: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes

dimanche 15 février 2015

Liturgie orthodoxe, cosmique : exemple de la fête de la théophanie et du sacrement du baptême, une renovatio totale


La liturgie orthodoxe est une liturgie cosmique car elle convoque toute la Création, s'adresse au cosmos tout entier. Les fêtes liturgiques, le sacrement de l'eucharistie (action de grâce) réactualisation non sanglante du sacrifice christique, présentent un caractère cosmique clairement affirmé. C'est la création tout entière qui est bénie, de prime abord sanctifiée par la réactualisation des Événements, des Temps forts de la vie du Christ. Prenons l'exemple de fête de la théophanie et du baptême. D'une part, lors de la théophanie (épiphanie catholique), le fidèle revit le baptême du Christ (qui révèle au monde sa nature divine) par la régression ab origine, c'est-à-dire en devenant contemporain de Jésus-Christ, il intègre l'époque où le Christ a vécu. Lors du sacrement du baptême, le croyant imite Jésus-Christ  en recevant le "don de l'Esprit" par abandon du "vêtement de corruption". Le baptême du Christ est un acte exemplaire qui a eu lieu à ce moment et qu'imite donc le fidèle. D'autre part, l'officiant bénit à la fois les eaux de la piscine baptismale mais également toutes les eaux de la Terre. Ainsi, l'acte rituel des "bains de la Théophanie" et la bénédiction des eaux chez certains orthodoxes sont un témoignage du caractère cosmique de la liturgie orthodoxe. Les fidèles orthodoxes reconnaissent à ce moment les vertus miraculeuses, guérisseuses, de ces eaux car par leur renovatio, elles acquièrent un nouveau statut intégrant le corps de Gloire de Jésus-Christ révélé comme seigneur de l'Univers, de toutes choses existantes, visibles ou invisibles. Le fidèle est purifié, par l'immersion meurt à l'ancienne vie et en sortant victorieux des eaux devient, à l'instar du Christ un nouvel Adam. La cérémonie rituelle a pour fonction de retrouver l'innocence primitive du premier homme au sein d'une nature non souillée, immaculée. L'apôtre Pierre dit que "le baptême sauve". Il sauve et produit le "nouvel homme" mais délivre aussi l'univers tout entier qui est sauvé des conséquences de la Chute originelle. Aussi, on ne peut pas dire que la nature est seulement sanctifiée par la bénédiction car, en effet, elle retrouve un caractère sacré. 
Le baptême est donc à la fois mort initiatique et renovatio individuelle pour le converti, tout autant que reconnaissance du caractère sacré des éléments de la Création : la nature (les eaux), elle-même est sauvée, rénovée. Le régime existentiel du baptisé tout autant que celui de la nature est bouleversé. Tout (animés et non-animés) accède à un mode d'être supérieur, différent de ce qui prévalait antérieurement. Par le sacrement, le cosmos est aussi est appelé à la Vie nouvelle. Nous sommes donc bien en présence d'une sotériologie cosmique. Ainsi, l'analyse assez répandue opposant paganisme et christianisme (soit d'un côté le sacré, de l'autre le saint ; par l'avènement du christianisme la nature ne serait donc plus sacralisée mais sanctifiée) doit être remise en cause. Le christianisme, surtout dans sa version orthodoxe, reconnaît donc bien en vérité la sacralité de la nature, des éléments, de l'univers dans sa totalité, le monde suprahumain y compris. 
Montage, JML, 2014
Voir aussi : 
http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.fr/2015/01/theophanie-et-bapteme-du-christ.html






lundi 2 février 2015

Imbolc, purification et promesse d'une renaissance, déesse Brigid et sainte Brigitte de Kildare (1er-2 février)

