"Le mouton et les chevaux" "Un mouton qui n'avait pas de laine vit des chevaux, l'un d'entre eux tirant un chariot, l'autre portant une grosse charge, l'autre portant un homme et allant plus vite. Le mouton dit aux chevaux : 'Mon coeur souffre de voir un homme dirigeant des chevaux.' Les chevaux dirent : 'Écoute, mouton, notre coeur souffre quand nous voyons ceci: un homme, le maître, prend la laine du mouton pour en faire un vêtement. Et le mouton n'a plus de laine. Ayant écouté cela, le mouton partit dans la plaine."
La fable construite par le linguiste August Schleicher au XIXe s. qui tente de récréer un possible langage proto-indo-européen (P.I.E.) ou indo-européen commun. En s'appuyant sur les découvertes récentes sur le P.I.E, Andrew Byrd linguiste (Université du Kentucky) récite cette fable que l'on entend sur l'enregistrement.
La version originelle de cette fable écrite par Schleicher. A comparer avec la version la plus récente (cf. supra) : Avis akvāsas ka
Avis, jasmin varnā na ā ast, dadarka akvams, tam, vāgham garum vaghantam, tam, bhāram magham, tam, manum āku bharantam. Avis akvabhjams ā vavakat: kard aghnutai mai vidanti manum akvams agantam. Akvāsas ā vavakant: krudhi avai, kard aghnutai vividvant-svas: manus patis varnām avisāms karnauti svabhjam gharmam vastram avibhjams ka varnā na asti. Tat kukruvants avis agram ā bhugat.
Un autre texte récité par le même Byrd. Basé sur un passage du Rig-Veda ou livre des hymnes, un des quatre grands textes sacrés de l'hindouisme (le plus important). Cantiques rédigés en sanscrit védique :
H3rḗḱs dei̯u̯ós-kwe
H3rḗḱs h1est; só n̥putlós. H3rḗḱs súhxnum u̯l̥nh1to. Tósi̯o ǵʰéu̯torm̥ prēḱst: "Súhxnus moi̯ ǵn̥h1i̯etōd!" Ǵʰéu̯tōr tom h3rḗǵm̥ u̯eu̯ked: "h1i̯áǵesu̯o dei̯u̯óm U̯érunom". Úpo h3rḗḱs dei̯u̯óm U̯érunom sesole nú dei̯u̯óm h1i̯aǵeto. "ḱludʰí moi, pter U̯erune!" Dei̯u̯ós U̯érunos diu̯és km̥tá gʷah2t. "Kʷíd u̯ēlh1si?" "Súhxnum u̯ēlh1mi." "Tód h1estu", u̯éu̯ked leu̯kós dei̯u̯ós U̯érunos. Nu h3réḱs pótnih2 súhxnum ǵeǵonh1e.
"The King and the God" "Once there was a king. He was childless. The king wanted a son. He
asked his priest: "May a son be born to me!" The priest said to the
king: "Pray to the god Werunos." The king approached the god Werunos to
pray now to the god. "Hear me, father Werunos!" The god Werunos came
down from heaven. "What do you want?" "I want a son." "Let this be so,"
said the bright god Werunos. The king's lady bore a son."
L'étude des peuples indo-européens a fait l'objet de tellement de funestes récupérations politiques qu'il est presque devenu "suspect" aux yeux de certains idéologues de s'intéresser à ce thème. Évidemment (et encore une fois), nous nous moquons bien de savoir ce que peuvent penser les intégristes de tous bords, au sujet d'une personne s’intéressant (en tant que chercheur qualifié, passionné, dilettante ou en simple curieux) à ce vaste sujet qui amène à se pencher autant sur la linguistique, que l'archéologie ou encore l'anthropologie. Et encore une fois on se demande bien en quoi le fait de s"intéresser à ses racines (très) lointaines serait systématiquement une marque de mépris ou de rejet envers d'autres "racines" différentes des siennes. Mais passons.Faisons donc le pari de l'intelligence du lecteur... J'en finirai avec ces remarques liminaires en reprenant cette phrase dite par une professeur d'histoire : "Dieu
seul sait d'où nous venons et encore il doit bien s'y perdre dans tout
ça". Le "ça" fait évidemment référence aux migrations, invasions,
colonisations, métissages avec des peuples non Indo-européens (rencontre avec les peuples mégalithiques en Europe ou avec les mélanésiens en Inde par exemple) que les peuples indo-européens dans leur
totalité ont subi ou accompli au fil des millénaires et à la difficulté
de pouvoir connaître ses origines exactes en tant que peuple et encore
plus en tant que personne (a). Les travaux en génétique confirment évidemment cette intuition. Autrement dit, les thèses racialistes se servant des études indo-européennes pour mettre en évidence l’existence d'un type anthropologique indo-européen "supérieur et pur" sont nulles et avenues.
