La
Macédoine
La Macédoine est un État indépendant depuis 1991.
Elle connait dès les premiers temps de son existence un conflit symbolique
l'opposant à la Grèce à propos de son nom. Les Grecs n'acceptent pas que les
Macédoniens slaves utilisent le toponyme Macédoine qui renvoie à leur propre
histoire (Royaume de Macédoine), à l'hellénisme, à la langue grecque, d'autant
plus que la jeune république ne se prive pas d'utiliser des symboles
identitaires forts dont la Grèce se dit la seule dépositaire : Alexandre le
Grand, le soleil de Vergina ornant le tombeau de Philippe II de Macédoine. On
retrouve ici les préoccupations des nationalistes protochronistes des anciens
Etats communistes, qui dans leur quête d'identité, revendiquent une filiation
directe et la plupart du temps unique entre les peuples des Etats modernes et ceux
de l'Antiquité. De fait l' appellation FYROM (Former Yugoslav Republic Of
Macedonia) - soit ARYM (Ancienne République Yougoslave de Macédoine) en
français - est celle qui est reconnue et utilisée à l'international. Mais
cette querelle identitaire ne semble pas devoir dégénérer en conflit armé et
reste, pour le moment, cantonnée au domaine du débat intellectuel dans lesquels
interviennent politiciens, historiens protochronistes ou non. Mais sait-on
jamais...
La situation pouvant rapidement se traduire en conflit
armé est plutôt à chercher dans les tensions entre Macédoniens "de
souche" et Albanais. La Macédoine présente une grosse minorité d'Albanais
représentant environ un quart de la population totale du pays, soit environ
500000 personnes pour un territoire comptant un peu plus de 2 millions
d'habitants. A ce constat général, il faut évoquer une situation particulière.
A l'ouest du pays, les Albanais sont soit majoritaires, soit représentent une
grosse minorité par rapport à la population totale de la région. Plus on se
rapproche de la frontière avec le Kosovo ou l'Albanie, plus ils sont nombreux. Ils
sont majoritaires dans certaines villes et forment une minorité très importante
dans d'autres villes ou villages. Cette population est très vindicative et
obtient depuis les années 90 tout ce qu'elle demande au pouvoir central. Des
revendications concernant le bilinguisme ou un désir pour les Albanais d'être
mieux représentés au sein de la société macédonienne, on passe très vite à des
revendications d'indépendance de la partie du territoire majoritairement
albanais ou le rattachement de celle-ci à l'Albanie-Kosovo. En 2001, des
anciens combattants de la guerre du Kosovo de l'UÇK-M ont réalisé plusieurs
opérations visant à rattacher la zone albanaise de la Macédoine au Kosovo, sous
couverts de revendications d'ordre culturel et linguistique. Un conflit oppose
alors pendant six mois les Albano-kosovars au pouvoir central. Les accords
d'Ohrid du 8 août 2001 donnent gain de cause aux Albanais. Par ces accords,
l'albanais devient langue officielle au même titre que le macédonien dans
toutes les municipalités peuplées d'au moins (ou seulement ! c'est au
choix) 20% d'Albanais, l'usage de la
langue albanaise est autorisé au parlement, etc. Ces mesures sont évidemment
une avancée considérable pour la domination albanaise de la Macédoine. La toile
de fond idéologique de ces conflits culturel et armé étant toujours la
réalisation de la Grande Albanie. Plus récemment, en 2014, lors d'une
manifestation organisée pour défendre des Albanais accusés d’avoir tué cinq Macédoniens,
on pouvait entendre des slogans comme "Skopje, cœur de l’Albanie" qui fait écho à un autre
slogan shqiptar (albanais) "Kosovo,
cœur de l’Albanie". En mai 2015, ont lieu simultanément des manifestations
à Skopje et un coup de force armé à Koumanovo dans le nord-est du pays à
proximité de la frontière avec la Serbie, associant des Albanais de Macédoine et
du Kosovo. Le parti au pouvoir, l'Organisation
révolutionnaire macédonienne intérieure - Parti démocratique pour l'Unité
nationale macédonienne (VMRO-DPMNE), originellement d'orientation nationaliste
devenu parti de centre-droit, accusé par l'opposition de favoriser les
chrétiens appartenant à l’Église orthodoxe macédonienne au détriment des
Albanais musulmans, organise alors promptement et avec succès une
contre-manifestation dans la capitale tout en réagissant fermement à l'attaque
terroriste. Il est intéressant de signaler que ces événements se sont produits
le 9 mai, date hautement symbolique car jour de célébration de la victoire
russe sur le nazisme. Ici à Skopje, comme ailleurs dans les Balkans
yougoslaves, les "émissaires" du BAO (ambassadeurs) encouragent
largement la contestation contre le pouvoir central actuellement aux mains du
VMRO-DPMNE dont les bonnes relations qu'il entretient avec la Russie sont
gênantes. Le 4 mars 2016, à Butel, ville majoritairement orthodoxe (65% de la
population) localisée dans le nord de la Macédoine, des Albanais détruisent et brûlent
une croix orthodoxe. A cette crise interne, il faut ajouter la question de la
gestion des migrants que la Macédoine, située sur la très fréquentée
"route des Balkans" voit déferler sur son petit territoire. A la date
du 5 mars 2016, 13000 migrants-réfugiés auxquels les Albanais apportent leur
soutien se pressent à la frontière entre la Grèce et la Macédoine, alors que la
Grèce doit s'organiser pour relever le défi de la présence imposée de 30000 personnes venant de Syrie, d'Irak ou
d'Afghanistan, sur son territoire. Un peu plus d'un mois plus tard, la
situation devient presque incontrôlable.