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On parle d'Imbolc ou d'Oilmec c'est-à-dire "ewe's milk", "lait de brebis", le lait est prêt à couler en abondance car la brebis a mis bas, tout comme la déesse Brigid qui met au monde un dieu qui va grandir et prendre des forces, à l'instar de la période diurne de la journée qui se "renforce" en se prolongeant. Fête marquée par des rites de fécondité et de lustration (le lait, l'eau et la terre et le feu sont les éléments des rituels festifs), Imbolc marque la mi-saison hivernale, le début du réveil de la vie et une promesse de renaissance totale, de nouveauté, de joie nouvelle et complète qui viendra plus tard : le printemps annonce sa venue prochaine...Les heures d'ensoleillement plus nombreuses désormais réveillent progressivement la vie de plus en plus exposée (mais insuffisamment) à la lumière du soleil qui poursuit sa course depuis sa victoire sur la nuit lors du solstice d'hiver.
Imbolc, fête agro-pastorale, est liée aux premières naissances et Brigid la triple déesse trifonctionnelle protège les nouveaux-nés (le sien, cf. SUPRA) et le foyer, elle est gardienne du feu, et protrectrice des bardes, des poètes, des arts...Les premiers végétaux à s'extraire timidement de la terre sont une manifestation du sacré pagano-chrétien, ils sont les signes des premières joies de la certitude que la nature va revivre, suite au combat contre la mort et les ténèbres de l'hiver, ils sont la preuve que le cosmos tout entier travaille ou continuer à travailler -depuis le retour du soleil invaincu incarné dans et par le Verbe- à la victoire définitive des forces de vie, de la lumière du soleil et de la Lumière du Christ (dans une optique chrétienne) sur les ténèbres à qui il reste peu de temps avant leur défaite définitive...La nature "revient à la vie" peu à peu et est dans l'attente de l'accomplissement de la promesse equinoxiale de renouveau...de la résurrection du christ cosmique.
Voir : Calendrier



jeudi 29 janvier 2015

Miorița, espace mioritique et autochtonisme

Miorița est une célèbre ballade, un véritable monument de la culture populaire roumaine, expression du génie roumain. Version du texte en français. 
A partir de ce poème populaire, des intellectuels roumains comme Lucian Blaga ou Mircea Eliade ou français comme Jules Michelet ont extrait une matière ayant permis de définir l'essence de l'âme roumaine.
De Miorița, se dégage les traits de cet espace mioritique, espace géographique autant que philosophique, autant réel que symbolique, paysage fait de collines à l'horizon limité rappelant le pays des Moți dans les Carpates occidentales ou les collines moldaves de Bălănești, en même temps que paysage mental "ondulé" mythico-cyclique, "matrice stylistique" de la culture roumaine, vagina nationum, berceau du peuple roumain, espace matrice de l'âme roumaine profondément marquée par l'idée de destin selon le philosophe Lucian Blaga.


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Quand le Français  Michelet  voit dans dans "Miorita" (MioritSSa) l'expression d'une psychologie roumaine fataliste, "défaitiste", Eliade le Roumain analyse la réaction du pâtre face à la menace d'une mort certaine comme une réponse d'ordre cosmique à la Terreur de l'histoiretypique de l'attitude de l'homme archaïque de la protohistoire. Il s'agit d'une union mystique du berger avec le cosmos, de la transfiguration d'un événement tragique (la mort) en sacrement (non dans un sens purement chrétien), en un drame liturgique, en Mystère auquel participe le cosmos tout entier. La fiançée mystique, la mort, les astres, le soleil et la lune, témoins du monde, le dialogue du paysan avec ses animaux (l'agnelle voyante) forment un tableau mythico-religieux, une liturgie cosmique : "La nature tout entière devient église" (Lucian Blaga), pour Mircea Eliade "la mort est transmuée en Noces mystiques".
Au moment, de l'unification des différents pays roumains, l'ensemble des éléments de ce poème interprétés par Blaga puis par Eliade constitue un enseignement réutilisable pour la jeune nation roumaine qui peut se reconnaître dans une vision du monde verticale et hautement sophistiquée, à l'écart des influences occidentales, loin du libéralisme, de la démocratie bourgeoise, du laîcisme, de l'athéisme, du marxisme ou du nihilisme moderne plus généralement...