Or donc, on ne peut guère évoquer le sujet des études indo-européennes sans bien sûr rappeler l'apport fondamental du comparatiste, philologue, mythologue Georges Dumezil dans la compréhension du mode d'organisation, de fonctionnement des sociétés indo-européennes. Dumézil a en effet montré que l'organisation tripartite des sociétés indo-européennes était la traduction de la structure des mythes de ces mêmes peuples. De surcroît, on sait grâce à Georges Duby que les sociétés médiévales européennes, d'Ancien régime plus généralement, ont hérité de cette organisation trifonctionnelle. Enfin, on aurait donc du mal à se passer de l'apport des études indo-européennes pour comprendre l'histoire des sociétés européennes jusqu'à la révolution française qui marque véritablement la dispartion de ce type d’organisation sociétale.
Concernant le P.I.E. Il n'existe aucune trace écrite en langue indo-européenne commune (ou P.I.E.). De fait, les retranscriptions présentées ci-dessus se basent sur l'ensemble des travaux en linguistique comparée mais aussi l'archéologie et donc sur différentes hypothèses et spéculations de chercheurs depuis le XIXe s. Pour resituer l'origine de cette quête de recherche d'une langue à partir de laquelle seraient issues des "langues filles", on peut remonter aux XVIe s. et XVIIe s. avec les premières hypothèses émises quant à l'existence d'une langue mère génitrice de nombre de langues eurasiatiques. Mais cette reconstitution du P.I.E. reste partielle.
En ce qui concerne, le foyer primitif ou aire de répartition originelle des Indo-Européens, plusieurs hypothèses ont été émises :
1) "L'hypothèse Kourgane" (culture de Samara) proposée par Marija Gimbutas (citée par Eliade dans son dictionnaire des religions) qui situe les Indo-Européens non différenciés dans la steppe Pontique (nord de la mer Noire) avant le début des migrations/invasions guerrières initiées à partir de 4000 av. J-C. Dispersion dans trois directions majeures : L'Inde, l'Europe occidentale et l'Anatolie.
C'est l'hypothèse couramment acceptée.
Foyer originel (culture de Samara) en violet et expansion des Indo-européens primitifs selon l'hypothèse kourgane
2) "L'hypothèse anatolienne" : le foyer originel serait la Turquie. La diffusion Indo-Européens (et du P.I.E./langues) aurait débuté vers 8000 av. J-C sur un mode plus pacifique que selon l'hypothèse précédente et cela en même temps que l'agriculture (Colin Renfrew).
Utilisation de la méthode de "Monte-Carlo par chaînes de Markov", incompréhensible pour le commun des mortels (dont l’auteur du présent article évidemment) pour bâtir cette hypothèse. On peut, au moins, considérer que la méthode qui consiste à s'inspirer des théories de la biologie évolutive pour comprendre l'évolution des langues est contestable. L'analogie entre un gène (ou un virus) et une langue étant "douteuse".
Classification des langues indo-européennes en l'état actuel des connaissances
(a) on ne parle évidemment pas
ici de la "simple" recherche généalogique qui ne peut guère nous
permettre dans le meilleur des cas que de retrouver une filiation depuis
la fin du XVIe s., exception faite du cas de personnes issues de certains milieux sociaux/castes.
