profondeur telle qu’il pourrait bien se révéler tôt ou tard la pierre d’angle d’un nouveau « mode de penser », rendant caduque à terme l’opposition entre sciences profanes et théologie.
Le titre de l’ouvrage annonce clairement l’idée-force qui ressort de ce travail transdisciplinaire relevant à la fois de la théologie, de l’anthropologie, des sciences médicales, de l’écologie (humaine) et de la cosmologie sans confusion, sans séparation pour autant. Il s’agit là de reconstituer (ou constituer) à partir de la théologie des pères de l’Eglise, de l’héritage scripturaire de l’Ancien et du Nouveau Testament et des connaissances scientifiques les plus actuelles, une anthropologie orthodoxe en rupture avec l’anthropologie dualiste du christianisme occidental. Le postulat de Jean Boboc est très clair. Il existe une fracture anthropologique nette entre l’Orient et l’Occident chrétien, et celle-ci précède même, en termes d’importance, la fracture ecclésiologique. Qu’est-ce à dire ? Le christianisme occidental sous l’influence de la pensée grecque, notamment aristotélicienne, a occulté l’ontologie de l’esprit de l’homme. Pourtant, il existe bien une différence fondamentale entre âme et esprit prouvée par les écrits de l’Ancien et du Nouveau Testament. L’homme dans sa « totalité » est bien « corps-âme-esprit ». Si saint Paul est convoqué pour les besoins de la démonstration (et en priorité la première épître aux Thessaloniciens)[1], le corpus johannique, la Génèse et le Deutéronome viennent à propos. Les extraits les plus significatifs de la Bible parlant en faveur du tripartisme anthropologique sont donc soigneusement analysés. Au passage, l’auteur ne rechigne pas à égratigner les exégètes de la Traduction Œcuménique de la Bible (TOB) ni les commentateurs du texte de la Bible de Jérusalem niant le caractère fondamentalement ternaire de l’anthropologie qui ressort des évangiles synoptiques. Mais ce sont aussi les écrits des pères, Grégoire de Nysse, saint Irénée, Maxime le Confesseur, Grégoire Palamas, saint Ephrem ou encore la littérature philocalique, qui permettent à Jean Boboc d’étayer sa thèse. Ce dernier réunit donc un faisceau de preuves lui permettant de démontrer la validité de cette anthropologie tripartite.
L’utilisation du terme « anthropologie » dans ce contexte pose, sans doute, problème si l’on se contente de sa définition traditionnelle et de ses objectifs en tant que discipline au croisement des sciences humaines et des sciences de la nature. Il faut donc accepter dès le début de l’exposé, que cette anthropologie désigne une doctrine révélée avec en son centre ce principe « Dieu a fait l’homme à son image » et donc reconnaître ce parti pris métaphysique. Le père Boboc définit alors son anthropologie révélée ou théo-anthropologie comme « une connaissance du sens de l’homme en dépendance directe du Verbe incarné » (p. 585). « Contre le dualisme anthropologique a-pneumatique, tenu par nous comme le fauteur de tous les maux philosophiques, politiques et théologiques, nous avons proposé l’alternative d’une théo-anthropologie tripartite, pneumatique et apophatique, réorientée sur l’homme mais à l’image de son archétype incarné, constitué d’un corps, d’une âme et d’un esprit, c’est-à-dire d’un corps psychique et d’un πνεῦμα, tout entier appelé à la déification dans l’intégralité de la personne pneumatisée » (p. 587).
La structure ternaire de l’ouvrage : « Sous le signe de l’incomplétude », « Sous le signe de la métamorphose », « La révolution anthropologique.Incarnation-Résurrection », loin de correspondre à un plan dialectique d’inspiration hégélienne reflète, bien plutôt, l’utilisation de la méthode apophatique fixée (et non figée) à travers trois grands moments d’une démarche ontologique permettant d’aboutir à une forme supérieure de connaissance et inscrivant dans le discours argumentatif l’incomplétude qui fait appel à la foi.
Le premier de ces moments est un état des lieux des anthropologies premières. Il s’agit là de passer en revue -sans viser à l’exhaustivité- les grandes traditions philosophiques de l’antiquité des suméro-babyloniens aux néo-platoniciens et ceci n’a pas d’autre objectif que de « rappeler la toute prédominance de l’anthropologie conçue de manière dualiste, le caractère impersonnel de l’âme une fois parvenue à sa perfection, l’absence de téléologie du corps et la thèse contestée de la lente progression de la doctrine de la spiritualisation du pneuma » (p. 143).
Reprenant à son compte (mais hors contexte) la citation de Cioran « si la philosophie n’avait pas progressé depuis les présocratiques, il n’y aurait aucune raison de se plaindre »[2], Jean Boboc condamne la philosophie grecque dans son ensemble du fait de son anthropologie matérialiste a-pneumatique tout en concédant à certains représentants des écoles stoïciennes du monde hellénistique un « monisme spiritualiste où le monde est pénétré de logos et d’esprit » (p.145). L’auteur récapitule ensuite les « moments significatifs » qui ont produit ce concept d’autonomie de la « nature pure » et cette opposition entre nature et surnature irrecevables dans l’orthodoxie chrétienne, de la théologie de la grâce chez saint Augustin aux Lumières en passant par saint Thomas d’Aquin.
