Dans un premier temps, nous revenons sur les événements de la
période 1999-2008, puis nous mettons ensuite en exergue les points
communs qui existent à la fois entre la logique des « guerres
humanitaires » des années 1990, celle des « guerres contre la terreur »
menées depuis 2001 par les différentes administrations américaines et le
« printemps arabe ».
Avons-nous besoin de faire ce détour (ou retour c’est au choix)
historique sur la légitimité (au regard de l’histoire) des Serbes sur
l’espace kosovar ? Nécessairement. L'idée d'un Kosovo, cœur historique,
spirituel de la Serbie est loin de se justifier à des seules fins de
propagande anti-Albanaise.
Nous dirons, simplement, que l’immense majorité des toponymes du
territoire kosovar (98%) sont d’origine serbe. De cette géographie (une
toponymie qui a du mal à mentir), aux faits historiques vérifiables par
les écrits d’historiens byzantins qui remontent au IXe siècle affirmant
l’autochtonie du peuple serbe dans cette région… de la bataille du Champ
des Merles en 1389 qui marque le début de la domination ottomane (et
son illégitimité de fait) dans les Balkans à la création ex-nihilo d’un
État kosovar fantoche en l’an 2008, dont le territoire est recouvert
d’églises, de monastères chrétiens orthodoxes, la légitimité du peuple
serbe sur ces terres de Kosovo-et-métochie n’est même plus à prouver. «
Aucun des peuples chrétiens n’a eu dans son histoire ce que les Serbes
ont au Kosovo » déclarait l’évêque de Prizren au début des années 1990.
Pec située au Kosovo pouvant être considérée comme « la Jérusalem serbe
» est depuis 1346 le siège du Patriarcat de l’Eglise orthodoxe de
Serbie.
La déclaration de Barack Obama, au début de son mandat, qui
promettait, le soutien des Etats-Unis à un Kosovo « multiethnique,
indépendant et démocratique » apparaît à la lumière des faits comme
réellement grotesque, toute emprunte de cette arrogance étasunienne...
Les Albanais sont majoritaires au Kosovo ; ils l’étaient déjà depuis
des décennies, contrairement ce que certains media ont pu déclarer au
moment de l’agression anti-Serbes. L'histoire de ce territoire, depuis
son occupation par les Turcomans, à partir du XVème siècle, est
intimement liée à une volonté des différents régimes d'occupation, avec
l'appui des populations albanaises locales, sinon d'éradiquer toute
présence Serbe, au moins de la « contenir ». Les « ratonnades »
anti-Serbes se perpétuent, par ailleurs, sous le régime Titiste. Tito le
leader yougoslave a ,en effet, favorisé les migrations de populations
venues de l’Albanie voisine du Kosovo. Par ailleurs, cette mise en
minorité progressive des Serbes au Kossovo a été aussi largement
favorisée par les crimes de masses des milices SS albano-kosovares de
sinistre mémoire, formées par les Nazis en 1944 à Pristina (21e
Waffen-Gebirgs-Division der SS Skanderbeg). Ces SS albanais tuèrent 10
000 Serbes, en expulsèrent 100 000 autres et les « remplacèrent » par 75
000 Albanais. Les dynamiques de peuplement du Kosovo ont donc fortement
évolué en faveur des Albanais au XXe siècle. Il faut ajouter à ces
faits, le taux de natalité élevé chez ces populations albanaises et
enfin la fuite des Serbes après 1999, puis suite aux pogroms de 2004 qui
ont fait des Serbes une minorité ethnique (menacée de disparition
totale) dans une large partie du Kosovo. En mars 2004 sous l’œil
impassible de la KFOR et de la MINUK, des nationalistes albanais
assassinent plusieurs dizaines de Serbes, font environ 600 blessés. 30
églises et monastères sont brûlées, des villages incendiés ; des
événements qui ont forcé, une nouvelle fois, depuis 1999, des milliers
de serbes à fuir le Kosovo-et-Metochie.
