: Jean-Michel Lemonnier, bloc-notes: Résultats de recherche pour Clouscard
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lundi 17 août 2015

Socalisme clouscardien contre gauche deleuzienne

Michel Clouscard, un des derniers marxistes conséquents de ces 40 dernières années, détruit ou déconstruit (c’est bien la seule déconstruction à laquelle ne s’attaqueront jamais les butlero-derrido-deleuzo-foucaulâtres (1)) à travers son œuvre le grand "mythe" (au sens de mensonge) politique d’un mai 68 libérateur, d'où les accusations infamantes de "déviant ultra-dextriste" dont il fait l'objet de la part de tous les argousins de la bonne conscience social- démocrate molle du genou et de leurs alliés flicaillons de la juste pensée de gauche. Rappelons que détruire un "mythe", c'est prendre le risque d'être exclu d'une communauté...

Or donc, Clouscard démontre comment le mai 68 social a été liquidé par le mai 68 sociétal (bourgeois-estudiantin) acheté par avance par le libéralisme, mais aussi la fonction du plan Marshall vis-à-vis du C.N.R....Comment le ludique, le libidinal, la transgression vantés par la "nouvelle gauche foucaldo-deleuzienne" ont permis le mutation du capitalisme et l’émergence de nouveaux marchés, comment certains progrès ont été détournés de leur usage (ou bien était-ce alors leur fonction initiale ?), etc. L'usage progressiste (maîtrise de la natalité) détourné par l'usage mondain, corporatiste. Allez faire comprendre, par exemple, à l’électeur de "gauche RU486" que le phallocrate et la facho-féministe sont deux faces d’une même pièce que la pilule (ne plus s’emmerder avec une "poule pondeuse" ) mais aussi l’union libre, la famille monoparentale, c’est le rêve du premier... 





Le freudo-nietzscheo-marxisme deleuzophrénique sera donc la doctrine qui justifiera la contre-révolution capitaliste de mai 68 et le marché du désir. Ainsi donc, selon Deleuze et les freudo-marxistes en général, l'inconscient produit les flux révolutionnaires du désir. Ce sont donc ces flux qu'il faut libérer pour renverser la "vieille société capitaliste répressive". Pourtant, à l'épreuve des faits, le discours de rejet des valeurs répressives n'aboutit pas à une remise en cause de l'ordre capitaliste. Bien au contraire, la permissivité et la prétendue libération des mœurs permettent le sauvetage d'un capitalisme en crise, celui de l'après-guerre : introduction de l'idéologie libertaire dans la consommation (création de nouveaux marchés à destination des couches moyennes), dans le monde de l'entreprise : fini le "vieux con", le patron sévère et vaguement misanthrope en costard qui va à l'église le dimanche, lecteur de Mauriac et amateur de musique baroque, place aux "jeunes ordures" du néo-capitalisme libidinal, sociables et narcissiques, fumeurs de cannabis (voir les rites d'initiation au modèle de consommation du néo-capitalisme) en jean's et baskets Nike qui fréquentent les boites porno-branchées d'Ibiza, fans de David Guetta et des Beatles...Le désir coupé du procès de production est ainsi pure propagande de parvenus.

L'idéologie freudo-marxiste devra ainsi camoufler les mœurs profiteuses du néo-capitalisme, des arrivistes, en modèle transgressif et émancipateur vis-à-vis de la prétendue "vieille société répressive" en libération des tabous par la circulation des flux du désir, par la séduction. Schématiquement, le corps est alors présenté comme un instrument de jouissance pour mieux nier le corps-instrument-force de travail, de par incidence nier l’exploitation. Valoriser le sexe et le genre et ignorer la classe, faire en sorte d'occulter cette lutte des classes qui s'est pourtant généralisée, métamorphosée. Mais, il ne s'agit plus, désormais, de se référer aux classes constituées, ontologisées ("les ouvriers contre les bourgeois") mais de retracer leur engendrement historique depuis la fin de la seconde guerre. Travail lamentablement refusé par les "chercheurs" et autres théoriciens marxistes de seconde zone. Le deleuzianisme (et tous ses rejetons idéologiques : genrisme/post-porno, etc.) n'est donc pas contestation mais accomplissement du néo-capitalisme. Ce discours confusionniste, faussement progressiste, de décervelage sera le pouvoir de classe des parvenu-e-s de la nouvelle société. La levée des interdits n’est que dressage des corps et conformisme total, écrasement des âmes, soumission à la doxa du libéral-capitalisme deleuzien.

Outre son démontage rigoureux de l'idéologie freudo-marxiste (ou libérale libertaire), Clouscard dévoile, à la fois, le non-dit du marxisme et...de la psychanalyse. Chez lui, il n'y a pas de volonté de destruction de cette dernière à la manière (deleuzienne) du philosophe du jouir à la plage (dans le bac à sable) sagement et sans morale...Le philosophe et sociologue Clouscard ne s'intéresse -il va sans dire...il va s'en dire- ni aux bruits de couloirs, ni aux ragots. Il ne regarde pas l'histoire par le petit trou de la serrure. Aucun marxiste mal dégrossi, genre "appareil" (si le chef de secte n' a rien dit sur le sujet, c’est que c’est contre-révolutionnaire) n'évoquera, par exemple, l'engendrement réciproque de Psyché (ici l’âme) et du politique ou du psychoaffectif et du mode production, de l'Oedipe freudien et de l'Oedipe de la praxis (le second surdéterminant le premier). Le philosophe sudiste propose de faire remonter à la surface la psychologie des profondeurs, "là où ça se passe réellement", de démystifier les termes de la psychanalyse pour les situer dans les rapports de production. La vérité de la chair n'est donc pas si cachée et pas si inconsciente que cela. Dressage ! Clouscard est donc authentiquement freudien et authentiquement marxiste et non pas freudo-marxiste. Il rénove les pensées marxiste et freudienne sans les vider de leur essence.


Clouscard décode le parcours (humiliant) qui mène de Cohn-Bendit à Le Pen (le retour du refoulé, de l’impensé de la nouvelle société post-68) : le raté de mai 68, sans qualifications, qui dit n’avoir pas trahi, ni renoncé (grande naïveté ou mauvaise foi ?) qui pensait vivre de petits boulots après le retour à la campagne, possible dans les conditions socio-économiques idéales de plein emploi et évidemment impossible après re-migration vers la ville, boulot de grouillot...qui s’oppose donc au parvenu "il y a des carrières-affaires après 68". Retour sur terre...ça ne l’empêchera de continuer à planer mais avec grande maîtrise de cette consommation ludique/marginale ("on n’aime pas les toxicos chez nous, on sait se droguer"), et/ou partie de tennis et plongée pour décompresser et de prendre la posture du rebelle mondain genre "docteur House narcisse-cynique". Cela résume bien la situation politique actuelle : deux grandes catégories, pas les seules, mais les plus représentatives du psychodrame.

Désormais, le second se sent menacé. Le spectre de l’interdit, de la castration resurgit. L’ado attardé se fait "père sévère" (remarquez comme c’est comique au passage). De libertaire, il passe à sécuritaire..., quand (les) Le Pen font accéder à la conscience de la nouvelle société post-68, tout à fait opportunément, ce qui était nié jusqu’alors par le libéral-libertaire : le producteur (le premier..."Voici venu le temps des frustrés revanchards"). Sous les pavés Le Pen, en effet... Effectivement, Clouscard ne s’est pas intéressé à Le Pen dont l’unique fonction a été, pour la gauche (et la droite), de fournir une figure du diable, de bête immonde aux suffrageants, empêchant alors l’analyse clouscardienne de se déployer...

Évidemment, les jeunes faiseurs de Mai ont 70 balais aujourd’hui. Mais, il s’agit de deux situations originaires, archétypales, fondatrices créées par deux "ancêtres mythiques" qui auraient posé un geste in principio, aux origines, en ces temps là...