"Tu
viens et tu nous dis: vous êtes les derniers paysans en Europe/au monde, vous
devez disparaître. Moi, je te dis: pourquoi ne serait-ce pas toi le dernier
con au monde et que ce serait à toi et non à moi de disparaître ?" (traduction libre, vidéo)
Le paysan (pas l'agriculteur moderne areligieux (1)et "destructeur") roumain (2), homme religieux, en solidarité mystique avec les rythmes cosmiques, croit au Christ Pantocrator qui descend sur terre (3) pour rendre visite aux paysans. Une croyance qui renvoie à un christianisme cosmique (christianisme populaire) et dominée par la nostalgie d'une nature sanctifiée par la présence de Jésus-Christ. Le paysan est "homme véritable" car il se conforme à l'enseignement des mythes (mythos, c'est la parole vraie), à des modèles exemplaires venant de ses ou de son dieu. Il est, à la fois, allié et auxiliaire de Dieu car c'est un créateur. En effet, en prenant possession d'un lieu, il transforme le chaos en cosmos. Il participe à l'instauration d'un ordre cosmique. Il faut donc bannir l'idée selon laquelle l'homo religiosus fuirait l'histoire en cherchant un refuge dans le sacré, le "religieux mythique". Au contraire, il s'y implique pleinement en combattant, sans cesse, par la ritualisation, notamment, des "forces" du chaos qui peuvent condamner son monde. Tout cela suppose que pour le paysan-religieux, le temps et l'espace sont forcément hétérogènes. Pour lui, il existe donc un Temps sacré, mythique et réversible d'une part et un temps profane, ordinaire, historique et irréversible d'autre part. L'homme religieux fait aussi l'expérience et a conscience de l'existence d'espaces de "qualités" différentes, autrement dit d'un espace fait de ruptures : l'espace sacré et réel et l'espace profane, irréel, "amorphe" et chaotique, quotidien, où l'homme subit des "obligations". Le paysan cherche à retrouver ou réintégrer l'aurore cosmogonique, c'est-à-dire qu'il réactualise un événement s'étant déroulé in illo tempore en construisant sa maison par exemple. Celle-ci est conforme à un prototype céleste ou cosmique. L'espace profane qui n'était que chaos devient, par incidence, un espace sacré et centre du monde. L'homme religieux crée ainsi son propre monde et en veillant à la survie de celui-ci, il assure la sienne. Que l'on compare simplement le rôle assigné à une habitation moderne selon le furieux techniciste Le Corbusier et son '"habitat fonctionnel" et concentrationnaire (4) ou selon n''importe quel architecte-urbaniste qui doit obligatoirement satisfaire à la "nécessité capitaliste" moderne, avec celui dédié à une demeure selon l'homo religiosus et on comprendra ce qui différencie une existence moderne d'une existence traditionnelle.
Or donc, à travers ces croyances et surtout cette Weltanschauung ou vision du monde, on peut identifier une révolte passive du paysan donc de l'homme religieux contre les agressions de l'histoire, les guerres, les invasions (5) les dominations imposées par différents "maîtres". L'histoire -le temps irréversible- est la plus grande menace pour l'homme religieux dont les derniers paysans roumains authentiques présentent, encore de nos jours, quelques unes de ses qualités. En s'inscrivant dans une perspective cosmique, les sociétés paysannes ou agricoles traditionnelles d'Europe centrale et orientale (pacifiques la plupart du temps) se révoltent (ou se révoltaient...) alors contre une histoire tragique et injuste... Elles luttent contre le temps historique destructeur et cherchent à contrer son irreversibilité. ______________________
(1) Même si l'homme fondamentalement a-religieux, donc moderne ou post-moderne est rare, peut-être introuvable, il se différencie de "l'homme religieux authentique conscient" de part son absence de solidarité avec la nature et le cosmos. Plus l'homme est religieux, plus il a de modèles exemplaires inspirés des dieux, moins il l'est, moins il possède de ces modèles, plus la place du "profane" est grande et plus ses activités deviennent "aberrantes" puisque ces dernières ne correspondent à aucun modèle transhumain. Le passage d'une vision traditionnelle ou archaïque du monde à une vision moderne désacralisée est donc une effroyable dégradation du sens de l'existence humaine...
En outre, qu'on ne confonde surtout pas le moderne (agriculteur ou non) installé à la "campagne" (on ne discutera pas du terme employé) qui vit dans un monde désacralisé avec le paysan des dernières communautés agro-pastorales traditionnelles est-européennes... (2) Ce n'est évidemment plus le type dominant, même en Roumanie et en Europe centrale et orientale plus généralement.