La déshistoricisation, la mythification, de facto la sacralisation du récit poétique qui inscrit le paysan (l'homme du pays) dans une histoire cosmique, permettent donc de justifier un autochtonisme, des valeurs indigènes spécifiques au peuple roumain (mais qui écartent de fait les quelques groupes de populations minoritaires) qui s'expriment à travers un christianisme, en partie affranchi du poids de l'histoire (transhistorique),  création originale conçue dans la réalité d'une Weltanschauung indo-européenne archaïque enracinée au coeur du christianisme orthodoxe. Voilà ainsi expliqué à partir de ce haut patrimoine de la culture littéraire roumaine, le christianisme cosmique et populaire cher à Mircea Eliade.
Cet espace mioritique est donc l'espace-matrice philosophico-géographique d'un peuple roumain qui mépriserait l'histoire -antihistorique- (et vivrait encore de nos jours, de toute évidence de manière résiduelle, ce mode d'être au monde étant désormais le fait de quelques communautés rurales présentant encore un caractère "traditionnel") à travers cette vérité toujours renouvelée, ce "mode d'être dans le monde" (Eliade, M.) qu'est le mythe. Une conception du temps et de l'espace, une vision du monde dans lesquelles, cependant l'ensemble des peuples eurasiatiques peuvent (ou pouvaient) se reconnaître.
Nostalgie de l'espace de vallées, cultivée au sein d'une psychologie roumaine, désormais éloignée de ce paysage mythico-géographique, qui à travers le contenu métaphysique du mot "Dor" exprime par le langage la mélancolie d'un peuple originairement agro-pastoral (la campagne est vagina gentium), la nostalgie d'appartenir à un cosmos unifié, sacré, sans divisions aliénantes. Cette nostalgie des origines ne peut, en aucun cas s'éteindre, et l'homme rationnel incarné dans l'individu moderne a-religieux est une abstraction, un pur mensonge. Il existe, en effet, toujours une pseudo-religion (idéologies politiques  marxisme fascisme, libéralisme, etc. grand-messe sportive, etc.), des croyances déguisées qui trahissent l'incurable dimension religieuse de l'être humain.

Texte de la ballade : http://www.romanianvoice.com/poezii/balade/miorita.php

Miorița, récitée

jeudi 22 janvier 2015

L'OEUVRE DE MIRCEA ELIADE : ENTRE NOSTALGIE DES ORIGINES ET VOIE POUR L'INSURRECTION DE L'ÊTRE CONTRE L'HYPERMODERNITÉ (publication scientifique dans une revue à comité de lecture)




Translated Title: MIRCEA ELIADE'S WORKS: BETWEEN THE NOSTALGIA OF THE ORIGINS AND THE WAY FOR THE UPRISING OF THE BEING AGAINST HYPERMODERNITY
Publication: Annals of "1 Decembrie 1918" University of Alba Iulia - Philology (15/2/2014)
Author Name: LEMONNIER, JEAN-MICHEL;
Language: French
Subject: Culture and Society
Issue: 15/2/2014
Page Range: 18-37
No. of Pages: 20
Summary:  

He will not be here to make yet another comment about a work which is already widely discussed, showing the contributions of thereligious historian regarding the understanding of religious phenomena or theexperience of the sacred, but rather to try to extract work from the materialneeded to build a liberating way for the individual with a hypermodernistattitude. Even more than an alternative path of salvation in the religious sense,it is a revolution of the human being, who has been shrugged off of all hisillusions about politics, world trading, egotistic exchange that takes shapewithin what we call the "eliadean system". We know about the similaritiesbetween Mircea Eliade's and Corneliu Zelea Codreanu's new man, but we musttranscend this identification corresponding to a particular historical contextand review the work of the religious historian to overcome any collusion withany particular political ideology. In a similar manner, we try to show that alarge part of his work - if not all - goes beyond the development of a "newhumanism" and traces a possible path for the insurrection of man by a return to his own center. Therefore, Mircea Eliade would not be the voice of arevolutionary vanguard guiding the man, but the inspiration of a completerevolution of the man who is beyond the world of the technician and of themercantile illusion, which takes place in its "cosmic utterness". Thus, Eliade'swork would carry the answers that can lead us to the end of the night of theillusions of materialistic societies and would predict an insurrection of the realbeing, of the quality who dares to face the reign of quantity and fragmentation,in order to permanently abolish it by a metanoia. So, the work of the Romanianscientist certainly announces - to be sure indirectly - the end of all ideologiesand brings all the stones for the construction of a "non-ideology" or "nonphilosophy"that exceeds all religious and political categories, the base of anew society: a community of the real being. In other words, when talking about his work, Eliade tells us how this nostalgia of origins can be sublimated and become a source of renewal and absolute, leading us to think about the modern world and all its paroxystic extensions as being a historical parenthesis, hopeless, destined to be abolished, in order to make way for the man exempted
of his alienation, free from all possible burdens: the membership to a social class, varied delusional beliefs, narcissism and self-hate, death anxiety, adoration of immediacy...

Keywords:
 cosmic totality; Mircea Eliade; revolt against, hypermodernity; alienation


jeudi 8 janvier 2015