Le parti
au pouvoir en Macédoine, au début de l'année 2016, est favorable à une
coopération avec la Russie dans le domaine énergétique. Un projet de gazoduc
doit remplacer le programme south stream que les euro-atlantistes de
Bruxelles-Washington ont fait avorter. Pour faire échouer les projets de
coopération économique russo-macédoniens, le BAO s'appuie donc sur les groupes
radicaux albanais nationalistes irrédentistes et djihadistes et est donc
favorable à une partition éventuelle de la Macédoine en deux zones. L'une
reviendrait à l'Albanie, l'autre à la Bulgarie. Pour ce faire, le BAO
flatte-t-il les séparatistes de Tirana, Pristina et de Koumanovo et leur rêve
de Grande Albanie. La Serbie entretient des relations plutôt cordiales avec la
Macédoine qu'elle voit, avec raison, comme un Etat neutre et garant d'une
certaine stabilité dans cette région sud-balkanique (Grèce incluse). Début
avril 2016, des manifestations se déroulent à Skopje, la capitale macédonienne.
Des Macédoniens descendent dans la rue pour contester un projet de loi d'amnistie et demander la
démission du président Gjorge Ivanov, proche de Poutine. Très rapidement, le 13
avril, nous assistons aux premières scènes d'émeutes. Le scénario est devenu
très commun. Ivanov est accusé de corruption, la sémantique journalistique du
BAO évolue, de "gouvernement de Macédoine", on passe à "régime
de Skopje" comme on parle de "régime de Damas" pour bien marquer
la supposée illégitimité du pouvoir en place. Les manifestations sont sous le
contrôle d'une poignée de chefs appartenant à des ONG, l'opposition au pouvoir
en place soutenue par les gouvernements des pays du BAO et l'Europe
communautaire et les Etats-Unis mettent en garde Skopje et menacent de
sanctions[1]. Une
situation qui ressemble sensiblement à celle ayant précédé les "Révolutions
de couleur". Ce que l'on peut dire avec quasi-certitude , c'est qu'une
déstabilisation de la Macédoine ne manquerait d'avoir de graves conséquences dans tous les Balkans
et peut-être au-delà...
[1] "Macédoine : L'UE et les Etats-Unis mettent en garde Skopje après une amnistie", http://www.rtl.be/info/monde/europe/macedoine-l-ue-et-les-etats-unis-mettent-en-garde-skopje-apres-une-amnistie-810015.aspx", en ligne le 13/04/2016, consulté le 19/04/2016
(Avril 2016, Jean-Michel Lemonnier, ouvrage non publié)
VOIR AUSSI :
http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.fr/2016/09/la-nature-eschatologique-de-la-guerre.html
http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.fr/2016/11/la-nature-eschatologique-de-la-guerre.html
http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.fr/2016/11/guerre-de-et-pour-leurasie-la.html
http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.fr/2016/09/la-nature-eschatologique-de-la-guerre.html
http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.fr/2016/11/la-nature-eschatologique-de-la-guerre.html
http://jeanmichel-lemonnier.blogspot.fr/2016/11/guerre-de-et-pour-leurasie-la.html