(3)Il s'agit là de la hiérophanie suprême, le dieu qui se fait homme et s’incarne de fait dans l'histoire. Se référer à (toute) l’œuvre d'Eliade : "Aspects du mythe", "Le sacré et le profane", "La nostalgie des origines", "Le mythe de l'éternel retour", "Mythes, rêves et mystères", etc. (4) les "utopies" actuelles, certes moins ambitieuses mais tout aussi "involuées", telles la "ville durable"/normes HQE, etc. appartiennent au même "inconscient moderniste" anti-traditionnaliste. (5) à ce propos les pays roumains, de par leur position au sein de l'espace eurasiatique, ont constamment eu à subir les agressions des différents empires voisins (ottoman, russe, austro-hongrois puis soviétique) mais aussi celles des mouvements migratoires de différents peuples (Mongols, Slaves, Tatars...) et aujourd'hui celles de l'impérialisme occidentiste (capitalisme-démocratie-communisme) ou occidentaliste/atlantiste (euro-étasunien).
Pasolini,
marxiste critique à l'égard du "développement", "chrétien primitif" (et pagano-chrétien),
contre l'hédonisme, le permissif, le consumérisme qui relèvent du
conformisme petit-bourgeois (encore aujourd'hui, le succès de Michel
Onfray en France dans certains milieux illustre bien ce constat), contre
cette extrême-gauche des années 60 et la stupidité de ses thèses
("politique de la table rase"), mais aussi rejet de l’Église instituée
et de ses clercs qui préférèrent s'assoir à la table des "dominants", de
la droite capitaliste-fascisante italienne. Une Église progressivement
éjectée du jeu politique puisque devenue "inutile". Pasolini met en
avant l'idée que l’Église catholique romaine ne joue plus aucun rôle
dans l’oppression des peuples occidentaux (et dans celle de la femme, de
fait) et que la plus terrible des aliénations est celle de la
soumission au "spectaculaire marchand". En outre, l’Église doit donc en finir avec ses trahisons à l'égard du message du Christ et de son peuple et devenir le fer de lance des révoltes populaires à venir. Pasolini
écrira dans une série d'articles que l'on retrouve dans "Écrits
corsaires" (cf. infra) que la société de consommation, "l’hédonisme de
masse" (c'est son expression) et ce néo-capitalisme qui émergent dans
les années 60 et 70 ont réussi à créer un type anthropologique d'un
genre totalement nouveau et la "réduction [des Italiens et de tous les
'occidentaux'] à un modèle unique", "Frustration ou carrément désir
névrotique sont désormais des états d'âme collectifs".
Cependant,
derrière l'expression "société de consommation", Pasolini ne semble
guère vouloir distinguer la consommation qui permit aux plus modestes
d’accéder à des produits d'équipements qui ont pu améliorer leur vie, de
cette "consommation ludique, marginale et libidinale". Là, il faut
lire Michel Clouscard qui conteste cette appellation générique car selon
lui, il n'a jamais existé une telle société dans le monde occidental.
Si tel était le cas nous serions dans une société d'abondance (société
communiste aboutie donc).
Des
imbéciles ont voulu voir en Pasolini un "rouge-brun". Incompréhension
face à la complexité du personnage et de son discours de la part du
"vulgaire" et des idéologues qu'ils soient de droite ou de gauche
(extrêmes inclus) à cause de la binarité de leur mode de raisonner, de leur "hémiplégie morale".
Pasolini est assassiné à proximité de la plage d'Ostie (Rome), dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975.
Un
an avant sa mort, dans un éditorial du "Corriere della sera" du 14
novembre 1974, Pasolini menaçait, de fait, en affirmant : "Je sais
les noms des responsables de ce que l'on appelle golpe (qui est en
réalité une série de golpes (...)). Je sais les noms qui composent le
'sommet' qui a manœuvré aussi bien les vieux fascistes créateurs de
golpes que les néofascistes, auteurs matériels des premiers massacres et
que, enfin, les inconnus responsables des massacres les plus
récents..." Dans son roman "petrole", il souhaitait dénoncer la
violence et les crimes d’État, des industriels et du pouvoir économique
italiens.
"On l'a exécuté a affirmé il y a quelques années Pino son assassin présumé. Ils étaient cinq. Ils lui
criaient : "Sale pédé, sale communiste ! " et ils le tabassaient dur.
Moi, ils m'avaient immobilisé. Je ne l'ai même pas touché, Pasolini,
j'ai même essayé de le défendre..." Pour Pino, il y a cinq agresseurs : " les frères Borsellino, deux Siciliens fascistes et dealers", "ils
exécutaient une commande. Ils voulaient lui donner une leçon et ils se
sont laissés aller. C'est que Pasolini cassait les pieds à quelqu'un" La Loge P2 ?