Aucune idéologie désormais. A la place, une bouillie apolitique de dames patronnesses (mâles ou femelles) : "contre la peine de mort mais pour l'euthanasie", pédocentrée : maternage névrotique et dans le même temps, refus d'éduquer et d'instruire, négation de la différence parents-adultes/enfants, "sexualités périphériques"..., démagogie face à l'oligophrénie adolescente, tolérance-lâcheté, "il faut vivre avec son époque", la mondialisation comme phénomène naturel, "libéralisme avec compensation", judiciarisation des relations sociales, déresponsabilisation(s), spontanéité "analphabète" jaillie des profondeurs de l'inconscient, etc. Un brouet qui révèle de mieux en mieux le cloaque fétide qu’est devenue cette nature humaine déchue (Clouscard n'utiliserait évidemment pas ce terme, sa critique n'est pas "morale" au sens religieux) de l’ex-Occident.

La théorie clouscardienne (ni idéologie du loisir-plaisir-hédonisme, ni idéologie du travail) a une portée comparable à celle de la découverte de l’inconscient (L’Huma, 1981). Rien d’étrange à ce que cet authentique intellectuel reste méconnu (ou méprisé par les sociologues et philosophes si on doit encore leur donner un nom...) puisqu’il s’attaque au cœur d’un système qui s’est mis progressivement mis en place après 1945 et dont mai 68 a fait la promotion (une vingtaine d'années pour la période d'incubation, la France radical-socialiste plutôt rurale n'était, de toute évidence, pas prête à subir ces mutations socio-économique, politique et culturelle d'une violence inouïe au sortir de la guerre) et qui nourrit nombre de coteries politiques, économiques, "intellectuelles"...

On peut cependant formuler des critiques à propos de sa pensée. La première et la plus conséquente c'est l' absence de remise en cause du productivisme. Toute l'écologie politique (même si une bonne part est effectivement, aujourd'hui, totalement indigente : de Corinne Lepage à Cécile Duflot en passant par les Nicolas Hulot et Maud Fontenoy) présentée comme "chantage moral". On délocaliserait et on délocalisera, de plus en plus, les usines pour des raisons de protection de l'environnement, la "décroissance" ne serait qu'un concept flou, nouvel avatar du gauchisme. Pourtant, des milliers de pages savantes existent sur le sujet et n'ont rien de lubies néo-hippies : critique conjointe du libéralisme-libertaire, des scories du progrès et du productivisme capitaliste ou de type socialiste (Voir notamment N. Georgescu-Roegen, J. Ellul, S. Latouche, l'anarchiste-conservateur, "socialiste sans le progrès", J-C Michéa ou encore un précurseur comme G. Bernanos). De surcroît, la défense d'un sport élitaire qui cohabiterait avec un sport pour les masses (on ne parle pas ici de la nécessaire activité physique) est franchement discutable. En voilà, un beau système d'illusion...de la vraie "fausse conscience" (Engels) : sophismes sur le "beau jeu", la culture populaire, le "sport, lieu de synthèse de ces deux principes anthropologiques" figurés par Narcisse (le "plaire") et Vulcain ("le faire")...Sur ce point, Michéa écrit la même chose que Clouscard. Malgré ces quelques pirouettes rhétoriques, la réalité historique dit que le "sport socialiste" n'existe pas et n'a jamais existé. C'est toujours le camp capitaliste qui a imposé, impose et imposera ses règles, même dans le sport amateur. Sur ce sujet, on lira donc G. Debord avec profit.
Malgré ces quelques réserves, plonger dans l'œuvre de Clouscard c'est prendre le risque de ne pas pouvoir en assumer la totalité et d'effectuer d'abominables contresens (sa critique du capitalisme libidinal n'est pas celle d'un père fouettard mais bien une critique marxiste, certes non-stalinienne mais bien entendu matérialiste).
Quoi qu'il en soit, Clouscard est toujours aussi peu lu (surtout à gauche). Le grand public devra donc se contenter des débats de merde entre Onfray (bon pédagogue au demeurant, mais cette qualité ne fait pas de lui un penseur) qui vient de découvrir les vertus de l'Etat-nation (et Hegel par la même occasion) et Zemmour (ou n’importe quels autres publicistes interchangeables) et pour la "classe intellectuelle" se satisfaire de la logomachie des mutants (de Panurge) de la déconstruction et des sophismes bourdieusiens.

(1) Cette domination des logorrhées foucaldo-derrido-deuleuziennes (French theory) dans les discours universitaro-culturo-mondains est d'autant plus totale qu'elle a trouvée peu de téméraires (en dehors des Clouscard, Quine, Michéa, Mandosio, Bricmont-Sokal, Annie Le Brun dans une certaine mesure...) en mesure d'en effectuer la critique radicale. En effet, l'opacité de ces écrits "postmodernes" décourage rapidement toute initiative de...déconstructions de ces déconstructions ; celui qui s'attellerait à une telle tâche courant le risque de passer pour un imbécile "non-sachant" s'exposant aux sarcasmes de sophistes pleins de morgue, conspédants aux raisonnements vicieuxés ("ceci n'est ni un mot, ni un concept, ni un jeu de mots", Derrida...)...Au cœur de la théorie du langage de Derrida on dit : on ne peut saisir immédiatement le sens d'un discours ou ce que nous sommes sans passer par des médiations, je ne suis pas ce que je pense être "je est un autre" en somme (même si "je" n'existe pas selon Deleuze...). Bien pratique pour tous ces imposteurs puisque je n'assume plus ce que j'écris, ni ce que je suis... Nous ne parlons pas ici de personnes atteintes de certaines pathologies qui se manifestent, entre autres, par des idées et un discours délirants mais bien de ce quart-monde intellectuel pour qui l'incohérence des paroles et des écrits sert à dissimuler une absence d'idées et à dire à peu près tout et son contraire, de ce "subventionné" muni d'un outil scripteur, simplement névrosé -et conscient de l'être- qui se prend pour un schizophrène ! Ainsi, plus c'est illisible, plus la mystification peut durer...et l'inintelligibilité du discours présenté comme subversion pour échapper à la "normativité langagière" est évidemment pure escroquerie...

Publié le 22:08/2015 sur Agoravox : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/socialisme-clouscardien-contre-170978

lundi 18 novembre 2013

Plus-de-jouir et néo-capitalisme. Dressage à la consommation ludique, libidinale, marginale. Narcissisme et capitalisme. Marché du désir.

La partie de l'œuvre de Clouscard, consacrée au Mai 68 libertaire -révolte petite-bourgeoise- expliquée à partir de l'évolution du mode de production (répression du producteur/permissivité pour le consommateur) est incompréhensible, irrecevable  pour le "gauchiste", dispensé de l'impératif de production, qui hurle au fascisme, à la "Réaction", à un  retour à un prétendu ordre moral ante-1968 (1) à chaque évocation du surmoi et à chaque critique des injonctions au plus-de-jouir dictées par un "marché du désir" qu'il prend comme étant une somme de "libertés authentiques". Libertés qui ne sont, la plupart du temps (cf. infra) pas autres choses, qu'aliénations, qu'un impitoyable conditionnement et une soumission aux codes de ce système  néo-capitaliste qui émerge dans les années 1960. 


 "Pour une consommation ultra-rapide, immédiate, brutale. Il faut en prendre pour la semaine. Une bonne et grosse soupe pour les rustauds du mondain. Dressage sommaire : boum-boum et pam-pam. Le rythme et la "violence" et allez vous coucher. Les deux animations essentielles de la mondanité capitaliste, la bande et le rythme, sont réduites à leur plus simple expression. (...) C'est qu'on n'a plus besoin de raffiner [on s'adresse] au tout venant, aux incultes du mondain. (...) Il faut enrégimenter la populace, les troupiers du mondain, ses bidasses. On doit les amener (...) à un gestuel si élémentaire qu'à côté le salut militaire peut paraître un raffinement. [Ce ne sont] que les restes du festin de la consommation mondaine, du néo-capitalisme. (...)
Cette consommation mondaine, la part du vulgaire, doit permettre trois opérations idéologiques. D'abord fixer les sensibilités aux symboles de la consommation mondaine du capitalisme. Et selon les figures les plus pauvres. Pour empêcher ces jeunes d'accéder à une conscience politique. Pour fabriquer des abrutis. Verrouiller les âmes et les cœurs. La sono et les coups. Ensuite créer le besoin, du ludique, du marginal. Sans le satisfaire réellement. Exaspérer l'envie et ne pas laisser accéder au festin. (...) Exciter la concupiscence et ne laisser que les miettes. Ainsi conditionner une immense clientèle au marché du désir. Et préparer une certaine intégration des masses à la social-démocratie libertaire du loisir et du plaisir."