Au vrai, depuis 1999, les Kosovars albanophones (dialecte guègue),
musulmans « modérés » (sunnites) pour la plupart mènent une politique
sur la « question ethnique » qui fait figure de réponse analogue à celle
de la Serbie des années Milosevic, déclenchée suite aux bombardements
de l'OTAN. Une grande part des 200000 Serbes (mais aussi des populations
Rroms) qui résidaient au Kosovo ont été contraints à se réfugier en
Serbie. Incendies, destructions de monastères chrétiens orthodoxes,
intimidations et exécutions sommaires sont à mettre sur le compte des
membres des milices albanaises.Les Etatsuniens, de par leur « ingérence »
en Serbie/Kosovo, ont donc, dans le même temps, favorisé les
persécutions envers les Serbes et d’autres minorités ethniques présentes
sur le territoire Kosovar, et les revendications pan-albanaises
soutenues par la Turquie « néo-ottomane ».
Il reste que le nord de cette ancienne province serbe échappe,
cependant, encore aujourd’hui au contrôle du gouvernement kosovar. Les
Serbes majoritaires sur cet espace-nord demandent leur rattachement à la
Serbie, Belgrade refusant toujours de reconnaître ce nouvel Etat «
protectorat américain ».
In fine, depuis, les bombardements de 1999, à Pec, siège du
Patriarcat de l’Eglise orthodoxe serbe il n’y a plus de Serbes… En 13
ans, 150 lieux de culte chrétiens orthodoxes ont été profanés, saccagés
ou ou totalement détruits selon l’agence de presse russe Ria Novosti. En
outre, 350 000 chrétiens orthodoxes étaient présents au Kosovo jusuq’à
la fin des années 1990. Seuls 100 000 chrétiens orthodoxes sont toujours
présents au Kosovo « la Jérusalem serbe ». A Pristina, capitale du
nouvel État Kosovar il reste quelques dizaines de Serbes… Une ville qui
en comptait 40000 en 1999…
Il faut, évidemment, insister sur le fait que des Serbes ont été
enlevés durant la période 1998-1999 dans le cadre d’un trafic d’organes
organisé par les mafieux albano-kosovars. 2000 Serbes du Kosovo sont
toujours portés disparus. Des disparitions avec lesquelles nous pouvons, raisonnablement,
faire le lien avec l’économie mafieuse de cette ancienne province serbe.
Nous pouvons nous poser effectivement la question de la viabilité, mais
surtout de la nature, de l’ économie ce nouvel Etat, dont le revenu par
habitant est proche de celui d'un pays comme l'Ethiopie, dont les
infrastructures ont été détruites lors de la « guerre de libération » de
1999 et dont 45% de la population active est au chômage et...qui fait
transiter de l'héroïne selon un axe Afghanistan-Turquie-Albanie-Kososo ;
une économie de la drogue alimentant à hauteur de 70% les trafiquants
d'Europe de l'Ouest...
L’Etat dont l’existence légale a été reconnue, à ce jour, par
uniquement 91 pays membres de l’ONU sur les 193 que compte
l’organisation. Le premier pays à avoir reconnu cet Etat
est...l'Afghanistan. Au sein de l’Union européenne, 5 Etats refusent
toujours d’établir des relations diplomatiques avec ce pays. La
Roumanie, par exemple, s’oppose à sa reconnaissance, assurément du fait
de la présence d’une minorité hongroise transylvaine (Sicules, Magyars),
et de ses vélléités autonomistes-séparatistes, galvanisée d’ailleurs
depuis des mois par les appels incantatoires ethno-nationalistes
pantouraniens de Victor Orban (prêt à délivrer des passeports hongrois
comme des prospectus aux minorités magyares de Roumanie et Slovaquie)
(1)
Du fait de l’absence d’une majorité suffisante reconnaissant cet
État comme légitime, le Kosovo n’est reconnu ni par l’ONU ni par l’Union
européenne.
De la dislocation de Yougoslavie à la reconfiguration territoriale
d’un « Grand Moyen Orient » sur des des bases ethno-religieuses : la
même logique au final...
La République fédérale de Yougoslavie n’a à aucun moment menacé un
Etat membre de l’OTAN. Pourquoi alors l’OTAN décide-t-elle d’intervenir
contre la République Fédérale de Yougoslavie de Slobodan Milosevic ?