Je suis une force du Passé. À la tradition seule
va mon amour Je viens des ruines, des
églises, des rétables, des
bourgs abandonnés sur les
Appennins ou les Préalpes, là où ont
vécu mes frères. J'erre sur la Tuscolane
comme un fou, sur l'Appienne comme un
chien sans maître. Ou je regarde les crépuscules,
les matins sur Rome, la Ciociaria,
l'univers, tels les premiers actes
de l'Après-Histoire auxquels j'assiste, par
privilège d'état-civil, du bord extrême d'un
âge enseveli. Monstrueux est
l'homme né des entrailles d'une femme
morte. Et moi, foetus adulte, plus
moderne que tous les modernes, je
rôde en quête de frères
qui ne sont plus
Poesia in forma di rosa,
Garzanti, Milano 1964
(1922-1975)
"L'Italie est un pays qui devient de plus en plus stupide et ignorant.
On y cultive des rhétoriques toujours de plus en plus insupportables. Il
n'y a pas de pire conformisme que celui de gauche, surtout,
naturellement, quand c'est adopté par la droite."
Sur
68, "révolte" de sinistres enfants de bourgeois, de narcisses
nietzcheo-debordiens et autres vaniteux jouisseurs marcusiens dont
l'unique but a été de prendre le pouvoir culturel puis politique. Une
bourgeoisie en a chassé une autre :
"J'ai passé ma vie à haïr les vieux bourgeois
moralistes, il est donc normal que je doive haïr leurs enfants, aussi…
La bourgeoisie met les barricades contre elle-même, les enfants à papa se révoltent contre leurs papas.
La moitié des étudiants ne fait plus la Révolution mais la guerre
civile. Ils sont des bourgeois tout comme leurs parents, ils ont un sens
légalitaire de la vie, ils sont profondément conformistes. Pour nous,
nés avec l'idée de la Révolution, il serait digne de rester fidèles à
cet idéal."
Sur le fascisme, l’antifascisme et la "société de consommation" (article Acculturation et acculturation, 9 décembre 1973) :
"Une bonne partie de l'antifascisme
d'aujourd'hui, ou du moins ce qu'on appelle antifascisme, est soit naïf
et stupide soit prétextuel et de mauvaise foi. En effet elle combat, ou
fait semblant de combattre, un phénomène mort et enterré, archéologique
qui ne peut plus faire peur à personne. C'est en sorte un antifascisme
de tout confort et de tout repos. Je suis profondément convaincu que le
vrai fascisme est ce que les sociologues ont trop gentiment nommé la
société de consommation." "Le
fascisme, je tiens à le répéter, n'a pas même au fond été capable
d’égratigner l'âme du peuple italien, tandis que le nouveau fascisme,
grâce aux nouveaux moyens de communication et d'information (surtout
justement la télévision), l'a non seulement égratignée, mais encore
lacérée, violée, souillée à jamais." "Le centralisme fasciste n’a jamais réussi à faire ce qu’a fait le centralisme de la société de consommation [...] Le
fascisme proposait un modèle, réactionnaire et monumental, qui est
toutefois resté lettre morte. Les différentes cultures particulières
(paysanne, prolétaire, ouvrière) ont continué à se conformer à leurs
propres modèles antiques : la répression se limitait à obtenir des
paysans, des prolétaires ou des ouvriers leur adhésion verbale.
Aujourd’hui, en revanche, l’adhésion aux modèles imposés par le Centre
est totale et sans conditions. Les modèles culturels réels sont reniés.
L’abjuration est accomplie."
"On peut donc affirmer que la « tolérance »
de l’idéologie hédoniste, défendue par le nouveau pouvoir, est la plus
terrible des répressions de l’histoire humaine. Comment a-t-on pu
exercer pareille répression ? A partir de deux révolutions, à
l’intérieur de l’organisation bourgeoise : la révolution des
infrastructures et la révolution du système des informations. Les
routes, la motorisation, etc. ont désormais uni étroitement la
périphérie au Centre en abolissant toute distance matérielle. Mais la
révolution du système des informations a été plus radicale encore et
décisive. Via la télévision, le Centre a assimilé, sur son modèle, le
pays entier, ce pays qui était si contrasté et riche de cultures
originales. Une œuvre d’homologation, destructrice de toute
authenticité, a commencé. Le Centre a imposé - comme je disais - ses
modèles : ces modèles sont ceux voulus par la nouvelle
industrialisation, qui ne se contente plus de « l’homme-consommateur »,
mais qui prétend que les idéologies différentes de l’idéologie hédoniste
de la consommation ne sont plus concevables. Un hédonisme néo-laïc,
aveugle et oublieux de toutes les valeurs humanistes, aveugle et
étranger aux sciences humaines." ...