Michel Clouscard, 1981/Ed. sociales, rééd. 2012, Le capitalisme de la séduction : critique de la social-démocratie libertaire, Delga, pages 291-293 (Chapitre "Le prosaïsme du mondain : les nouvelles coutumes de masse et la cascade des snobismes")






Passage intéressant sur le paganisme. Où on lit (mais Clouscard n'est pas le seul à écrire cela, nous l'écrivons à peine différemment) que le paganisme, contrairement à ce qu'avancent les benêts béats chantres de la (post-)modernité "festive", n'a rien à voir avec cette désinhibition libertaire mais bien avec une "civilisation du sacré", interdisant le "permissif" libéral. C'est donc uniquement la dégénérescence du monde païen antique (gréco-romain a priori) qui entraîne le déchainement du libidinal et du permissif que l'on retrouve dans notre société désacralisée du "capitalisme total". La levée de tous les interdits est la condition du triomphe de ce dernier.

A noter que Clouscard -même s'il est évidemment rationaliste et matérialiste- fait partie de ces rares penseurs marxistes de haut niveau qui ne tient pas de propos caricaturaux de crétin gauchisant quand il évoque les religions (sans les idéaliser, essentiellement le christianisme/les références sont du début des années 1980 concernant ce livre). Il ne défend pas un système métaphysique, ni bien sûr un "clergé", ni un "c'était mieux avant" réactionnaire, mais une conception du temps, de l'espace (sur ce plan, un penseur comme Eliade aux antipodes de la pensée clouscardienne  ne dit pas autre chose au final) et des valeurs particulières incompatibles avec le capitalisme. Les sociétés pré-capitalistes (ou celles qui en étaient les héritières, jusqu'aux années 50 et 60 en France) païennes et/ou chrétiennes étaient construites sur des temporalités, des "rythmes" particuliers, cycliques, des réseaux de solidarités, des "valeurs", des "garde-fous"  qui protégeaient les personnes, les communautés de l’émergence d'un capitalisme total et du rythme pathologique de la modernité. Dans ces sociétés pré-industrielles ou celles qui en présentaient encore certaines caractéristiques, pas de superpositions ou juxtapositions des temporalités/des rythmes, pas d'arythmie sociale. 

La modernité d'après-guerre puis la contre-révolution capitaliste que constitue "Mai 68" entraînent la disparition définitive de ces conceptions du temps et de l'espace en France. Ces bouleversements spatio-temporels d'une brutalité incroyable génèrent alors des pathologies mentales à une échelle encore inédite dans l'histoire de l'humanité. Ce constat rejoint celui de Pier Paolo Pasolini, par exemple, quand il affirme que cette modernité ou plutôt post-modernité (il ne dit pas autre chose quand il  pointe  du doigt le néo-fascisme démocrate-chrétien) transforme l'individu (contre la personne) jusqu'au plus profond de son âme.

 Seuls des abrutis finis (prétendument anti-capitalistes, d'ailleurs, c'est l'histoire du mai 68 sociétal, des naïfs conduits par des agents parfaitement conscients de la perversité de la "manipulation") peuvent se féliciter de la disparition de ces structures et modes de vie. Ajoutons que la planification gaullienne, l'urbanisme de grands ensembles -habitat concentrationnaire- la désertification/modernisation des campagnes qui l'accompagne considérés comme des progrès (contexte de reconstruction, migrations vers  la ville des années 50 à 70, ruraux partant travailler à l'usine, etc.) jouent un rôle fondamental dans cette disparition de ces façons d'être au monde en France (2) A décharge pour les gaullo-communistes, les choix concernant les questions d’aménagement du territoire dans l'immédiat après-guerre ont été guidés par un impératif d'urgence.

De plus, contrairement à Baudrillard ou Pasolini,  Clouscard ne produit pas une critique de la "société de consommation" en général, mais fustige uniquement la part cette société de consommation (ou soi-disant telle) qui relève du "ludique", du "libidinal", i.e. le "marché du désir". Il établit une distinction entre accession à des "biens d'équipements" et "consommation mondaine", "culture de l'incivisme", "rebellitude" qui ne sont que respects et adhésions aux principes du néo-capitalisme. Les classes moyennes récupèrent les surplus, les signes de la consommation mondaine et bourgeoise (cf. premier extrait).
Enfin, ajoutons que cette critique clouscardienne du "marché du désir" et... du "gauchisme", est -culture politique/économique déficiente généralisée aidant- souvent perçue comme étant de droite ou d'extrême-droite. Rien de plus faux et pourtant terrible récupération actuelle de Clouscard dans certains milieux droitiers ! Les premiers à parler du "gauchisme" comme maladie infantile du communisme sont les... communistes eux-mêmes (Lénine) et la pensée clouscardienne (non ou anti-stalinienne d'ailleurs) c'est le remède radical aux prurits populistes. Seulement, Mai 68 et son "tas de chair libertaire qui sert de présentoir au marché du désir, Cohn-Bendit" sont passés par là, brouillant les cartes idéologiques... 
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(1)  un ordre moral qui n'a jamais réellement existé autre part  que dans l'imaginaire d'une certaine gauche mais aussi dans celui de certains dextristes, d'ailleurs...Le Mai sociétal n'a "libéré" que ceux qui étaient déjà "libérés" et le laxisme post-68 n'est en rien une émancipation vis-à-vis de mœurs rigoristes, mais une hystérie individualiste à l'échelle de la société française, "occidentale" plus généralement, accompagnant la mutation du capitalisme. Régression anale et coprolalie...

(2) lire dans ce même ouvrage, le passage sur la "maison de campagne" et les modalités de son acquisition par les parvenus de la nouvelle bourgeoisie -hippies inclus- s'installant dans la misère rurale et profitant de la désertification des campagnes post-1945...Trois étapes : le départ vers la ville des néo-prolétaires, l'acquisition pour trois fois rien du bâti et des terrains "abandonnés", puis spéculation, entre-soi choisi et mise à distance d'autres (trop tard) parvenus, pour les empêcher d'accéder au "festin" ("ségrégation" par le prix du foncier)...

vendredi 14 mars 2014

Marxisme-léninisme, marxisme clouscardien, socialisme anti-progressisme : filiations et ruptures radicales


Quelques notes inspirées, après être tombé sur un "nid de buses progressistes-productivistes" (1) niant l'existence des "classes moyennes" et focalisé sur le clivage classe ouvrière/bourgeoisie (et donc incompréhension de l'idée du travailleur collectif, ensemble organique réunissant le manuel et l'intellectuel). Il va sans dire que ce discours méprisant le "réel actuel" relève du crétinisme marxiste-léniniste dogmatique et poussiéreux (2). Les analyses de Clouscard -que ces idéologues ignorent royalement- ont bien montré l'existence de cette classe moyenne, certes hétérogène (il faut donc parler de classemoyennes, de couches moyennes), aujourd'hui hégémonique, clientèle du "marché du désir" selon la formule chère à l'auteur et qui, de par sa toute puissance, a entraîné un nouveau clivage centré sur la division production/consommation depuis des décennies (à partir de la date symbolique de 1968).  Clouscard est, certes, un progressiste-productiviste et de ce point de vue là, il reste fidèle au "marxisme prométhéen" (pléonasme?), mais tout son mérite est d'avoir montré que d'une part, le projet marxiste est compatible avec la démocratie et d'autre part d'avoir démontré qu'un certain nombre de positions sectaires lénino-staliniennes n'ont plus à rien à faire dans les mouvements politiques qui se réclament de Marx. 