L’objectif géopolitique des Etats-Unis dans ce conflit est de
profiter de l’affaiblissement évidente de la Russie de Boris Eltsine,
dans ces années 90, en l’empêchant de conserver (ou renouer) avec sa
zone d’influence traditionnelle. La question de la domination du «
Heartland », i.e. le centre du monde (l’Eurasie), et du « Rimland » sont
centrales dans les motivations américaines à intervenir militairement
dans de nombreuses régions du monde (Spykman, Mackinder). La politique
étrangère étatsunienne se réfère, effectivement, à cette phrase de
Mackinder « Celui qui domine l’Europe de l’Est commande le Heartland.
Celui qui domine le Heartland commande l’Ile-Monde. Celui qui domine
l’Ile-Monde commande le Monde ». Nous savons désormais, tout à fait
clairement, que la stratégie d’encerclement de la Russie, dont l’OTAN
est un des moyens, mais pas le seul (nombre d’officines spécialisées
sont des moyens de déstabilisation de régimes est-européens, sans avoir
recours à la force armée) passe entre autres par la destruction de la
Fédération yougoslave, dans ces années 1990.
La conquête et la soumission du Kossovo fut donc un moyen pour les
Etats-Unis de s’étendre vers l’Est. L’indépendance (disons la mise sous
tutelle par les Américains) du Kosovo avait essentiellement pour but de
s’installer dans les Balkans et donc d’étendre une zone influence sur un
espace laissé vacant par des Russes.
Le soutien aux séparatistes kosovars et la construction camp
américain de Bondsteel (7000 hommes) au Kossovo, qui s’étend sur plus de
55O hectares, a permis le déplacement de troupes américaines sur
l’espace balkanique pour se rapprocher du Moyen-Orient. Bondsteel est
une des deux plus grandes bases militaires américaines situées en dehors
du territoire des Etats-Unis d’Amérique. En Bosnie-Herzégovine une
autre base similaire (Tuzla) a été créée en 1995. Nous retrouvons, par
ailleurs, dans les anciennes « démocraties populaires » cette même
implantation de bases militaires. Leur installation démontre bien, s’il
était encore nécessaire, la désastreuse soumission des gouvernements des
Etats post-communistes d’Europe de l’Est à la politique étrangère
étatsunienne. Cette vassalisation de pays comme la Roumanie ou la
Bulgarie a été d’autant plus facile que, pour une bonne part des
opinions publiques est-européennes, les Etats-Unis sont apparus dans les
années 1980 comme les « grands libérateurs » des peuples soumis aux
régimes autoritaires des Ceausescu et autres Jivkov.
Le camp Bondsteel (premier employeur du Kosovo !) a servi, sert et
servira, de base arrière (ou avancée c'est au choix) pour les opérations
de « guerres de terreur » de l’Armée étatsunienne et de ses alliés en
Afghanistan, Irak, Syrie, Iran… ou dans le Caucase ou « Balkans
caucasiens », le « ventre mou » de la Russie selon l’expression du trop
célèbre Zbigniew Brzeziński (3), politologue américain, qui dans son
livre « Le Grand Échiquier » (1997) prône le soutien de l’administration
américaine aux moudjahidines, par pure pragmatisme, contre quiconque
menacerait l’hégémonie américaine. Si l’Islam radical est depuis 2001,
un ennemi, un adversaire militaire, il reste un allié politique pour
l’Administration américaine, un moyen de déstabiliser des États
réfractaires à l’hégémonie anglo-américaine.
Au passage, signalons la « naïveté » (ou le cynisme, toujours la
même interrogation) de certains universitaires et leurs amis politiques
(Cohn-Bendit par exemple) ayant vu dans l’intervention euro-américaine
de 1999, une défense d’un islam autochtone qui aurait été victime de la «
barbarie nationaliste » chrétienne orthodoxe serbe. Les mêmes qui,
aujourd’hui, applaudissent à la destruction des États arabes laïcs…
En outre, il existe d’autres raisons, quant à cette intervention
militaire contre la Serbie en 1999 et à la création de l’Etat kosovar.