"Un personnage
comme Mussolini serait inconcevable aujourd'hui, du fait de
l’irrationalité et de la nullité de ce qu'il dit et parce qu'il n'y
aurait aucune place ni crédibilité pour lui dans le monde moderne. La
télévision suffirait à le rendre vain, à le détruire politiquement.
(...) Ses techniques convenaient pour un chef sur une estrade devant une
foule, mais elles ne marcheraient absolument pas devant un écran."
Changement total dans notre façon d'être et de communiquer.
Autre passage sur le néo-fascisme, tel que Pasolini le conçoit : la
société de consommation. "Le
fascisme
avait fait de ces foules, des guignols, des serviteurs, peut-être
partiellement convaincus mais il ne les avait pas atteint dans le fond
de l'âme. En
revanche, le nouveau fascisme, la société de consommation a
profondément transformé les jeunes, elle les a touchés dans ce qu'ils
ont de plus intime, elle leur a donné d'autres sentiments, d'autres
façons de penser, de vivre, d'autres modèles culturels. Il ne s'agit
plus comme à l'époque Mussolinienne, d'un enrégimentement superficiel
mais réel qui a volé et changé leur âme Ce qui signifie en définitive
que cette civilisation de consommation est une civilisation
dictatoriale. En
somme, si le mot fascisme signifie violence du pouvoir, la société de
consommation a bien réalisé le fascisme. Les démocrates chrétiens sont
devenus les véritables fascistes.Colères focalisées sur les fascistes
archéologiques alors que les véritables fascistes sont au pouvoir."
Pour certains penseurs néo-marxistes (Clouscard), répétition machinale, linéarité sont les caractéristiques de la musique rock, considérant celle-ci comme la musique du "grand capital". Une musique rock opposée au jazz et son rythme naturel. Le rythme du corps : le swing. "Le rock c'est le jazz sans le swing". Le rythme du rock serait le rythme du capitalisme. Mais aujourd'hui "la marque du rythme, répétitif, saccadé fébrile de la machine" (que Clouscard assignait au rock au début des années 80) sont les caractéristiques propres au rap. Le rythme du rap (mais aussi de la techno) c'est le rythme du capitalisme, n'en déplaise aux "gauches". Mais ce n'est pas uniquement le rythme qui en fait une musique du capital...
La musique rock des années 2000 semble n'avoir plus grand chose à voir, en apparence, avec les formes primitives du rock 'n' roll des années 50 et 60. C'est faux pour "le rock ou la pop 3 accords" qui inondent les stations de radio FM, ça l'est beaucoup moins pour ce que l'on peut considérer comme des formes évoluées de rock tel le heavy metal instrumental (qui naît dans les années 1980 véritablement et ignoré ou inconnu plutôt par ces marxistes) qui nous intéresse particulièrement ici. Le rythme originel du rock' n roll et ce "retour du même" sont balayés par ces néo-virtuoses de cette forme particulière de rock...ou plutôt de "jazz". Le rock, inspiré par la musique dite "classique", joué comme du jazz : création du hard rock instrumental. De fait, cette forme descendante lointaine du rock n'est plus "récupération" du jazz, temporalité abrutissante mais émancipation.
Fin de la répétition.
Pourquoi ? Parce que nous allons autrement et autre part en affirmant, que le rock n'est pas uniquement une question d'absence de swing, de "jazz sans son âme" que le rock ou metal instrumental présente ces particularités : rupture avec la linéarité du temps profane ou "déchirure" dans le temps linéaire par définition irréversible et passage dans un temps que faute de mieux on nommera "parallèle" pour la durée que dure l'écoute d'une composition. Remonter à l'origine du temps ou d' un événement qui s'est déroulé in
illo tempore, chose permise à certains élus pour retrouver un état
d'avant la "chute".
Le rythme pathologique de la modernité, l’irréversibilité du temps (le fameux temps linéaire du "progrès") qui est autant celui du stalinisme, sinon du marxisme, que du capitalisme est défié, combattu sinon vaincu.