Cependant, on a AUSSI le droit de douter d'un certain nombre de ses positions. A titre d'exemple significatif, les raisons avancées par Clouscard expliquant les raisons pour lesquelles on dégraisse dans les entreprises et on délocalise ne sont pas validées par les évolutions des politiques économiques actuelles. Ainsi, on ne délocalise pas, de plus en plus pour des raisons de destruction de l'environnement dues aux productions industrielles et la pollution générée par celles-ci (disons qu'elles peuvent constituer une excuse et il est vrai que le discours "écologiste" émerge politiquement et médiatiquement en pleine crise du capitalisme dans les années 60, l'idéologie 68arde viendra à son secours avec son discours "idéaliste" et "libérateur") mais bien plutôt et toujours exclusivement pour des raisons de coût de la main-d'oeuvre. Inutile de dire que Clouscard fustigeait tous les mouvements décroissantistes (qu'on ne confondra pas, comme prennent plaisir à le faire les économistes libéraux, keynésiens et les pseudo-écolos "durables" de gouvernements, avec l'absence de croissance actuelle ou la récession) et est resté sur cette ligne dure productiviste... Si l'industrialisation et la machine (sanctifiéés par les marxistes et les capitalistes) (3) ont permis à l'homme de le mettre à l'abri de la pénurie (c'est loin d'être vrai partout, cf. l'ex-bloc communiste), on peut douter que celles-ci continuent très longtemps à assurer cette "protection". Comment croire, aujourd'hui, à la croissance d'une production industrielle illimitée (pour produire quoi, d'ailleurs?) dans un monde aux ressources naturelles limitées, à une croissance infinie dans un monde fini ? Il reste que Clouscard est assurément un des rares penseurs marxistes qui nous soit contemporain à avoir produit une somme d'analyses parfaitement géniales et fulgurantes concernant la nature du néo-capitalisme dont l'origine est à rechercher dans l'imposition du  le Plan Marshall  et qui s'affirme de manière autoritaire  et sans fard par mutation dans la contre-révolution capitaliste de Mai 68. Nous connaissons la suite...

Il faut alors, à l'évidence, porter une attention particulière aux propos de Michéa qui défend le socialisme sans le "progrès" et qui remet à leur place les "progressistes" (sociaux-démocrates ou (néo-)marxistes révolutionnaires) en leur "demandant" de faire preuve de plus d'humilité, les considérant comme dogmatiques et figés, croyants fanatiques dans le "culte du progrès" et du demain sera toujours meilleur qu'aujourd'hui et des lendemains qui chantent... En effet, à l'épreuve de l'histoire, cette "religion du progrès" est loin d'avoir fait montre d'une réelle pertinence. Et là, il faut considérer avec intérêt les thèses des décroissants anti-productivistes qui ont, forcément, aussi à voir avec cette "décence commune" (cf. paragraphe 4). Autant dire que la figure du "producteur" au sens marxiste ne fait l'objet d'aucun culte parmi les décroissants. En tout cas, le  "producteur" pour les décroissants n'est pas de même nature que celui des progressistes. Certains hurlent à la réaction, au poujadisme à la lecture des thèses décroissantistes, pourtant Poujade le défenseur du petit commerçant parasitaire qui accumule du capital sans produire est bien loin de l'idéal prôné  par ceux qui refusent la croissance illimitée (et la croissance du capital, fait en effet partie de ces "croissances non désirables ou désirées"). Il y a beaucoup à dire à ce sujet...

Par ailleurs, les progressistes ont toujours fait comme si l'être humain était dénué de toute âme, de tout désir de transcendance ou d'attachements à des lieux, à des personnes à des traditions, des valeurs et on sait à quel point Marx, par exemple, méprisait ces paysans dont les "comportements conservateurs"  ne pouvaient s'expliquer que par l'abrutissement propre à une existence campagnarde. Finalement, sur ce point le discours libéral de droite ou de gauche est le même. que celui de Marx et de nombre de marxistes. Ces progressistes n'ont d'ailleurs toujours pas saisi que ce petit peuple (4) méprise et méprisait ces adorateurs du progrès du fait de leurs discours ethnocidaires. Il faut, ici, rappeler le rejet des thèses des révolutionnaires français chez une large part des paysans de l'ouest de la France...ou de celles des communistes est-européens par les petits paysans des Balkans ou des Carpates... 

Enfin, on dira que le militantisme à gauche (voire le militantisme tout court) a toujours séduit ceux que la "vie intérieure" terrifie...

Lisons donc Michéa, et ce passage tiré de son dernier livre qui illustre et synthétise fort bien sa pensée :
"S'il y a une chose qui devrait être universellement claire -après un siècle d'errements et d'échecs du mouvement révolutionnaire- c'est que le monde ne pourra véritablement changer en bien (et aucun "sens de l'histoire" ni aucune théorie du "progrès" ne peuvent garantir mécaniquement cette issue désirable) que s'il change simultanément par en bas et par en haut, et que si chacun, par conséquent, est disposé, dans sa vie quotidienne à y mettre un peu du sien. Les révolutionnaires "professionnels" qui ne rêvent quant à eux, que de 'saisie jacobine de l'Etat' (Guy Debord) devraient bien plutôt s'interroger sur leur propre rapport personnel à la volonté de puissance et à la common decency (décence ordinaire)" Michéa J-C, Les mystères de la gauche, De l'idéal des Lumières au triomphe du capitalisme absolu, Flammarion

Michéa nous dit -sans rejeter Marx, mais les marxistes certainement- l'intérêt qu'il y a à (re-)découvrir les  penseurs du socialisme, du syndicalisme révolutionnaire, de l'anarcho-socialisme, tels Georges Sorel ou Pierrre Joseph Proudhon et en général les socialistes pré-marxistes ou utopiques  en se réfèrant donc, en partie (car l'idée d'un progrès continu présent dans ces doctrines doit être remise en cause, plutôt Fourier que Cabet donc sur ce point) aux théoriciens pronant une révolution socialiste pacifique. Une des idées- forces de ces doctrines est que la création de communautés socialistes  au sein de la société capitaliste permettrait la disparition de cette dernière. Michéa ne considère pas, pour autant que ces "communautés intentionnelles" seraient suffisantes pour "renverser" le système capitaliste. Les expériences menées dans "communautés néo-rurales" et autres les "communautés hippies", par exemple, ont, en effet, largement montré leurs limites et, surtout, leur dimension "petite-bourgeoise" mais aussi "parasitaire" (installation dans la misère rurale grâce à l'exode post-1945). La sortie du capitalisme selon Michéa est donc bien un compromis entre deux "intentions" (cf. supra) et passe obligatoirement par une révolution anthropologique totale.

(1) Finalement, j'y ai retrouvé le discours bien trop fréquent du bon gros beauf bien con et d'autres frustrès (toutes étiquettes politiques confondues, soyons justes) qui méprisent le travail et les professions  intellectuels et... surtout les "humanités" et dans ce cas, avec pour seule "culture" celle du militant de gauche radicale (tout est dit). Et on sait à quel point cette engeance, si prompte à "fasciser" ce qui s'écarte seulement d'un iota de sa ligne idéologique, a toujours eu la mentalité policière... On n'insistera pas sur la dimension "bouffe-curé" du discours de ces personnes. Simplement, l'anticléricalisme (comprendre anti-catholique ; le catholicisme étant à peu  près la seule branche confessionnelle du christianisme dont ils aient entendu parler) en 2014 en France, c'est plus qu'une lutte de retard, cela relève, bien plus, de la pathologie, de la névrose obsessionnelle...disons même de la connerie la plus crasse.