L’une d’elles tient à la question énergétique. Si le pétrole est
absent du sous-sol du Kosovo, le projet AMBO (Albanian Macedonian
Bulgarian Oil) de pipeline associant Albanais, Bulgares, Macédoniens et
Etasuniens, transportant du pétrole de la mer Caspienne à l’Adriatique,
devait conduire à écarter les Serbes (donc les Russes) de cette partie
de l’espace balkanique. Ajoutons que si le Kosovo n’a pas de pétrole,
ses ressources minérales (lignite, or, argent, etc.) sont conséquentes…
Or donc, nous voyons désormais, assez facilement, le lien existant
entre cette « ingérence balkanique » des années 90 et la liquidation
systématique des gouvernements des États du « Grand Moyen-Orient »,
couvrant ce vaste espace de la Tunisie à l’Asie centrale. Nous évoquions
-de manière très elliptique- en conclusion d’un précédent article
cette stratégie américaine du « Nation Building », celle-là même qui
sous-tend les bouleversements géopolitiques liés à ce « printemps arabe »
devant mener à l’émergence d’un nouveau « Grand Moyen-Orient »,
c'est-à-dire, en réalité, à une reconfiguration de cet espace amenant à
la création d’entités territoriales sur des bases ethno-religieuses…
pour le plus grand plaisir de l’ami israélien. Nous laissons au lecteur
le soin de prendre le temps de bien analyser la carte, s’il ne la
connaît pas encore, au regard des événements actuels se déroulant de la
Tunisie à l’Asie centrale, en passant par les « fameux » « Balkans
caucasiens » de Brzeziński. http://lejournaldusiecle.files.wordpress.com/2012/08/project-for-the-new-middle-east.jpg?w=600&h=430 (Carte sous Copyright 2006 du Lieutenant-colonel Ralph Peters).
De la destruction de la Yougoslavie sous prétextes humanitaires à
ces guerres d’agressions (Guerres contre la Terreur) de l’Irak à la
Libye, ayant abouti à la disparition de ces Etat laïcs, socialistes et
nationalistes qui avaient réussi à contenir les fondamentalismes
religieux, l’impérialisme anglo-américain a favorisé la montée en
puissance d’islamistes dans les Etats pré-cités. Hier, la partition de
la Yougoslavie, celle aujourd'hui en cours de la Libye et de l'Irak et
de d'autres États encore permettront la prise de contrôle définitive de
l'Heartland et du Rimland...donc du monde.
Nous retrouvons cette même logique du « diviser pour mieux régner ».
Qu’un terrorisme de basse intensité, des conflits larvés, des
assassinats, des destructions de lieux de cultes persistent sur ces
territoires violés (volés) après le passage de la monstrueuse machine de
guerre anglo-américaine n’empêchent pas de « faire des affaires » ou de
s’approprier les ressources du sous-sol, par exemple. Au contraire ces
phénomènes participent à empêcher la réalisation du cauchemar américain :
l’avènement d’un monde multipolaire…
Mais des puissances comme la Russie ou la Chine se
contenteront-elles de regarder encore longtemps la mise en place
progressive de ce nouvel ordre global unipolaire ? La réponse est
évidemment : non... Très fermes sur le « dossier syrien » et menaçantes
envers les États-Unis et leurs alliés en cas d'intervention militaire
contre le régime Assad, le rêve d'hégémonie globale étasunien est loin
d'être concrétisé...
(1) Orban appelant ces « Hongrois de l’extérieur » (les Magyars,
peuple « semi-asiatique », descendants des Huns (sic)), à rejoindre la
mère patrie en revisitant au passage l’Histoire récente par la remise en
cause de la légitimité du Traité de Trianon (1920), ayant permis à la
Roumanie de récupérer cette Transylvanie qui lui revenait pour des
raisons historiques évidentes...
(2)
« OTPOR » soutenue par la CIA présente en Serbie, également derrière
l’opération « Pussy Riot » est un de ces nombreux vecteurs de
déstabilisation. Voir un de nos articles précédents : "De l'idéologie dominaante..."
(3) Brzeziński inventeur du concept de « tittytainment ».
par Jean-Michel Lemonnier
http://jean-michellemonnier.blog.fr/2012/06/11/serbie-1999-de-la-dislocation-de-la-yougoslavie-au-projet-de-grand-moyen-orient-deuxieme-partie-16306000/