Sur le plan musicologique l'utilisation de certains modes (improvisation
modale) permet cette différenciation, et cette émancipation de
certaines formes de musiques metal par rapport à un "rock basique". Décloisonnement. Dissonant par moment certes, donc "moderne" et pathologique par endroit mais cependant contestataire vis-à-vis de cette (post-)modernité. Ce genre metal instrumental est devenu autonome et n'est plus sous la dépendance du "rock primitif" binaire, forme la plus répandue de musique rock encore aujourd'hui. Il accomplit, abolit et dépasse les structures primitives du rock n' roll et combat, de fait, la "cadence folle du néo-capitalisme". Basculement.
L’œuvre musicale arrache donc l'auditeur à la "quotidienneté" du temps commun, du temps de l'histoire, de son histoire. Nous pourrions tout aussi bien évoquer la lecture de certaines œuvres, ou le visionnage d'un film ou d'une pièce de théâtre qui offrent au lecteur ou au spectateur l'occasion de réintégrer le "grand temps". Ce comportement s'apparente à une volonté de revivre d'une manière quasi-mystique un événement qui eut lieu à un moment donné dans le passé. Il ne s'agit de "voyager" dans le passé mais d’attirer ce passé vers le présent ; deux temps qui finissent alors par se confondre.
Le metal est-il de gauche, "marxiste" (2) ? C'est ce qui préoccupe ces pourfendeurs du rock, du hard rock et des musiques metal (mais ils ont la réponse depuis bien longtemps). Mais c'est hors-sujet pour nous. Ce que l'on peut dire c'est qu'il n'est pas "capitaliste".
Ce que les marxistes (certains) ont voulu voir dans le jazz, c'est une (au contraire du rock) adhésion à leur courant de pensée. Le jazz c'est la révolte (histoire de l'esclavage, de la ségrégation raciale) au contraire du rock qui ne serait, au mieux, que contestation. Ils ont désiré en faire leur musique. Une bande sonore pour accompagner l'émergence de "l'homme nouveau". Démonstration limitée.
La rébellion authentique n'est donc peut-être (et même certainement) pas, d'une part, dans le "rythme avec le swing" et, d'autre part, plus uniquement dans une rage anti-système exprimée à renforts d'anathèmes, de blasphèmes (aujourd'hui relativement communs) (1) mais dans cette volonté de (ré-)intégrer un temps fabuleux possiblement lié à une nostalgie des origines. Nous avons ici une manière confuse, non-exprimée, de dépasser sa condition humaine et de recouvrer la condition divine ou d'adopter un comportement,t mythologique. Et c'est cette condition perdue que le "moderne" chercherait à retrouver sans en avoir conscience à travers l'écoute de certaines musiques.
Mais cela n'intéresse pas le marxiste, le bourgeois (au sens de Flaubert) matérialiste ou le gauchiste. Même si l'individu appartenant à une des catégories ne rejette pas le metal, il ne le perçoit pas de cette manière. Pour lui, ce n'est, au mieux, que "ludicité-beuverie", s'il "accepte" cette musique.
(1) Il faudra revenir sur ce sujet. Les thématiques encore "subversives" des chansons au XXIe siècle, sont uniquement présentes dans certaines formes de hard rock ou de metal. La subversion ne vient absolument pas de la promotion d'un "individualisme" qui ne serait pas accepté ou acceptable dans une société occidentale comme l'affirment certains "spécialistes" du metal (ce dernier est entré à l'université comme objet d'étude, assurément signe de déclin d'un genre ou de genres désormais de plus en plus acceptés normalisés et donc récupérés, mais la réalité est peut-être un peu plus complexe, il faudra discuter de ce constat). Cet individualisme qui n'est pas strictement égal à l'égoïsme, n'a pas un caractère rare et est tout à fait accepté.
(2) Pour en revenir aux analystes "marxistes" faisant du rock, la musique de la "petite bourgeoisie", fermée sur elle-même, on pourrait discuter de ce qu'est le "fan de jazz" : un petit ou moyen-bourgeois élitiste et méprisant, un sinistre personnage nietzscheo-debordien qui s'approprie la musique noire-américaine...Il est vrai que la révolte ou la simple contestation à travers la musique ont, en effet, toujours fasciné les bourgeois. Le succès du rock, de la pop-music, du rap chez les classes moyennes ou les milieux de la bourgeoisie blanche occidentale est réel. On sait que le rap a été imposé "par le haut". Le rock, en partie.