(2) "La vérité est que les innombrables intellectuels anglais [NDA : français conviendrait très bien] qui baisent  le cul de Staline ne sont pas différents de la minorité qui  fait allégeance à Hitler ou Mussolini, ni des spécialistes de l'efficacité qui, dans les années vingt, prêchaient le "punch", le "nerf", la "personnalité" et le "soyez un loup!" Orwell, G.

(3) Quel que soit le mode de production l'abrutissement du travailleur reste le même. Collectivisation = fordisme=toyotisme=technicisme=aliénation. Ajoutons que les pays dits "socialistes" (Europe centrale et orientale + URSS)  n'ont jamais dépassé le stade de la "dictature du prolétariat", en réalité celle du Parti donc d'une clique de profiteurs-parasites

(4) On ne fera pas non plus de ce "petit peuple" une figure christique, lui aussi compte son lot de racistes, de crétins à préjugés et d'irrécupérables prêts à tendre le bras de manière à faire un angle de 45° avec l'horizon devant le premier chef vaguement charismatique qui se présentera à lui. Seulement, Orwell et Michéa considèrent que c'est parmi ce "petit peuple" que l'on trouve le plus fréquemment ces comportements de "décence ordinaire", d'authencité et d'adhésion à ce concept fondamental maussien du "donner, recevoir et rendre"...On sait également que Guy Debord était beaucoup moins optimiste que Michéa quant à la fréquence de l'adhésion de ce "petit peuple" à ces valeurs...

mercredi 24 septembre 2014

Karl Marx, Michel Clouscard et Jean-Claude Michéa contre la gauche

Marx et Clouscard ne s'attaquent pas aux réactionnaires de leur époque, mais à la gauche qui leur est contemporaine. Ainsi, Marx ne fustige pas Bonald ou de Maistre, tout comme Clouscard ne fait pas une fixation sur Le Pen. Pour Marx, "être de gauche", c'est appartenir au "camp des bourgeois". Pour Clouscard, qui produit évidemment une analyse réactualisée des rapports de classes et de productions, mais également des clivages politiques, le problème (entendre l'adversaire du prolétariat -de fait du socialisme- dont il donne une définition élargie par rapport à celle des marxistes-idéologues) depuis 1945 et surtout depuis 1968, ce n'est pas la vieille bourgeoise gaulliste, bonapartiste ou le "nationalisme intégral" maurrasien dont il ne reste plus rien, mais le freudo-marxisme (la gauche sociétale-libérale) avec Deleuze, Foucault, Derrida...(des "néo-fascistes" ou "pré-fascistes"...on pourra toujours discuter de l'apppelation...) et par incidence les pseudo-clivages et catégories d'analyses créés par la "nouvelle gauche" : homme/femme (le féminisme), les "jeunes", les minorités sexuelles, ethniques, religieuses qui taisent et nient donc la lutte des classes. De même, le travail de Jean-Claude Michéa s'attache à démonter, avec des références différentes (Mauss, Orwell, Debord, Lasch, Caillé...) de celles du précédent cité,  l'imposture freudo-marxiste autrement dit le triomphe du libéralisme libertaire soit du néo-capitalisme né de la collusion entre la droite patronale, des affaires, et la gauche dite libertaire, qui s'incarne sur le plan intellectuel à travers l'alliance de l'économiste de droite et du sociologue (ou tout autre chercheur en sciences sociales) de gauche.
Par ailleurs, ajoutons que les belles âmes de gauche ont, visiblement, grand mal à comprendre que critiquer la gauche ne veut absolument pas dire être de droite, si cette distinction a un sens...Et, c'est tout le travail, finalement, des deux sus-cités que de confirmer l'obsolescence de cette distinction, voire sa facticité. 

vendredi 19 janvier 2024

Victoire ou défaite de l'Occident ?

 https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/ce-que-la-defaite-de-l-occident-d-emmanuel-todd-annonce-c-est-le-triomphe-de-l-occident?fbclid=IwAR19VxTpJPj-A18p4mtDH1gwyeG0raL0H9kAi8vmv5Wyw6Xga5t1zm7DEGs

Bien vu. Le gros problème du bon bouquin de Todd c'est son titre... et les conclusions qu'ils tirent de ses analyses intéressantes. Ne voit-on pas émerger partout (moins en Afrique) des nouvelles couches moyennes (au sens de Clouscard). C'est le vrai "symptôme" occidental, sa vraie patte et non les classes moyennes qui ont toujours existé d'ailleurs. Ces couches composées de l'archétype-individu mondial unique (IMU).

De l'arrogante "petite bourgeoisie" latino-américaine (faut connaître...) aux, non moins imbuvables, nouveaux consommateurs du "tertiaire" indiens, chinois, polonais, saoudiens, ou russes ayant enfin accès depuis 30 ans "au ludique, au libidinal et au marginal", le processus est le même qu'ici : l'abolition du "surmoi".
Cette desctruction du "surmoi" cô idéal à atteindre et pas seulement cô censeur.

 Foucault en fait une construction bourgeoise à éliminer... Que Foucault soit l'auteur favori et un des plus cités chez les universitaires en SHS qui produisent l'idéologie dominante ne doit plus étonner personne.

Si Todd perçoit ce phénomène, il ne tire pas toutes les conséquences de l'avènement d'un nouveau système qui est une révolution anthropologique (régression ?).

 Les fameux BRICS n'y échappent pas même avec un décalage temporel de 30 ans avec le foyer.

 Ce ne sont ni le confucianisme, ni l'orthodoxie chrétienne, pratique marginale en Russie qui peuvent empêcher de réclamer son droit à la différence... de masse... L'orthodoxie n'a pas grand chose à opposer, pas plus que le catholicisme polonais (modèle devant lequel les cathos tradis sont en extase cela dit au passage) face à cette révolution (ou régression) anthropologique.

Ce nihilisme dont parle Todd c'est celui de ces couches moyennes (la lecture de Clouscard aurait tiré son livre vers l'excellence) c'est bien aussi la négation du producteur par ces mêmes couches moyennes. Tout cela au profit de nouveaux modèles d'émancipation qui doivent cependant éviter la criminalité (la consommation "marginale contrôlée" ). Drogue, porno, films US (qui regarde les films nigérians et indiens ?) musique rock,/rap, divorce, union libre et pillule voilà, entre autres, de quoi se composent les usages et le système d'objet du capitalisme du désir. Quel peuple résisterait à ça ? C'est comme si Todd n'allait pas au bout de l'analyse.

Même un Russe orthodoxe ou un mollah n'y résiste(ra) pas très longtemps (malgré les propagandes d'ici et là-bas qui présentent les choses de manière monolithique). La jeunesse dorée de St-Petersbourg, Moscou n'a pas grand chose à faire (ou seulement pour la forme) des discours des popes et ne fout jamais un pied à l'église. Même phénomène en Pologne, Ukraine... sous d'autres horizons on retrouve le même (le "retour du même") : Inde, Chine, Colombie, Emirats...

L'idéologie du désir (le capitalisme de la séduction) triomphe partout et elle est "occidentale" dans le sens où elle naît dans l'Occident historique (Europe/Amérique tardive) et ses extensions, périphéries ou nouveau(x) centre(s) (selon l'époque à laquelle on se réfère).
En dehors d'un catastrophe majeur qui ou quoi peut l'arrêter ?

Enfin cet "Occident" est introuvable désormais. Si le Japon, le Chili, les émirats ou la Russie ont une économie de type occidental et les couches moyennes qui vont avec, qu'est-ce que l'Occident sinon une vision du monde globalisée/mondialisée ?

 

vendredi 23 octobre 2015

Constantin Léontiev par Nicolas Berdiaev et commentaires...