Le deuxième moment de la démonstration pose le dilemme anthropologique qui s’offre à l’homme : « naître à l’esprit » ou « cultiver le vieil homme ». C’est là l’enseignement du Christ au Pharisien Nicodème appelant ce dernier à la métamorphose, à mourir à l’ancienne vie pour naître de nouveau. Nous trouvons dans ce moment, la justification de la démarche apophatique « De même il y a une théologie apophatique menant vers les plus profonds mystères divins, de même doit exister aussi une anthropologie apophatique conduisant au mystère profond de l’homme » (p. 187). Si la logique analytique « classique » est mise de côté, c’est pour mieux laisser la place à la logique apophatique permettant d’approcher le mystère de l’homo absconditus, « l’image divine, imprimée et vivante dans la créature » (p.190) qui échappe continuellement aux concepts bornés, à une réalité ontologique insaisissable et qui est appelé à se changer, se métamorphoser par pneumatisation en homo eschatologicus. Ni science, ni philosophie, l’anthropologie révélée orthodoxe est bien une connaissance d’ordre apophatique.
Enfin le troisième moment est celui où Jean Boboc tire les conséquences de « l’unique mutation anthropologique historique », celle de l’Incarnation-Résurrection, véritable essence du christianisme, entraînant la « double mutation ontologique » « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu à son tour » centrale dans toute la littérature patristique de saint Irénée, saint Athanase ou encore, parmi d’autres, Grégoire de Nysse et largement oubliée au sein du christianisme occidental, autrement dit catholique romain et protestant. En effet, sous l’influence d’Anselme de Cantorbery, l’Occident chrétien allait très tôt ne retenir que la première proposition (« Pourquoi Dieu s'est fait homme ? ») condamnant ainsi le catholicisme romain et sa « branche réformée » a une sorte d’hémiplégie spirituelle et évacuant la divinisation, déification (theosis) de l’homme tout entier en ses trois dimensions.
L’auteur met donc en accusation les systèmes anthropologico-philosophiques qui ont, selon lui, totalement échoué à répondre à la question « qui est l’homme ? ». La dimension pamphlétaire de ce livre-thèse est, par ailleurs, clairement assumée. On relèvera quelques titres de chapitres et formules qui témoignent du caractère polémique de l’ouvrage : « L’échec des systèmes anthropologico-philosophiques », « Le naufrage anthropologique » « leur anthropocentrisme réducteur […] appelé aussi à tort humanisme » (p. 167), « L’illusion de l’anthropocentrisme » (p. 195), « l’influence néfaste de la théologie juridico-morale de l’Occident » (p. 468), « les doctrines et théories toujours présentées comme des vérités et non comme des hypothèses […] conduisent à un cul de sac anthropologique » (p. 620), ou encore « Le temps du suicide anthropologique » (p.629) pour désigner notre époque, etc.
Or donc, Jean Boboc reprend là une position assez commune chez les théologiens orthodoxes. Le dualisme du christianisme occidental -héritier de l’a-pneumatisme des philosophies pré-chrétiennes- dont les meilleurs représentants sont certainement Augustin et Thomas d’Aquin, a une lourde responsabilité, notamment, dans la construction du dualisme cartésien, dans celui des Lumières séparant l’homme de son créateur et finalement dans l’émergence des philosophies matérialistes athées du XIXe siècle, du marxisme au réductionnisme psychanalytique assimilant l’esprit à la psyché. D’Aristote aux Lumières en passant par les intellectuels de la Renaissance, de saint Augustin aux penseurs de la mort de Dieu puis de celle de l’homme (transhumanisme), il y a donc un héritage macabre latent : la négation de l’esprit par sa confusion avec l’âme, jusqu’à dans la disparition de cette dernière…
La théo-anthropologie interpelle, bien sûr, des pans entiers de la recherche médicale en particulier la bioéthique. Tout ce que le père Boboc ose nommer « dérives transgressives » (p. 636) de la recherche scientifique émane directement de cette « anthropologie naturaliste et dualiste apneumatique » (Idem). On pourrait penser qu’il s’agit là d’une réactualisation d’un antique débat entre science et religion ou encore d’une volonté de nuire à la marche du « progrès ». Il n’en est rien. S’adossant à Maxime le Confesseur notamment, Jean Boboc défend l’animation immédiate de l’être humain et la coexistence de l’âme et du corps (p. 337) et voit dans les connaissances scientifiques actuelles qui parlent en faveur de l’individualisation de l’embryon dès sa conception, l’assurance de la validité de sa thèse. En outre, la saisie du zygote humain par l’Esprit balaierait définitivement les positions pythagorico-platoniciennes sur la préexistence des âmes, totalement obsolètes, et trancherait définitivement en faveur de l’animation immédiate, et rendrait par incidence intouchables l’embryon humain. Cependant, le père Boboc ne s’oppose en aucun cas à la recherche scientifique en génétique et embryologie tant qu’elle ne menace pas l’être créé. En cela, la méthode actuellement répandue de fécondation in vitro, par exemple, est à proscrire car elle produit des embryons surnuméraires. Pour autant, à titre d’exemple, les travaux récents de chercheurs (Yamanaka, Gurdon), concernant la reprogrammation possible de cellules adultes en cellules pluripotentes (p. 641) ne ferment pas la voie à de nouveaux progrès souhaitables -du point de vue de l’anthropologie orthodoxe révélée- dans le domaine médical car ceux-ci ne transgressent en rien la condition de l’homme créé à l’image de Dieu.
Si ces « éléments pour une théo-anthropologie orthodoxe » sont une dénonciation des « cultures de mort » réduisant l’homme à son corps à l’avoir et au paraître (« somatocratie ») et une mise en garde face aux fausses promesses d’éternité des savants fous du transhumanisme, ils sont aussi et surtout réaffirmation de la promesse et de l’espoir chrétiens de la « grande métamorphose » de l’homme, de sa déification par la pneumatisation de tout son être.