Durant la décennie 80 du siècle dernier, un phénomène particulier émerge dans le monde du hard rock et du heavy metal. Des virtuoses -ou "shredders" même si le terme n'est pas tout à fait synonyme, il est parfois employé indifféremment pour désigner ces musiciens- c'est-à-dire des instrumentistes possédant un bagage technique bien supérieur à tous ceux qui les ont précédés (Malmsteen, Satriani,
Macalpine, V. Moore et quelques d'autres...) retiennent les leçons de musiciens de hard rock et heavy metal comme Ritchie Blackmore, Randy Rhoads, Eddie Van Halen précurseurs voire
prophètes dont ils accomplissent, abolissent et dépassent les œuvres en s'imprégnant
de musique ancienne (mal nommée "classique") sortent du carcan pentatonique-accords de
puissance en allant fouiller dans la discographie de musiciens de jazz-rock ou
fusion (Allan Holdsworth, Al di Meola...). La plupart sont étasuniens (ou naturalisés)
mais les influences viennent, très souvent, des musiques savantes européennes.
Pas vraiment des "rebelles" au sens ou le vulgaire peut l'entendre. La musique avant tout. Mais en
(ré-)introduisant de la "beauté" dans le metal, ils se distinguent fortement de ces cliques de groupes de suiveurs qui pataugent (déjà au milieu des années 80) dans la provocation
porno-sataniste de buveurs de mauvaise bière. Là se situe véritablement la dimension subversive de ces musiciens et de leurs compositions dans la mesure où ils remettent en cause la "doxa" en matière de jeu de guitare et de compositions. Pour prétendre devenir musicien de heavy metal, il ne suffira plus désormais de ressortir des plans pentatoniques interchangeables. Concernant ce dernier point, il est évident que nombre de musiciens ne dépoussiéreront pas leur jeu pour autant, mais c'est pourtant une véritable révolution dans l'histoire du monde du rock en général (et bien au-delà) qui se produit à cette époque.
On peut dire que la musique de ces virtuoses permet à l'auditeur de sortir du temps linéaire induit par l'homme-dieu qui s'incarne dans l'histoire (c'est bien le Christ qui a imposé une conception du temps en Occident et ailleurs) et d'entrer dans le temps sacré, mythique, fabuleux trans-historique, c'est-à-dire où présent et passé se confondent. A chaque écoute d'une pièce purement instrumentale -c'est à l'évidence la même chose qui se produit avec l'écoute d'une pièce de musique ancienne ou savante- l'auditeur réintègre non pas à proprement parler le temps que l'on réintègre à l'écoute un récit mythique dans une société traditionnelle, mais un temps fabuleux... Écouter une pièce de musique, qu'elle soit "classique" ou "métallique" (a fortiori instrumentale) c'est se révolter contre le temps de l'individu, se révolter contre le temps historique, transcender son propre temps et adopter un comportement mythologique. Ce temps mythique, cyclique, n'est, d'ailleurs, pas nécessairement le temps du paganisme. Les chrétiens utilisent, en effet, des catégories de la pensée mythique. Nombre d’éléments qui apparaissent propres au christianisme relèvent de la cyclicité : l'année liturgique par exemple. Le comportement du fidèle qui réitère rituellement la naissance, la vie et la mort du Christ appartient bien à cette catégorie.
On pourrait évoquer les différents sous-genres ou courants dérivés du heavy metal : le thrash, le death subissant tous les deux, l'influence des guitaristes virtuoses, mais surtout le black metal autre manière d'intégrer un temps fabuleux, mais aussi forme de régression musicale (il ne s'agit pas d'un jugement de valeur), de rejet de la "technique" qui se développe parallèlement au courant du metal instrumental, mais qui est pourtant aussi une forme artistique de rejet du temps de l'homme d'attitude moderne. Le black metal (on n'évoquera pas ici les thèmes propres à ce genre) qu'on n'opposera pas forcément à la démarche des "virtuoses"est sûrement, à sa manière, une forme de destruction d'un langage artistique, une force d'épuration, une manière de créer un chaos qui doit aboutir à un renouvellement, une nouvelle création, s'apparentant à la création d'une nouvelle cosmogonie. Un nouvel ordre cosmique succédant au chaos...
Évidemment,
nous pourrions considérer qu'il en est, également, ainsi concernant
l'écoute de toute pièce musicale "moderne" (metal ou pas), pour la
lecture d'un roman, etc. suite : musique-metal-et-temps-du-mythe-2