"Nous assistons à la venue au monde d’une caricature qui défigure l’image des anciens hommes : l’Européen rationnel moyen, avec son grotesque vêtement, que le miroir de l’art ne saurait même pas idéaliser ; un être à l’esprit mesquin qui se sustente d’illusions, frotté de vertu terrestre et de bonnes intentions pratiques ! Depuis le début de l’histoire, on n’avait point vu d’alliage plus monstrueux : jactance intellectuelle devant Dieu, et platitude morale devant l’idole humanitariste, uniforme et incolore. Humanité exclusivement travailleuse, impie, et dénuée de passions. Peut-on aimer une humanité pareille ? Ne doit-on pas haïr, non pas les hommes eux-mêmes, lesquels sont stupides et ont perdu le sens, mais l’avenir qu’ils se préparent ? Ne devons-nous pas le haïr de toutes les forces de notre âme, et même de notre âme chrétienne ?" Extrait de Constantin Léontiev par Nicolas Berdiaev, Berg international, 1993.Recueilli dans La Russie retrouve son âmenuméro de juin 1967 de la revue La Table rondehttp://www.biblisem.net/citatio/leontcit.htm

Léontiev fait partie de ces écrivains prophétiques. Comment ne pas adhérer à sa vision de la "modernité européenne" ? Comment ne pas penser avec lui que l'homme des modernités aux centres d'intérêt limités, à l'égo boursouflé, narcisse qui ne supporte pas la frustration et la critique, incapable de faire face son vide intérieur, n'est qu'un individu terne dont le prétendu individualisme n'est qu'un moutonisme, dont la singularité renvendiquée  (qui n'a jamais entendu ce fameux récurrent "je ne suis pas comme les autres" !) relève de la plus effroyable des banalités, et qu'absolument plus rien ne transcende. Comment le sentiment du sacré (voir simplement un peu d'"esprit") pourrait-il, de toutes façons, émerger d'une fosse à purin ? Or donc, le "pas comme les autres" n'est, dans la plupart des cas, qu'un pauvre type (pauvre femme) mal élevé(-e) qui pensant défier la norme en se comportant comme un porc (une truie), ne fait cependant qu'adhérer à celle-ci. 
A propos de gorets... le livre de Gilles Châtelet "Vivre et penser comme des porcs" sorti à la fin des années 90 du XXe s., aussi amusant dans sa forme que tragiquement réaliste sur le fonds, témoigne de la présence réelle de l'homo porcus en ce monde...On peut vérifier cet état de fait quotidiennement. 
Il s'ensuit que chez ce pousse-caddie la capacité d'émerveillement  devant la Création ne peut être que, de toute évidence, totalement absente. Pour paraphraser Clouscard qui, malgré le sentiment qui pourrait émaner  d'une lecture très superficielle de son oeuvre n'avait rien d'un anti-moderne ou d'un réactionnaire, le voyage au bout de la nuit, parsemé d'indigestes introspections, que revendique l'individu d'attitude moderne n'est, finalement, qu'une promenade pantouflarde dans le jardin des idées reçues...Ici, Clouscard rejoint Léontiev...
L'homme religieux est le seul à pouvoir assumer la totalité du monde, de l'existence y compris cet événement  angoissant qu'est la Mort. Savants et pseudo-savants reculent à l'évocation de cette dernière. Ils n'ont absolument rien à dire à son sujet...et ne veulent rien en savoir... Au mieux, peut-on s'attendre de leur part   à la récitation des éternels poncifs relativitives... relatifs à l'autonomie du sujet, la liberté de conscience (un pas de côté...). 

jeudi 16 mars 2023

Loïc Chaigneau sur le dit "wokisme" et commentaires sur Sandrine Rousseau

Article sous formes de notes successives...

A écouter. Ex. Sandrine Rousseau avec sa sorcière et son intuition féminine « Le monde crève de trop de rationalité (...), je préfère des femmes qui jettent des sorts plutôt que des hommes qui construisent des EPR. » Elle montre qu'elle est une pure réactionnaire comme les bécasses qui reprennent son discours. On voit tout le mépris de l'histoire chez cette gauche-"écolo", la haine du producteur, des forces sociales en mouvement qui font l'histoire.

La critique qui en est faite dans la presse  https://www.marianne.net/societe/laicite-et-religions/du-feminin-sacre-aux-pseudo-medecines-comment-les-sorcieres-ont-usurpe-le-feminisme?fbclid=IwAR2CB_g3-hgQBR9ql2UaweacW181r3AgqOLwYdjZOr2ixD9DLkqbtI7SN-8

est, en général, très mauvaise et passe à côté de l'essentiel (les journalistes n'ont pas le niveau mais qui en doute ?) : le rejet de la raison, de l'approche historique (matérialisme historique), de fait apologie de l'irrationalité ("fabriquer des abrutis", Clouscard), du subjectivisme de l'abruti pulsionnel nietzchéen, etc. Elle n'est pas folle, elle n'est pas anodine (vice-présidente d'université), elle incarne ce postmodernisme, ce libéralisme culturel, complètement pervers qui nient jusqu'à l'existence du sujet. LIRE Clouscard est nécessaire. Il a tout dit à ce propos.

 S. Rousseau (suite). Elle ESSENTIALISE donc la femme qui "jette des sorts", fait de la magie, de la voyance ou des merdes de ce genre, est intuitive et donc incapable de s'inscrire dans le proces de production... Quand la GAUCHE DONNE RAISON AUX PIRES REACTIONNAIRES. Si à GAUCHE il y avait encore des INTELLECTUELS DIGNES de ce nom alors il y aurait dû avoir une levée de boucliers et un rejet définitif de cette femme (? lol) HORS de leur camp. Mais non... soit la gauche n'est qu'un TAS DE CONS, soit son projet est celui de Rousseau Sandrine.

Bien sûr qu'elle est caricaturée, effarée que sont ses contemporains qui n'ont rien vu depuis 50 ans (en pensant que la gauche est MARXISTE) elle n'est que LE PUR PRODUIT le PLUS FINI du derrido-foucaldo-deleuzianisme (avec les Heideggger et les freudo-marxistes de Francfort ; c'est de là que viennent idéologiquement les S. Rousseau et cie ).

 

  
 
 
La porcine congrégation...
 La stratégie c'est de poser des questions à l homme de la rue qui va réagir à l émotion. S Rousseau serait donc la victime d une bande de beaufs réacs et avinés. Les gauchistes ont fait la même chose avec le PCF dès les années 60. Que Meurice soit un con ou un cynique on s en fout. On reste à la surface des choses et c est bien ça qui compte. Envoyez les rires gras des bo-beaufs cadres sup' de gauche !
 
 
Suite et fin. Et c est bien là toute l escroquerie et la perversité de cette gauche. Récupérer des REVENDICATIONS sociales LEGITIMES en mettant en avant cette engeance et en lui mettant les
mots de la contestation dans la bouche.
 
 

 

 

vendredi 13 septembre 2013

Musiques metal et temps du mythe (2)

Pour certains penseurs néo-marxistes (Clouscard), répétition machinale, linéarité sont les caractéristiques de la musique rock, considérant  celle-ci comme la musique du "grand capital". Une musique rock opposée au jazz et son rythme naturel. Le rythme du corps : le swing. "Le rock c'est le jazz sans le swing". Le rythme du rock serait le rythme du capitalisme. Mais aujourd'hui "la marque du rythme, répétitif, saccadé fébrile de la machine" (que Clouscard assignait au rock au début des années 80) sont les caractéristiques propres au rap. Le rythme du rap (mais aussi de la techno) c'est le rythme du capitalisme, n'en déplaise aux "gauches". Mais ce n'est pas uniquement le rythme qui en fait une musique du capital...

La musique rock des années 2000 semble n'avoir plus grand chose à voir, en apparence, avec les formes primitives du  rock 'n' roll des années 50 et 60. C'est faux pour "le rock ou la pop 3 accords" qui inondent les stations de radio FM,  ça l'est beaucoup moins pour ce que l'on peut considérer comme des formes évoluées de rock  tel le heavy metal instrumental (qui naît dans les années 1980 véritablement et ignoré ou inconnu plutôt par ces marxistes) qui nous intéresse particulièrement ici.  Le rythme originel du rock' n roll et ce "retour du même" sont balayés par ces néo-virtuoses de cette forme particulière de rock...ou plutôt de "jazz". Le rock, inspiré par la musique dite "classique", joué comme du jazz : création du hard rock instrumental. De fait, cette forme descendante lointaine du rock n'est plus "récupération" du jazz, temporalité abrutissante mais émancipation. 
Fin de la répétition.

Pourquoi ? Parce que nous allons autrement et autre part en affirmant, que le rock n'est pas uniquement une question d'absence de swing, de "jazz sans son âme" que le rock ou metal instrumental présente ces particularités : rupture avec la linéarité du temps profane ou "déchirure" dans le temps linéaire par définition irréversible et passage dans un temps que faute de mieux on  nommera "parallèle" pour la durée que dure l'écoute d'une composition.  Remonter à l'origine du temps ou d' un événement qui s'est déroulé in illo tempore, chose permise à certains élus pour retrouver un état d'avant la "chute".

Le rythme pathologique de la modernité, l’irréversibilité du temps (le fameux temps linéaire du "progrès") qui est autant celui du  stalinisme, sinon du marxisme, que du capitalisme est défié, combattu sinon vaincu.

 Sur le plan musicologique l'utilisation de certains modes (improvisation modale) permet cette différenciation, et cette émancipation de certaines formes de musiques metal par rapport à un "rock basique". Décloisonnement. Dissonant par moment certes, donc "moderne" et pathologique par endroit mais cependant contestataire  vis-à-vis de cette (post-)modernité. Ce genre metal instrumental est devenu autonome et n'est plus sous la dépendance du "rock primitif" binaire, forme  la plus répandue de musique rock encore aujourd'hui. Il  accomplit, abolit et dépasse les structures primitives du rock n' roll et combat, de fait, la "cadence folle du néo-capitalisme". Basculement.

L’œuvre musicale arrache donc l'auditeur à la "quotidienneté" du temps commun, du temps de l'histoire, de son histoire. Nous pourrions tout aussi bien évoquer la lecture de certaines œuvres, ou le visionnage d'un film ou d'une pièce de théâtre qui  offrent au lecteur ou au spectateur l'occasion de réintégrer le "grand temps". Ce comportement s'apparente à une volonté de revivre d'une manière quasi-mystique un événement qui eut lieu à un moment donné dans le passé. Il ne s'agit de "voyager" dans le passé mais d’attirer ce passé vers le présent ; deux temps qui finissent alors par se confondre. 
Le metal est-il de gauche, "marxiste" (2) ? C'est ce qui préoccupe ces pourfendeurs du rock, du hard rock et des musiques metal (mais ils ont la réponse depuis bien  longtemps). Mais c'est hors-sujet pour nous. Ce que l'on peut dire c'est qu'il n'est pas "capitaliste". 
Ce que les marxistes (certains) ont voulu voir dans le jazz, c'est une (au contraire du rock) adhésion à leur courant de pensée. Le jazz c'est la révolte (histoire de l'esclavage, de la ségrégation raciale) au contraire du rock qui ne serait, au mieux, que contestation. Ils ont désiré en faire leur musique. Une bande sonore pour  accompagner l'émergence de "l'homme nouveau". Démonstration limitée.

La rébellion authentique n'est donc peut-être (et même certainement) pas, d'une part, dans le "rythme avec le swing" et, d'autre part, plus uniquement dans une rage anti-système exprimée à renforts d'anathèmes, de blasphèmes (aujourd'hui relativement communs) (1) mais dans cette volonté de (ré-)intégrer un temps fabuleux possiblement lié à une nostalgie des origines. Nous avons ici une manière confuse, non-exprimée, de dépasser sa condition humaine et de recouvrer la condition divine ou d'adopter un comportement,t mythologique. Et c'est cette condition perdue que le "moderne" chercherait à  retrouver sans en avoir conscience à travers l'écoute de certaines musiques. 

Mais cela n'intéresse pas le marxiste, le bourgeois (au sens de Flaubert) matérialiste ou le gauchiste. Même si l'individu appartenant à une des catégories ne rejette pas le metal, il ne le perçoit pas de cette manière. Pour lui, ce n'est, au mieux, que "ludicité-beuverie", s'il "accepte" cette musique.

(1) Il faudra revenir sur ce sujet. Les thématiques encore "subversives" des chansons au XXIe siècle, sont uniquement présentes dans certaines formes de hard rock ou de metal. La subversion ne vient absolument pas de la promotion d'un "individualisme" qui ne serait pas accepté ou acceptable dans une société occidentale comme l'affirment certains "spécialistes" du metal (ce dernier est entré à l'université comme objet d'étude, assurément signe de déclin d'un genre ou de genres désormais de plus en plus acceptés normalisés et donc récupérés, mais la réalité est peut-être un peu plus complexe, il faudra discuter de ce constat). Cet individualisme qui n'est pas strictement égal à l'égoïsme, n'a pas un caractère rare et est tout  à fait accepté.

(2) Pour en revenir aux analystes "marxistes" faisant du rock, la musique de la "petite bourgeoisie", fermée sur elle-même, on pourrait discuter de ce qu'est le "fan de jazz" : un petit ou moyen-bourgeois élitiste et méprisant, un sinistre personnage  nietzscheo-debordien qui s'approprie la musique noire-américaine...Il est vrai que la révolte ou la simple contestation à travers la musique ont, en effet, toujours fasciné les bourgeois. Le succès du rock, de la pop-music, du rap chez les classes moyennes ou les milieux de la bourgeoisie blanche occidentale est réel. On sait que le rap a été imposé "par le haut". Le rock, en partie.

Mais il nous faut aller au-delà de ces formules et catégorisations  lapidaires (à suivre)  

Pour aller plus loin : Musique metal et satanisme


 Lien vers :

Tony MacAlpine - Rusalka Album Premonition 

samedi 14 septembre 2013

Pier Paolo Pasolini


Pasolini, marxiste critique à l'égard du "développement", "chrétien primitif" (et pagano-chrétien), contre l'hédonisme, le permissif, le consumérisme qui relèvent du conformisme petit-bourgeois (encore aujourd'hui, le succès de Michel Onfray en France dans certains milieux illustre bien ce constat), contre cette extrême-gauche des années 60 et la stupidité de ses thèses ("politique de la table rase"), mais aussi rejet de l’Église instituée et de ses clercs qui préférèrent s'assoir à la table des "dominants", de la droite capitaliste-fascisante italienne. Une Église progressivement éjectée du jeu politique puisque devenue "inutile". Pasolini met en avant l'idée que l’Église catholique romaine ne joue plus aucun rôle dans l’oppression des peuples occidentaux (et dans celle de la femme, de fait) et que la plus terrible des aliénations est celle de la soumission au "spectaculaire marchand". En outre, l’Église doit donc en finir avec ses trahisons à l'égard du message du Christ et de son peuple et devenir  le fer de lance des révoltes populaires à venir.

Pasolini écrira dans une série d'articles que l'on retrouve dans "Écrits corsaires" (cf. infra) que la société de consommation, "l’hédonisme de masse" (c'est son expression) et ce néo-capitalisme qui émergent dans les années 60 et 70 ont réussi à créer un type anthropologique d'un genre totalement nouveau et la "réduction [des Italiens et de tous les 'occidentaux'] à un modèle unique", "Frustration ou carrément désir névrotique sont désormais des états d'âme collectifs". 

Cependant, derrière l'expression "société de consommation", Pasolini ne semble guère vouloir distinguer la consommation qui permit aux plus modestes d’accéder à des produits d'équipements qui ont pu améliorer leur vie, de cette "consommation ludique, marginale  et libidinale". Là, il faut lire Michel Clouscard qui conteste cette appellation générique car selon lui, il n'a jamais existé une telle société dans le monde occidental. Si tel était le cas nous serions dans une société d'abondance (société communiste aboutie donc). 

 Des imbéciles ont voulu voir en Pasolini un "rouge-brun". Incompréhension face à la complexité du personnage et de son discours de la part du "vulgaire" et des idéologues qu'ils soient de droite ou de gauche (extrêmes inclus) à cause de la binarité de leur mode de raisonner, de leur "hémiplégie morale".


Pasolini  est assassiné à proximité de la plage d'Ostie (Rome), dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975.

Un an avant sa mort, dans un éditorial du "Corriere della sera"  du 14 novembre 1974, Pasolini menaçait, de fait, en affirmant  : "Je sais les noms des responsables de ce que l'on appelle golpe (qui est en réalité une série de golpes (...)). Je sais les noms qui composent le 'sommet' qui a manœuvré aussi bien les vieux fascistes créateurs de golpes que les néofascistes, auteurs matériels des premiers massacres et que, enfin, les inconnus responsables des massacres les plus récents..." Dans son roman "petrole", il souhaitait dénoncer la violence et les crimes d’État, des industriels et du pouvoir économique italiens.

"On l'a exécuté a affirmé il y a quelques années Pino son assassin présumé. Ils étaient cinq. Ils lui criaient : "Sale pédé, sale communiste ! " et ils le tabassaient dur. Moi, ils m'avaient immobilisé. Je ne l'ai même pas touché, Pasolini, j'ai même essayé de le défendre..." Pour Pino, il y a cinq agresseurs : " les frères Borsellino, deux Siciliens fascistes et dealers""ils exécutaient une commande. Ils voulaient lui donner une leçon et ils se sont laissés aller. C'est que Pasolini cassait les pieds à quelqu'un" La Loge P2 ?

(voir ici pour les révélations de Pino)
                                                         

Je suis une force du Passé.
À la tradition seule va mon amour
Je viens des ruines, des églises,
des rétables, des bourgs
abandonnés sur les Appennins ou les Préalpes,
là où ont vécu mes frères.
J'erre sur la Tuscolane comme un fou,
sur l'Appienne comme un chien sans maître.
Ou je regarde les crépuscules, les matins
sur Rome, la Ciociaria, l'univers,
tels les premiers actes de l'Après-Histoire
auxquels j'assiste, par privilège d'état-civil,
du bord extrême d'un âge
enseveli. Monstrueux est l'homme né
des entrailles d'une femme morte.
Et moi, foetus adulte, plus moderne
que tous les modernes, je rôde
en quête de frères qui ne sont plus 

Poesia in forma di rosa, Garzanti, Milano 1964 
                                                                                  (1922-1975)


   
"L'Italie est un pays qui devient de plus en plus stupide et ignorant. On y cultive des rhétoriques toujours de plus en plus insupportables. Il n'y a pas de pire conformisme que celui de gauche, surtout, naturellement, quand c'est adopté par la droite."

Sur 68, "révolte" de sinistres enfants de bourgeois, de narcisses nietzcheo-debordiens et autres vaniteux jouisseurs marcusiens dont l'unique but a été de prendre le pouvoir culturel puis politique. Une bourgeoisie en a chassé une autre :
"J'ai passé ma vie à haïr les vieux bourgeois moralistes, il est donc normal que je doive haïr leurs enfants, aussi… La bourgeoisie met les barricades contre elle-même, les enfants à papa se révoltent contre leurs papas. La moitié des étudiants ne fait plus la Révolution mais la guerre civile. Ils sont des bourgeois tout comme leurs parents, ils ont un sens légalitaire de la vie, ils sont profondément conformistes. Pour nous, nés avec l'idée de la Révolution, il serait digne de rester fidèles à cet idéal."

Sur le fascisme, l’antifascisme et la "société de consommation"
(article Acculturation et acculturation, 9 décembre 1973)  :
"Une bonne partie de l'antifascisme d'aujourd'hui, ou du moins ce qu'on appelle antifascisme, est soit naïf et stupide soit prétextuel et de mauvaise foi. En effet elle combat, ou fait semblant de combattre, un phénomène mort et enterré, archéologique qui ne peut plus faire peur à personne. C'est en sorte un antifascisme de tout confort et de tout repos. Je suis profondément convaincu que le vrai fascisme est ce que les sociologues ont trop gentiment nommé la société de consommation.

"Le fascisme, je tiens à le répéter, n'a pas même au fond été capable d’égratigner l'âme du peuple italien, tandis que le nouveau fascisme, grâce aux nouveaux moyens de communication et d'information (surtout justement la télévision), l'a non seulement égratignée, mais encore lacérée, violée, souillée à jamais."

"Le centralisme fasciste n’a jamais réussi à faire ce qu’a fait le centralisme de la société de consommation [...] Le fascisme proposait un modèle, réactionnaire et monumental, qui est toutefois resté lettre morte. Les différentes cultures particulières (paysanne, prolétaire, ouvrière) ont continué à se conformer à leurs propres modèles antiques : la répression se limitait à obtenir des paysans, des prolétaires ou des ouvriers leur adhésion verbale. Aujourd’hui, en revanche, l’adhésion aux modèles imposés par le Centre est totale et sans conditions. Les modèles culturels réels sont reniés. L’abjuration est accomplie."

"On peut donc affirmer que la « tolérance » de l’idéologie hédoniste, défendue par le nouveau pouvoir, est la plus terrible des répressions de l’histoire humaine. Comment a-t-on pu exercer pareille répression ? A partir de deux révolutions, à l’intérieur de l’organisation bourgeoise : la révolution des infrastructures et la révolution du système des informations. Les routes, la motorisation, etc. ont désormais uni étroitement la périphérie au Centre en abolissant toute distance matérielle. Mais la révolution du système des informations a été plus radicale encore et décisive. Via la télévision, le Centre a assimilé, sur son modèle, le pays entier, ce pays qui était si contrasté et riche de cultures originales. Une œuvre d’homologation, destructrice de toute authenticité, a commencé. Le Centre a imposé - comme je disais - ses modèles : ces modèles sont ceux voulus par la nouvelle industrialisation, qui ne se contente plus de « l’homme-consommateur », mais qui prétend que les idéologies différentes de l’idéologie hédoniste de la consommation ne sont plus concevables. Un hédonisme néo-laïc, aveugle et oublieux de toutes les valeurs humanistes, aveugle et étranger aux sciences humaines."

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"Un personnage comme Mussolini serait inconcevable aujourd'hui, du fait de l’irrationalité et de la nullité de ce qu'il dit et parce qu'il n'y aurait aucune place ni crédibilité pour lui dans le monde moderne. La télévision suffirait à le rendre vain, à le détruire politiquement. (...) Ses techniques convenaient pour un chef sur une estrade devant une foule, mais elles ne marcheraient absolument pas devant un écran." Changement total dans notre façon d'être et de communiquer.

Autre passage sur le néo-fascisme, tel que Pasolini le conçoit : la société de consommation. 

"Le fascisme avait fait de ces foules, des guignols, des serviteurs, peut-être partiellement convaincus mais il ne les avait pas atteint dans le fond de l'âme. En revanche, le nouveau fascisme, la société de consommation a profondément transformé les jeunes, elle les a touchés dans ce qu'ils ont de plus intime, elle leur a donné d'autres sentiments, d'autres façons de penser, de vivre, d'autres modèles culturels. Il ne s'agit plus comme à l'époque Mussolinienne, d'un enrégimentement superficiel mais réel qui a volé et changé leur âme Ce qui signifie en définitive que cette civilisation de consommation est une civilisation dictatoriale. En somme, si le mot fascisme signifie violence du pouvoir, la société de consommation a bien réalisé le fascisme. Les démocrates chrétiens sont devenus les véritables fascistes.Colères focalisées sur les fascistes archéologiques alors que les véritables fascistes sont au pouvoir."

Source : Extraits, "Écrits corsaires", 1973-1974, recueil publié en 1975 (1ère édition)





 


Pasolini - Évangile selon saint Matthieu



                                                 
                                                        31 octobre 1975, dernier entretien


                                            
                                                            Pasolini, prophétique...